Vaccination anti Covid : les incitations financières ça marche, la com’ gouvernementale beaucoup moins<!-- --> | Atlantico.fr
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L'incitation financière peut augmenter le taux de vaccination, selon une étude menée en Suède.
L'incitation financière peut augmenter le taux de vaccination, selon une étude menée en Suède.
©Carl-Olof ZIMMERMAN / TT News Agency / AFP

La bourse et la vie

C’est qu’établit une étude réalisée sur 8000 Suédois, dont une partie a reçu vingt euros pour aller se faire vacciner.

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Pol Campos-Mercade

Pol Campos-Mercade

Pol Campos-Mercade est chercheur postdoctoral au département d'économie de l'Université de Copenhague

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Armando Meier

Armando Meier

Armando N. Meier est chargé de recherche à l'Université de Lausanne.

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Florian Schneider

Florian Schneider

Florian Schneider est chercheur postdoctoral au département d'économie de l'Université de Zurich

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Pour augmenter le taux de vaccination contre le Covid-19, de nombreux gouvernements ont utilisé, ou envisagent d'utiliser, des incitations monétaires. Une étude, menée par Pol Campos-Mercade, Armando Meier, Florian Schneider, Stephan Meier, Devin Pope et Erik Wengström, s'appuyant sur une expérience menée en Suède montre qu'une incitation modeste de 20 euros peut augmenter considérablement les taux de vaccination. En outre, les incitations semblent contribuer à augmenter le taux de vaccination dans tous les groupes, y compris les groupes socio-économiques les moins susceptibles de se faire vacciner. En revanche, les incitations comportementales, telles que la fourniture d'informations ou la mise en évidence de l'impact social de la vaccination, n'entraînent pas d'augmentation statistiquement significative des taux de vaccination. 

Atlantico : Une étude publiée récemment dans Science intitulée "Monetary incentives increase COVID-19 vaccinations, nudges do not" nous apprend que depuis l'apparition du vaccin Covid, pour les États s’est posé une interrogation majeure soit : comment inciter les populations à se faire vacciner. Les chercheurs ont conclu que les incitations monétaires étaient la meilleure option. Qu'est-ce qui peut expliquer un tel résultat ?

Pol Campos-Mercade, Armando Meier et Florian Schneider (auteurs de l'étude) : Nous avons réalisé une étude auprès d'environ 8000 Suédois. Nous avons offert 20 € à certains d'entre eux s'ils se faisaient vacciner contre le Covid-19. Nous avons constaté que 72 % des participants du groupe qui n'a pas reçu d'incitation se sont fait vacciner, tandis que 76 % des participants du groupe qui a reçu une incitation se sont fait vacciner. Nous constatons donc que des incitations aussi modestes que 20 € peuvent entraîner une augmentation significative de 4 % du taux de vaccination (ou, en d'autres termes, les incitations convainquent 15 % des personnes qui, autrement, auraient choisi de ne pas se faire vacciner). Nous ne pensons pas avoir influencé les anti-vax. Nous pensons plutôt que les incitations ont convaincu les personnes qui, autrement, ne se soucient guère de la pandémie et ne veulent pas s'embêter à se faire vacciner. Pour ces personnes, les incitations à se faire vacciner peuvent être un outil utile pour les inciter à se faire vacciner.

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Charles Reviens : L’étude mentionnée a été réalisée en Suède l’été 2021, à un moment où la proportion de la population suédoise ayant reçu deux doses de vaccins était de 36 % contre 68 % aujourd’hui. Le test a consisté a comparé l’octroi de 200 couronnes suédoises (environ 20 €) pour inciter les personnes à se faire vacciner et à les comparer à trois types d’incitations non financières ou discours argumentatifs sur le bénéfice de la vaccination covid : la limitation du risque pour les autres, l’intérêt individuel à se vacciner, l’efficacité et l’absence de risque des vaccins.

Le résultat de l’étude indique une augmentation de 4 % de la vaccination effective des personnes et une supériorité de l’incitation financière par rapport à l’impact des argumentaires (« nudges »). On est en plein dans l’économie des incitations et des comportements : ces résultats font immédiatement penser à l’ouvrage « the small BIG » de Steve Martin, Noah Goldstein et Robert B. Cialdini : des changements minimums de contexte et d’offre (ici le versement d’un montant de 20 €) conduisent à des profondes transformations de comportements.

Les nudges, qui sont des incitations psychologiques, ont un effet positif mais très faible. Cela signifie-t-il que les campagnes gouvernementales ne sont pas vraiment utiles pour convaincre les gens ?

Pol Campos-Mercade, Armando Meier et Florian Schneider : Nous pensons que les campagnes gouvernementales qui utilisent les nudges peuvent être utiles. Cependant, dans une situation où le gouvernement a largement utilisé les nudges et où la majorité de la population a fait un choix actif de se faire vacciner ou non, certains ont affirmé que les nudges ont peut-être atteint les limites de leur efficacité. Nos résultats vont dans ce sens : nous constatons que les nudges ont très peu d'effets. À ce stade, il semble plutôt que des mesures plus radicales soient nécessaires pour augmenter le taux de vaccination.

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Lorsque l’on met en regard la communication française sur le vaccin et les résultats de cette étude, peut-on estimer que le gouvernement a été largement inefficace dans ses incitations ?

Charles Reviens : Il faut partir du constat d’une absence totale de sous-performance de la France en matière de vaccination à partir du printemps 2021 puisque près de 80 % de la population a reçu 2 doses et que 8 % ont également reçu la 3ème dose de rappel.

Donc on ne peut pas parler d’une inefficacité structurelle ou systémique de la France en la matière. L‘approche a consisté en la mise à disposition générale des vaccins, une communication massive des autorités publiques et surtout la mise en place durant l’été 2021 du pass sanitaire qui, sans rendre la vaccination obligatoire, la rendait de fait indispensable pour toute une série d’actes et d’interactions sociales de la vie courante.

La logique financière française sur la vaccination a plutôt été la gratuité, sans mise en place à ce jour de dispositifs d’incitations financières à la vaccination qui se sont en revanche multipliés en Amérique du Nord avec par exemple de nombreux Etats qui ont mis en place des loteries ou des bons divers pour les personnes se faisant vacciner.

Tous les gouvernements désireux d'augmenter leur taux de vaccination devraient-ils envisager une incitation financière ? Cela pourrait-il fonctionner également dans les pays ayant un taux de vaccination élevé, comme la France, dont les non-vaccinés sont les plus difficiles à convaincre ? Une incitation monétaire aurait-elle un sens actuellement dans le cadre français ?

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Pol Campos-Mercade, Armando Meier et Florian Schneider : Nous pensons que les incitations sont un outil que tous les gouvernements devraient au moins envisager d'utiliser. Les incitations sont particulièrement efficaces si une partie de la population ne s'est pas fait vacciner à cause des tracas ou parce qu'elle pense qu'elle ne sera pas beaucoup touchée par la pandémie. Toutefois, si un gouvernement estime que cette part de la population est très faible, des mesures plus fortes que les incitations peuvent être nécessaires pour faire progresser les taux de vaccination.

Charles Reviens : L’étude cité au début de l’article n’indique qu’une augmentation de 4 % de la vaccination effective et ses auteurs font preuve de prudence quant à l’impact nécessairement positif d’une généralisation d’une telle incitation. Compte-tenu du niveau actuel de vaccination, la grande question concerne le fait de comprendre les motivations des personnes réticentes à la vaccination, par exemple avec le modèle 5Cs qui prend en compte les facteurs suivants :

- confiance : confiance de la personne dans l'efficacité et la sécurité des vaccins, dans les services de santé qui les proposent et dans les décideurs politiques qui décident de leur déploiement ;
- complaisance : la personne considère-t-elle ou non la maladie elle-même comme un risque sérieux pour sa santé ?
- calcul : engagement de l'individu dans une recherche d'informations approfondie pour peser les coûts et les avantages.
- contraintes (ou commodité) : facilité d'accès au vaccin pour la personne en question
- responsabilité collective : la volonté de protéger les autres de l'infection par sa propre vaccination.

En tout état de cause, la méthode de l’incitation y compris financière semble possible dans une époque de très grand laxisme budgétaire. On peut même s’étonner que les pouvoirs publics n’y aient pas penser dans ce moment de multiplication des annonces en tout genre et d’augmentation rapide de la dette publique.

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En dehors du contexte de Covid, cela signifie-t-il qu'offrir de l'argent aux gens est le seul moyen d'orienter le comportement des gens vers de "meilleurs" choix ?

Pol Campos-Mercade, Armando Meier et Florian Schneider : Nous ne le pensons pas. Les incitations ne sont qu'un outil parmi d'autres que les gouvernements peuvent utiliser, et nous constatons qu'elles sont efficaces, du moins en Suède. Cependant, d'autres outils tels que l'appel actif des personnes qui ne sont pas encore vaccinées, l'introduction de passeports sanitaires ou l'introduction de mandats pourraient également être efficaces.

Les incitations monétaires présentent-elles des inconvénients ?

Pol Campos-Mercade, Armando Meier et Florian Schneider : Dans notre étude, nous n'avons pas trouvé d'inconvénients. Cependant, certains soutiennent que les incitations pourraient réduire la volonté des gens de se faire vacciner à l'avenir. Notre hypothèse est que, dans le contexte d'une pandémie, nous ne verrons pas ces effets négatifs, mais il n'y a pas encore de preuves à ce sujet. Nous réalisons actuellement des études de suivi afin de déterminer si les incitations ont des effets à long terme sur les attitudes futures en matière de vaccination.

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