Université d’été du Medef : ce que Pierre Gattaz pourrait utilement ajouter à son programme pour relancer l’économie française<!-- --> | Atlantico.fr
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Pierre Gattaz met l’accent sur l’essentiel selon lui et traite effectivement peu de la formation. Or, cet élément est décisif mais encore plus complexe à obtenir que la hausse des marges qui "parle à tout le monde".
Pierre Gattaz met l’accent sur l’essentiel selon lui et traite effectivement peu de la formation. Or, cet élément est décisif mais encore plus complexe à obtenir que la hausse des marges qui "parle à tout le monde".
©Reuters

On y est presque !

Les objectifs posés par le président du MEDEF sont clairs : plein-emploi (soit pas plus de 6% de chômage) et un retour à une croissance de 3%. Pour autant, les solutions qu'il propose pour y parvenir pourraient s'avérer insuffisantes.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : Dans une interview donnée au quotidien Les Echos, Pierre Gattaz met en avant les mesures qui, selon lui, permettront un retour au plein emploi et à une croissance de 3%. Il s'agit pour le patron du MEDEF de louer la politique de l'offre. Si cette politique peut être utile à l'amélioration de l'économie, est elle suffisante pour permettre un retour au plein emploi et à une croissance  de 3% ?

Jean-Paul Betbeze : Une croissance à 3% est toujours à souhaiter, bien sûr, mais 2% seraient déjà bien. Nous sommes en effet scotchés à une croissance faible parce que l’emploi augmente peu, comme la productivité. Or, la croissance, c’est l’addition de l’emploi privé et de la productivité. Ce sont donc les deux chantiers sur lesquels il faut travailler. La politique de l’offre, c’est une politique de la compétitivité et de la formation, aujourd’hui plus que jamais. La compétitivité est une notion protéiforme : il ne s’agit plus d’être moins cher dans les activités que nous connaissons dans les pays développés, mais d’être en avance, pour les technologies, pour la connaissance des clients et pour la satisfaction des marchés. Ceci suppose donc de l’investissement physique, de l’investissement immatériel, en logiciels par exemple, et surtout cet investissement immatériel qui fera la différence : la formation, encore et toujours, dans la durée.

On le comprend, pour sortir aujourd’hui du carcan qu’est notre production potentielle estimée à 1,8%, c’est d’un vrai sursaut qu’il s’agit. Ce sursaut d’investissements implique évidemment plus de souplesse dans les embauches et plus de simplicité avec la puissance publique, mais surtout plus de rentabilité. Aujourd’hui, selon les dernières études de l’Insee, l’excédent brut d’exploitation rapporté à la valeur ajoutée atteint 32,2% en début d’année, grâce à la réduction des charges du CICE. C’est évidemment mieux que les 27 ou 28% antérieurs, mais ce ne sont pas les 35% allemands. Aussi longtemps que la marge des entreprises ne sera pas durablement rehaussée, il est peu probable que les entrepreneurs investiront davantage, ce qui est par construction un risque, surtout s’il s’agit de capital humain.

On dit toujours que le patronat veut moins de contraintes et plus de marges, ce n’est pas illégitime quand il a plus de contraintes et moins de marges que ses concurrents immédiats !

Quelles sont les mesures ignorées ici par le patron du MEDEF ? Que révèle l'absence de vision macroéconomique, ou européenne, à cette analyse?

Dans l’interview, Pierre Gattaz met l’accent sur l’essentiel selon lui et traite effectivement peu de la formation. Or, cet élément est décisif mais encore plus complexe à obtenir que la hausse des marges qui "parle à tout le monde". Pourquoi ? Parce que notre système de formation initiale et d’apprentissage n’est pas assez adapté, et plus encore parce que le climat social n’est pas assez confiant. On parle en effet en France d’emploi et de salaires, qu’il convient d’augmenter régulièrement. Mais l’essentiel est l’emploi et les salaires dans la durée, pas l’évolution de l’embauche ou la hausse de salaires sur une année. Le nouveau contrat de travail, au moins d’un point de vue économique, devrait mettre au centre l’employabilité du salarié, seul gage de son revenu sur longue période, puis de sa retraite. Au lieu de discuter seulement du salaire annuel lors du bilan RH, il vaudrait bien mieux intégrer l’ensemble des composantes de la rémunération : le salaire bien sûr, avec bonus, avantages divers, actions gratuites ou stock-options, plus encore compléments de retraite et, surtout, un programme de formation sur plusieurs années. Mais, encore une fois, pour arriver à ce type de négociation, il faut des entreprises qui aient les moyens financiers de les mener, et on retrouve les marges, plus le climat social nécessaire pour les obtenir. C’est alors que l’on peut regretter que le débat français soit si tendu, par comparaison avec l’Allemagne bien sûr. On ne peut donc pas dire que Pierre Gattaz manque de vision macroéconomique ou européenne, mais plutôt que les problématiques macroéconomique ou européenne ne sont pas très présentes ici !

Quel serait le "policy mix" le plus probant pour permettre la réalisation de l'objectif du MEDEF, entre plein emploi et croissance à 3% ?

Ne rêvons pas : 3% de croissance représente un saut considérable par rapport au potentiel actuel de l’économie française. Il faudra plusieurs années pour l’atteindre, si c’est possible, avec bien plus d’emploi et de formation, car le monde ne va pas s’arrêter de faire des progrès et de nous concurrencer. Symétriquement, il n’est pas mauvais de se donner des objectifs ambitieux. Aujourd’hui, on ne mobilise personne en disant qu’il faudrait passer à 1,6 ou 1,7% dans les années qui arrivent contre 1,5% espéré pour 2016. C’est donc d’un engagement dans la durée qu’il s’agit. D’ores et déjà, le Premier ministre a annoncé des baisses de l’impôt sur les sociétés dans les années à venir, au delà même du quinquennat actuel. C’est obligatoire : pour pousser les entrepreneurs à investir davantage, il faut voir bien plus loin. Et, pour faire évoluer les rapports sociaux, la loi El Khomri nous l’a bien montré, il faut beaucoup expliquer et préparer les esprits. Une croissance plus soutenue dans la mutation actuelle implique donc un "policy mix" d’une autre nature : il ne s’agit pas simplement de taux d’intérêt plus bas et d’un Etat plus compréhensif, mais bien de nouveaux rapports sociaux, notamment au niveau de l’entreprise. Et, là aussi, il faudra bien plus de formation. L’essentiel, c’est la productivité du travail, elle ne se décrète pas !

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