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Union européenne : contre le deux poids, deux mesures
©FREDERICK FLORIN / AFP

Projet européen fragilisé ?

La crise du coronavirus a considérablement fragilisé l'Union européenne. Alors que la question de sa survie pourrait être posée, de nombreux défis se posent pour l'UE face à la crise économique et financière.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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L’Union européenne (UE) traverse une nouvelle crise sans précédent par sa soudaineté et par sa violence. Si beaucoup l’ont à tort critiquée pour une réponse sanitaire tardive, faisant fi de de son absence de réels pouvoir en la matière, désormais que la crise devient économique et financière, c’est bien l’UE comme organisation internationale dont l’essentiel des responsabilités relève du champ économique qui est mise au défi. De nombreux observateurs pensent même que la question de sa survie pourrait, à terme, être posée. 

Soyons sans ambages : l’UE n’est, in fine, que ce qu’en font les États-membres qui la composent. A cet égard, elle ne peut être tenue pour responsable des déchirements franco-allemands depuis dix ans (sortie unilatérale de l’énergie nucléaire par l’Allemagne, opposition sur le traitement du cas grec dans la crise du souverain, crise migratoire, dissensions sur le Brexit), qui sont l’une des principales raisons de sa faiblesse. Et que dire de l’érosion de l’esprit européen de la part de chefs d’État et de gouvernement qui, contrairement à la génération précédente instruite des tragédies du XX em siècle, savait porter le regard loin ?

Est-ce à dire que l’UE soit irréprochable ? A l’évidence non. C’est notamment le cas quand, en fait de traitement équitable, elle se laisse aller à la facilité du « deux poids, deux mesures ». Qu’il soit permis d’en donner ici deux exemples.

Premier exemple, la question de la zone euro dans son volet budgétaire. Beaucoup s’étonnent de l’opposition des Pays-Bas à la fédéralisation budgétaire. Cette intransigeance trouve son origine dans un moment précis : la renonciation par l’Allemagne et la France au respect du Pacte de stabilité et de croissance en 2003. La Commission, à l’époque, de manière continuée depuis, a été incapable de forcer la France à respecter ses engagements budgétaires. Face à la pression croissante des « petits » États, interrogé sur la mansuétude de la Commission contraire aux règles et à l’esprit européens, JC Juncker a été jusqu’à déclarer « France is different ». Ce faisant, la Commission a porté un coup majeur à une construction européenne dont l’essence fédérale signifie l’atténuation de la puissance des « grands » à l’égard des « petits ». En faisant le lit d’une injustice, l’UE s’est elle-même porté un grave préjudice.

Deuxième exemple, la question de l’élargissement. Là encore, le « deux poids deux mesures » a couté cher. Souvenons-nous des raisons qui ont motivé l’entrée de la Grèce dans l’UE en 1981 ; Valery Giscard d’Estaing, avec superbe, avait balayé toutes les règles et conditions européennes en affirmant qu’on ne « faisait pas jouer Platon en deuxième division ». Nous pourrions aussi évoquer le passage à l’euro de plusieurs pays – Italie, Grèce – dont il était pourtant évident qu’ils ne respectaient pas les critères d’entrée dans l’euro…avec les tristes résultats que l’on a vus.

En matière d’élargissement, ce deux poids deux mesures n’a pas disparu. Ainsi, les États membres, malgré les réticences de la France, ont donné leur feu vert pour ouvrir des négociations d'adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, mais sous de nombreuses conditions. Pour le cas de l’Albanie, il s'agit notamment d'une réforme électorale et judiciaire, et de mieux lutter contre la corruption. Est-il permis de rappeler ici qu’un autre État, la Géorgie, montre la voie, tant au niveau des élites dirigeantes que de la population, en matière de volonté de se rapprocher de l’UE ? Or il se trouve que la Géorgie a des résultats en termes de lutte contre la corruption et de respect de l’État de droit d’une part, en termes économiques d’autre part, qui non seulement sont bien meilleurs que celles de l’Albanie ou la Macédoine du Nord, mais qui dépassent souvent les « best in class » de l’UE ? Sait-on, à Bruxelles ou dans les chancelleries, que d’après la Banque mondiale, seul le Danemark offre dans l’UE un environnement plus propice à l’entreprise et à l’investissement, par rapport à la Géorgie ? En ce qui concerne la démocratie, le système électoral fait actuellement l’objet d’une réforme importante, dont il faut souligner qu’elle est soutenue par la France, les États-Unis et l’UE. 

De tout ceci une conclusion émerge : le projet européen est trop fragilisé pour durablement se permettre des écarts à l’égard des règles et des principes qui sont les siens. Sauf à alimenter la défiance qui l’empêche à l’évidence d’avancer.

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