Union des droites : L’expérience européenne montre que les partis de droite sont loin d’être toujours les grands perdants des coalitions avec l’extrême-droite<!-- --> | Atlantico.fr
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Grâce aux 73 députés du parti anti-immigration Les Démocrates de Suède (SD), Ulf Kristersson a obtenu la majorité nécessaire pour être nommé Premier ministre en octobre 2022.
Grâce aux 73 députés du parti anti-immigration Les Démocrates de Suède (SD), Ulf Kristersson a obtenu la majorité nécessaire pour être nommé Premier ministre en octobre 2022.
©Jonathan NACKSTRAND / AFP

Droitisation

Quelques exemples concrets permettent de montrer que la droite classique peut sortir gagnante face à l'extrême droite.

William Thay

William Thay

William Thay est président du Millénaire, think tank gaulliste spécialisé en politiques publiques. 

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Atlantico : La Une du magazine L’Incorrect réunissant les présidents des jeunes LR, Reconquête et RN a suscité un vent d’indignation chez certains à droite pour qui l’union des droites est un épouvantail. La réaction à la présence (et aux propos) de Guilhem Carayon d'une partie de la droite vous semble-t-elle justifiée ?

William Thay : Guilhem Carayon poursuit un mouvement qui avait été initié il y a plusieurs années par différents jeunes LR (mouvement jeune du parti Les Républicains), d’accepter le dialogue avec des cadres de parti politique plus à droite qu’eux. Cela est en rupture avec le « cordon sanitaire » décidé par Jacques Chirac, qui voulait que la droite républicaine n’ait rien à faire avec le Front National (devenu Rassemblement national, actuellement). Cette doctrine ayant notamment atteint son paroxysme lorsque de l’élection présidentielle de 2002 qui avait abouti à la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour. Ainsi, l’ancêtre de LR, l’UMP avait été créé à la suite de cet événement pour fusionner le parti gaulliste le RPR avec le parti centriste UDF. C’est-à-dire qu’une partie des cadres dirigeants de LR actuels l’ont rejoint alors qu’ils sont originellement plus centristes et parce qu’ils étaient en accord avec la doctrine de Jacques Chirac du « cordon sanitaire » contre l’extrême droite.

Tout d’abord, sur le plan des principes et des valeurs, pour différents cadres de LR, en reprenant les origines de la création de ce mouvement notamment de la ligne de Jacques Chirac, il est tout à fait normal que certains s’indignent de la présence et des propos du président des jeunes LR. Seulement sur ce point, il peut apparaitre contradictoire d’être un parti de droite, de défendre la liberté au sens large, et de ne pas accepter le débat avec certaines formations politiques si l’on considère qu’elles ont leur place dans le jeu politique.

Ensuite, sur le plan tactique, parmi ceux qui ont exprimé des critiques à l’égard de Guilhem Carayon, certains parlent de « faute politique » en lui reprochant davantage la forme que le fond. Sur ce point, cela veut dire que ces personnes ne lui reprochent pas tellement le fait de dialoguer et de débattre avec des mouvements plus à droite que LR, mais davantage les conséquences que cela engendre ainsi que la photo de la « Une ». À ce titre, ils n’ont pas forcément tort dans la mesure où cela sert davantage les intérêts de Reconquête qui met en avant son thème d’ « Union des droites », et le Rassemblement national montre qu’il n’est plus aussi infréquentable qu’au soir du second tour de l’élection présidentielle de 2002 par exemple. 

L'Union des droites semble inquiéter en France. Lorsque l’on observe la manière dont elle se réalise à l’étranger, en Europe, quels sont les principaux enseignements à tirer ?

Le premier point essentiel est que ce type d’union se déroule dans des régimes parlementaires avec parfois des règles électorales qui sont différentes du système français. Ainsi, certains de ces pays disposent notamment d’une part de proportionnel qui implique et facilite la formation de coalition gouvernementale entre parti à la différence du scrutin français qui favorise davantage le parti arrivé en tête. En effet, lorsque vous ne pouvez disposer d’une majorité parlementaire avec une seule formation politique, celle-ci est encouragée à chercher des alliés formels. La législature actuelle démontre que la France éprouve davantage de difficultés à réaliser de ce type d’opération que d’autres pays comme l’Allemagne ou l’Italie.

Le second point découle du premier avec l’élaboration d’un programme de Gouvernement commun. La culture de coalition implique davantage à des compromis entre les formations politiques plutôt que la culture française qui conduit davantage au parti dominant d’une coalition à imposer ses vues sur les autres. Ainsi, avec ce quinquennat, on observe que c’est davantage Renaissance qui impose sa ligne au Modem et à Horizons, que l’élaboration d’une plateforme de Gouvernement.

Le troisième point est que même si ce sont davantage les formations d’extrême droite qui connaissent une dynamique dans les autres pays européens, il n’y a pas de fatalité à ce que ce soit le parti d’extrême droite qui s’impose dans toutes les coalitions d’Union des droites en Europe comme notamment en Autriche, en Suède ou en Slovaquie.

Quelle type de droite prend l’avantage et incarne le moteur de ces coalitions à l’heure actuelle ? Cela a-t-il toujours été le cas ? Les craintes d’une extrême-droitisation voire d’une fascisation des pays concernés, en Suède, en Autriche, en Italie, en Lettonie ou encore en Slovaquie se sont-elles révélées fondées ?

Électoralement, la dynamique est davantage en faveur de l’extrême droite plutôt qu’en faveur de la droite classique et traditionnelle en ce moment. Ainsi, ce sont les Démocrates de Suèdes qui ont terminé devant les Modérés lors des dernières élections législatives suédoises. Tandis que Giorgia Meloni a terminé devant ses compères Matteo Salvini et Silvio Berlusconi. Toutefois, ce n’est pas forcément le cas dans les autres pays que vous mentionnez puisque c’est une droite classique libérale et conservatrice qui mène la coalition dans les autres pays que vous mentionnez. De plus, même si c’est l’extrême droite qui est arrivé devant la droite classique en Suède, c’est un Premier ministre de droite qui s’est imposée dans la coalition. 

Ensuite, sur les craintes d’une fascisation des pays concernées, je pense que l’on peut faire le parallèle avec ceux qui pensaient que des chars rouges allaient arriver en France en 1981 à la suite de la victoire de François Mitterrand et d’Union de la gauche. L’expérience montre que ces coalitions d’Union des droites marque une rupture et un changement d’orientation politique de la droite traditionnelle pour davantage s’occuper des questions régaliennes comme l’immigration et la sécurité voir de sujets civilisationnels comme la famille et les valeurs. Pour l’instant, nous n’avons pas d’exemple marquant, que ces coalitions qui ont conduit à des dérives politiques, des manquements des violations de principe de l’État de droit.

Qu’est-ce qui peut expliquer les dynamiques actuelles de l’Union des droites en Europe ? Comment la France s'inscrit-elle ou non dans cette dynamique ?

Chaque pays possède ses propres spécificités et sa propre historique politique qui conduisent à des résultats électoraux différents au regard du contexte. Lors des dernières élections en Europe, nous avons assisté à une poussée de l’extrême droite sur fond de crise sanitaire ayant engendré des conséquences économiques et sociales accentué par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ainsi, ce contexte de crise favorise traditionnellement les extrêmes, même si l’on n’est pas totalement certain qu’il s’agisse d’un phénomène durable. L’autre raison qui explique la poussée des mouvements populistes est l’appréhension des partis de Gouvernement sur la question migratoire. On observe ainsi que les pays comme le Danemark où l’extrême droite progresse le moins voir régresse, est intiment lié au fait que le parti au pouvoir soit ferme en matière d’immigration.

Ainsi, si l’on reprend ces différents points, la France connait une situation de crise économique et sociale, mais qui n’est pas aussi forte que dans les autres pays. Le parti au pouvoir n’arrive pas à se préoccuper des sujets régaliens et à obtenir des résultats en matière de sécurité et d’immigration. De plus, le parti de Marine Le Pen commence à s’institutionnaliser en obtenant le plus grand groupe parlementaire de son histoire et on ne peut totalement exclure une victoire de sa part lors de la prochaine élection présidentielle. Ainsi sa victoire reste peu probable mais pas impossible. Les différents signaux montrent que la France s’inscrit dans cette tendance mais malgré tout, les histoires politiques, la tradition, et le mode de scrutin ne favorisent pas à court terme une possible union des droites en France.

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