Une récente étude scientifique confirme l’intérêt sanitaire d’aérer les lieux clos<!-- --> | Atlantico.fr
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Une étude affirme qu'il est recommandé d'ouvrir les fenêtres dans les lieux clos.
Une étude affirme qu'il est recommandé d'ouvrir les fenêtres dans les lieux clos.
©AFP / Ina FASSBENDER

Ouvrez les fenêtres

Selon une étude récente, l’air extérieur aurait des propriétés désinfectantes contre les bactéries.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Une récente étude, Differences in airborne stability of SARS-CoV-2 variants of concern is impacted by alkalinity of surrogates of respiratory aerosol, publiée par la Royal Society Publishing vient d’apporter une nouvelle perspective sur les bienfaits de l’intérêt sanitaire d’aérer les lieux clos. Quels sont les principaux enseignements de ces travaux ? L’air extérieur a-t-il des propriétés germicides particulières ? Comment expliquer ce phénomène ?

Antoine Flahault : On a appris par cette pandémie que le SARS-CoV-2 se transmettait, comme beaucoup d’autres agents infectieux respiratoires essentiellement par voie aérosol en lieux clos. On sait que ce sont les microgouttelettes de notre respiration, ces microparticules parfois contaminées par ces virus respiratoires, qui s’aérosolisent. On sait aussi que ces microgouttelettes peuvent flotter dans l’air plusieurs minutes voire plusieurs heures dans les pièces mal ventilées. On ne savait pas très bien jusqu’à ces travaux que vous citez quelles étaient les influences respectives des différentes propriétés physicochimiques de l’environnement ambiant sur les virus aérosolisés. Certes la température et l’humidité étaient reconnues comme des paramètres importants, mais cette étude montre que l’acidité de l’air aussi favorise la survie du virus. C’est particulièrement important parce qu’un air confiné, dans une pièce où la concentration de CO2 de l’air est élevée, devient un air très acide, favorable à une activité prolongée des virus aérosolisés. 

Quels sont les bienfaits de l’aération d’une pièce face au virus et aux bactéries ?

La qualité de l’aération d’une pièce se mesure par sa faible concentration en CO2. Dans un air intérieur de qualité voisine de celle de l’air extérieur, les aérosols de notre respiration se diluent rapidement dans la pièce. On pensait jusqu’à présent que la concentration de CO2 était un paramètre, certes pratique et peu coûteux à mesurer, mais juste indicatif de la qualité de l’aération. Ce qu’elle est assurément. Mais cette étude nous fait découvrir que la faible concentration de CO2 est aussi un puissant désinfectant contre les virus respiratoires comme celui du Covid. En effet 90% des virus d’une pièce sont inactivés en moins de deux minutes lorsque la concentration de CO2 est voisine de celle de l’air extérieur (420ppm). C’est une sacrée nouvelle quand même !

Comment expliquer que ce réflexe n’ait pas été plus suivi et généralisé suite à la pandémie de Covid-19 ? Ce simple réflexe peut-il réellement permettre de lutter efficacement contre les bactéries et la transmission des virus ?

La procédure est simple, vous avez raison, mais les moyens à mettre en œuvre pour l’appliquer ne le sont pas, ne nous voilons pas la face. 

La procédure consiste en effet à considérer qu’au dessous de 800ppm de CO2 dans une pièce, l’aération est satisfaisante et les éventuels virus restants rapidement inactivés. Le port du masque n’est alors pas indispensable. Au dessus de 1000ppm, il faudrait envisager de remettre le masque dans un local recevant du public dans lequel on passe plus d’un quart d’heure et en tous cas plus d’une heure. Dans le même temps, il faut rapidement renouveler l’air de la pièce. Au-dessus de 1500ppm, on pourrait recommander d’évacuer le local tant que la concentration de CO2 n’est pas redescendue sous les 800-1000ppm.

En pratique, on se rend compte que dans de nombreuses situations, on serait conduit à évacuer les locaux ou les compartiments de train. En Suisse, lors d’une enquête conduite dans les écoles du canton des Grisons, plus de 60% des salles de classes affichaient des concentrations de CO2 supérieures à 2000ppm. Outre le fait que de telles concentrations ne sont pas propices aux apprentissages des enfants et ne sont pas favorables aux maladies respiratoires allergiques des occupants (enfants comme adultes), elles font des écoles de véritables incubateurs à virus et bactéries respiratoires. Il y a peu de doutes que la situation en France soit très similaire sur ce point.

Y aura-t-il encore plus d’espoir à travers les efforts pour lutter contre la pollution ou contre la présence de potentiels virus ou bactéries dans l’air extérieur ? L'acidité de l'air peut-elle jouer un rôle important dans le taux de décomposition des virus ?

On sait aujourd’hui qu’il nous faut gagner à terme le combat contre la pollution de l’air. C’est vrai pour la pollution atmosphérique de nos villes. C’est également vrai pour la pollution de l’air intérieur. Ce combat est à mener partout, dans nos rues, mais aussi là où nous habitons, circulons, travaillons, nous amusons, faisons du sport, allons nous soigner. À l’heure du dérèglement climatique, le combat qui sera de bon ton de relever est celui dirigé contre les émissions de particules fines par la combustion des énergies fossiles. C’est celui contre les SUV et les véhicules à propulsion thermique, celui de la promotion des mobilités douces, de la marche à pied et du vélo. Le combat pour un air intérieur de qualité demande une nouvelle approche vis-à-vis du bâti. La qualité de l’aération des bâtiments est l’une des normes les moins bien controlées, suivies, et sanctionnées en cas de défaillances. Probablement parce qu’il n’y a pas d’accidents ni de mortalité immédiatement imputable à des défauts de ventilation mécanique, parce qu’il n’y a pas de catastrophes qui font la Une des journaux. Le problème reste peu visible, peu médiatique, peu attractif pour l’action politique.

L’OMS a chiffré le tribut que nous payons à la pollution de l’air extérieur et intérieur à 7-8 millions de morts par an dans le monde. C’est autant que les victimes dues à la cigarette. Mais personne n’a d’addiction à la pollution de l’air. Personne ne serait opposé à respirer un air de qualité. Beaucoup ignorent probablement qu’ils respirent un air vicié qui les intoxique et les rend malades. Il y a par ailleurs d’importantes inégalités sociales face à la pollution de l’air, extérieur comme intérieur, les plus pauvres en payant le plus lourd tribut. Faisons de la qualité de l’air que nous respirons, à l’extérieur comme à l’intérieur, un marqueur du développement de nos sociétés. Nous vivrons alors mieux, plus longtemps, plus sainement.

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