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Une nouvelle étude démontre les effets néfastes du travail à domicile sur l'entreprise, faut-il y croire ?
©Reuters

Moins productif

Selon une étude américaine, trop de télétravail pourrait nuire aux relations sociales au sein d'une entreprise, poussant certaines firmes à revenir sur cette pratique.

Yves  Lasfargue

Yves Lasfargue

Yves Lasfargue est chercheur et directeur de l' OBERGO, l'Observatoire des conditions de travail et de l'ergostressie. Il fut membre du groupe d'experts du Ministère du Travail sur les conditions de travail et consultant auprès du Comité Économique et Social Européen à Bruxelles.

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Atlantico.fr : Une étude du Boston College, publiée par The Atlantic, indique que certaines grandes entreprises américaines, comme Yahoo, feraient "marche arrière" sur la question du télétravail, précisant que les relations dites "de bureau" favorisent la productivité du salarié. Êtes-vous d’accord avec ce constat ?

Yves Lasfargue : Cela parait d'une grande évidence que le fonctionnement d'une entreprise repose sur le collectif. Quand cet aspect collectif n'est plus nourri par une présence physique, il tend à disparaitre. En cela, le constat fait par l'étude est donc logique. Quand un salarié est loin de son bureau, seulement les informations numérisées sont échangées. Les informations importantes liées aux comportements, aux discussions ne passent pas entre les individus. Une situation d'autant plus vraie à l'heure où les salariés doivent mettre beaucoup d'informations sur les réseaux, tout en sachant que ces informations deviennent ainsi connues de tous. Si vous voulez échanger la moindre information confidentielle au sein d'une entreprise, vous ne pouvez le faire qu'en parlant de visu avec votre collaborateur.

En France, peut-on dire que l’on se dirige aussi vers cette situation ?

Ce n'est pas comparable parce que le télétravail est peu développé en France. L'Obergo, qui analyse les données des entreprises liées sur la question du télétravail dénombre une centaine d'accords d'entreprises en France. Il s'agit donc d'entreprises qui développent de manière "officielle" cette pratique : il y a un accord d'entreprise signé par les salariés concernés et le dirigeant. Dans ces cas-là, le patron a tendance à limiter cela à 2 ou 3 jours par semaine. Là où, aux Etats-Unis et au Canada, on est souvent sur la semaine entière. Si l'on constate une accélération depuis 3 ou 4 ans, grâce à la loi sur le télétravail, les entreprises françaises ne sont pas encore dans ce raisonnement qui consiste à admettre le fait qu'une bonne condition de travail  permet une bonne productivité. Même s'il est exact, le raisonnement de l'étude qui pointe les inconvénients de la pratique, comme aux Etats-Unis, ce n'est donc pas pour aujourd'hui chez nous.

Travailler de manière importante "hors site" peut-il avoir un effet négatif sur les relations de bureau ou sur la carrière ?

Les enquêtes annuelles de l'Obergo démontrent deux éléments. Le premier, c'est que les accords dans l'entreprise et le cadre de la loi, sont là pour protéger le salarié. La pratique étant récente, difficile d'avoir du recul pour le vérifier. L'autre élément, c'est qu'il n'y a aucune conséquence sur le lien social - avec le chef et les collègues - jusqu'à deux jours de télétravail par semaine. Pour preuve, si un salarié prend des RTT, cela ne change effectivement pas ses rapports dans l'entreprise. A partir de trois jours, les études montrent une distanciation du lien social, une perte d'information sur ce qu'il se passe dans l'entreprise.

Suite aux conclusions de ce rapport et de ceux de l'Obergo, quels avantages peut tirer un chef d’entreprise en développant le télétravail ?

Le raisonnement de base du chef d'entreprise est le suivant : Si mon salarié à de meilleures conditions de travail, il va être plus productif. Si le dirigeant y croit, il le fera. S'il n'y croit pas il ne le fait pas. L'édition 2015 de l'enquête démontre que 95% des travailleurs disent être "très satisfaits" de la pratique. Tous les autres paramètres, comme le gain sur les locaux ou le gain financier, ne sont pas quantifiables en France en raison du peu de recul que nous avons sur la situation. Il s'agit donc aujourd'hui d'un engagement du chef d'entreprise plus que d'une politique ou d'une stratégie précise bien difficile à mesurer.

Loin du raisonnement américain, comment peut évoluer la pratique du télétravail en France ?

Aujourd'hui, ce sont 3% à 5% des salariés d'une entreprise ayant signé un accord qui font du télétravail. La pratique va être amené à se développer. Il est probable que l'on arrive d'ici quelques années à 10% voire 12% comme aux Etats-Unis ou au Canada. Précisons cependant que tous les postes ne sont pas "télétravaillables" et qu'il faut, pour le salarié des conditions individuelles de logement, d'autonomie, de famille que tout le monde n'a pas.  Une chose est sûre, nous n'atteindrons jamais les 28% de la Suède ou les 34% de la Norvège ! Dans ces pays, il y a d'une part la culture d'entreprise qui n'est pas la même et, d'autre part, des conditions climatiques bien différentes.

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