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Un service national universel d’un mois : une aberration démocratique !
©LUDOVIC MARIN / AFP

Projet à oublier

Comme un vieux serpent de mer, l’idée d’un service national universel, militaire ou pas, refait régulièrement surface.

Michel Fize

Michel Fize

Michel Fize est un sociologue, ancien chercheur au CNRS, écrivain, ancien conseiller régional d'Ile de France, ardent défenseur de la cause animale.

Il est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages dont La Démocratie familiale (Presses de la Renaissance, 1990), Le Livre noir de la jeunesse (Presses de la Renaissance, 2007), L'Individualisme démocratique (L'Oeuvre, 2010), Jeunesses à l'abandon (Mimésis, 2016), La Crise morale de la France et des Français (Mimésis, 2017). Son dernier livre : De l'abîme à l'espoir (Mimésis, 2021)

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Nostalgie d’une époque révolue ? Assurément. Cette idée est une idée de l’ancien temps, peu conforme à la modernité actuelle. Jacques Chirac, alors président de la République, avait donc décidé, en 1996, de suspendre l’application d’un service militaire à bout de souffle (décision entrée en application en 2001). Il le faisait au vu d’un rapport rédigé dans le cadre du Secrétariat général de la Défense nationale, animé par Jean Picq. Avec Dominique Schnapper, Philippe Raynaud, Luc Pareydt et quelques autres personnalités de la société civile et des armées, nous avions, pendant plusieurs mois, planché sur la question qui nous était posée : le « sens » du service national - pour, finalement, n’en plus trouver aucun. Ce service, par le jeu des exemptions, des réformes, du « piston », n’était plus universel depuis longtemps et ne répondait pas aux besoins des armées requérant désormais des personnels de plus en plus qualifiés. Enfin, l’aspect contraignant de ce service (son caractère obligatoire) apparaissait de plus à plus insupportable à une grande majorité de jeunes. D’où son abandon.

L’idée d’un service national universel obligatoire à partir de 16 ans, effectué en internat, est aujourd’hui remis au goût du jour par la volonté du président Macron. Ce dispositif, s’il était adopté, viendrait sans doute contrarier le dispositif actuel du service civique volontaire. Le constat du départ est toujours le même : les jeunes manquent de valeurs républicaines, il faut donc les leur enseigner pour produire de bons citoyens. Ce présupposé est tendancieux. Les jeunes ne sont pas moins civiques que beaucoup d’adultes aujourd’hui très incivils et fort peu civiques (voir le fort taux d’abstention aux élections par exemple).

Le dispositif d’un service national, qui reste à construire, présente tout de même trois défauts qu’il faut ici signaler. Il est contraignant dans une société qui se veut d’abord de libertés – démocratie oblige ! Il est coûteux : l’on parle de 2 à 3 milliards d’euros par an. Il est de trop courte durée : un mois, alors que l’on sait pertinemment que tout service inférieur à trois mois ne peut produire de résultats significatifs chez les « obligés » : il équivaut donc à une perte de temps pour les jeunes et à une perte d’argent pour l’Etat (qui peut trouver à employer mieux son budget, non ?). Enfin, il est discriminant et peut-être de ce fait inconstitutionnel. Comment justifier en effet de faire peser sur la seule catégorie-jeunesse une obligation qui doit concerner tous les citoyens. Nous préconisons donc, comme cela se fait en Suisse, d’établir un service national réellement universel, concernant hommes et femmes, de 16 à 40 ans, un service de 6 mois pouvant être fractionné tout le long de la vie. Le civisme en effet est l’affaire de tous, pas des seuls jeunes.

Pour l’heure, nous recommandons au président Macron de renoncer à son mauvais projet. Aucun président n’a la science infuse. Reconnaître une erreur est toujours preuve d’une grande vertu.

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