Un nouveau médicament coupe-faim contre l’obésité : "nouvelle ère" ou faux espoir de lutte contre le problème ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un nouveau médicamenteux prétend lutter efficacement contre l'obésité.
Un nouveau médicamenteux prétend lutter efficacement contre l'obésité.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Marketing

Une étude publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM) met en avant l’efficacité d’un médicament à base de sémaglutide pour lutter contre le surpoids et l’obésité. Mais l'obésité est loin de se réduire à un problème médicamenteux.

Jean-Yves Le Goff

Jean-Yves Le Goff

Chirurgien digestif laparoscopique, pionnier mondial de la chirurgie laparoscopique et bariatrique, ancien chef de clinique-assistant et ancien interne des hôpitaux de Paris. Fondateur et Ancien Responsable de l’unité de chirurgie cœlioscopique à l’hôpital Bichat (1988-1997) Spécialiste de la chirurgie de l’obésité (legofftechnique), il exerce depuis 1997 à la Clinique du Trocadéro (Paris 16ème) et à l’Hôpital Privé de Seine Saint-Denis (Le Blanc Mesnil) depuis 2009. 

 

Sociétés savantes/Mandats/autres activité de représentation et d’organisation :  

- Membre de la Société française de la Chirurgie de l’Obésité

- Membre fondateur de la Fondation pour le développement de la chirurgie laparoscopique (FDCL) : 40 pionniers français et belges à l’origine de la chirurgie digestive Laparoscopique.1992 

-  Membre fondateur de l’European Association for Endoscopic Surgery and other Interventional Techniques (EAES). (1990)

-  Membre fondateur de la Société française de Chirurgie Endoscopique (SFCE). (1994) 

- Ancien Secrétaire Général Adjoint du Collège des Chirurgiens Français, Syndicat des chirurgiens Français (1990-1995)

- Ancien Président du Syndicat des Chefs de Clinique Assistants des Hôpitaux de Paris (1988-1990)

-  Ancien Secrétaire Général National des Chefs de Clinique des Villes de Faculté Assistants des Hôpitaux (1988 -1990)

- Organisateur du Congrès des Internes et Chefs de Clinique à Strasbourg. (1988)  : « L’Europe de la santé à l’horizon du grand marché européen de 1992 »

 

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Atlantico : Une nouvelle étude publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM) du 10 février 2021 met en avant l’efficacité d’un médicament à base de sémaglutide pour lutter contre le surpoids et l’obésité, que pensez-vous de ses résultats ?

Dr Jean-Yves Le Goff : Précisons d’abord que le semaglutide est une molécule type glucagon déjà utilisée par piqure chaque semaine en sous cutanée pour le traitement du diabète de type 2 afin de réduire les risques cardiovasculaires de maladies.

Ainsi, cette proposition est une façon de réduire l’obésité à un problème simplement médicamenteux, à un problème d’une molécule. Je suis chirurgien de l’obésité, donc mes patients ont un IMC au-delà de 35, mais les mécanismes à l’origine de l’obésité sont les mêmes quand l’on soit à 28, 30 ou 35 d’IMC, à des degrés divers, mais moins prégnants. Réduire les problèmes d’obésité à un problème médicamenteux, c’est une erreur à la racine. Dans l’étude, les patients sont traités pendant 68 semaines, soit 15 mois, et perdent 14.9 % de leur poids en moyenne. Le poids moyen est de 105,3 kg, ce qui veut dire que la perte de poids est d’environ 15.5 kilos. Ce n’est pas énorme pour un traitement qui est hyper-astreignant. En effet, il s’agit d’une piqure toutes les semaines. Il y a des effets secondaires comme des troubles fréquents gastro-intestinaux (nausées et vomissements), mais aussi des complications cardio-vasculaires. Ce traitement est associé à une activité physique renforcée (150 mn par semaine). De plus, les patients sont vus toutes les 4 semaines et on leur diminue de 500 calories par jour leur bilan énergétique par rapport à l’état initial. Par ailleurs, beaucoup de patients sont exclus : ceux qui ont un diabète, ceux qui ont une hémoglobine glyquée au-delà de 6,5% (marqueur du prédiabète), également ceux qui ont des pancréatites chroniques ou des antécédents de pancréatite aiguë. De plus, quand les patients arrêtent le traitement, ils regrossissent immédiatement, de façon inexorable ! Or, on ne peut pas faire ce traitement à vie. L’obésité sévère et morbide résulte le plus souvent de problèmes psychologiques (80 à 90 % des cas), le reste est culturel (10-15%) ou génétique 5% environ. Si l’on ne s’attelle pas à la racine des problèmes, on ne pourra pas régler la question.

L’un des chercheurs à l’origine parle d’une « nouvelle ère » dans la lutte contre l’obésité, qu’en pensez-vous ?

C’est du marketing ! Pour moi, cela n’est pas si impressionnant que cela. Avec mon intervention chirurgicale et mon approche globale, mes patients perdent en 18 mois 66 % de l’excès de poids, soit quarante kilos (comme pour le poids moyen 105,3 kilos, des patients de l’étude du NEJM), voire cinquante, soixante kilos environ ou plus, en fonction de l’IMC de départ. Car avec mon intervention chirurgicale conservatrice (GPPE ou legofftechnique) les patients ont très peu faim et l’effet est durable dans le temps. La prise en charge est globale : nutritionnelle, psychologique et un peu sportive. Il faut des aides indispensables, des psychothérapies. Ce n’est pas en donnant une molécule que l’on va régler le problème. Souvent il y a eu un élément déclencheur : deuil, abandon, divorce non assumé, attouchements sexuels, inceste. Dire aux patients obèses qu’ils doivent manger moins, c’est une vision « Jivaro », réductrice du problème. Beaucoup d’approches thérapeutiques coupent l’estomac, mais c’est irréversible et pourtant ce n’est pas comme cela qu’on règle le problème à l’évidence. Ce n’est pas en retirant le nez d’un cocaïnomane qu’on le guérit de son addiction. Vouloir utiliser les médicaments c’est une approche uniciste du problème du surpoids, de l’obésité. De par mon expérience, il faut une réponse globale, holistique.

D’autres médicaments ont-ils déjà été mis en avant comme la semaglutide aujourd’hui ?

Il y a dix ans c’était la sibutramine du groupe Abbott. Elle a été abandonnée, retirée du marché, car il y avait beaucoup de complications graves, fréquentes (pancréatites aiguës, problèmes cardiovasculaires …). En donnant des médicaments, on déséquilibre le métabolisme. De plus, on ne parle absolument pas du coût du traitement, surtout avec des patients qui vont reprendre tout leur perte de poids et ce dès l’arrêt du traitement.

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