Un cargo chinois se dirige vers l’Europe via l’Arctique : ce que cette première peut changer pour l’économie mondiale<!-- --> | Atlantico.fr
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Un cargo de la société chinoise spécialisée en fret maritime Cosco est en train de se rendre en Europe en passant par l'Arctique.
Un cargo de la société chinoise spécialisée en fret maritime Cosco est en train de se rendre en Europe en passant par l'Arctique.
©Reuters

Révolution ?

Un cargo chinois est parti pour l'Europe en passant par l'Arctique plutôt que par l'itinéraire traditionnel qu'est le canal de Suez. Avec une demande de permis qui explose auprès de la Russie, cette nouvelle voie pourrait impacter l'économie mondiale.

Paul Tourret

Paul Tourret

Paul Tourret est docteur en géographie et directeur de l'Institut Supérieur d'Economie Maritime (ISEMAR).

Cet observatoire des industries maritimes, localisé à Nantes Saint-Nazaire, offre au travers de son site internet de très nombreuses analyses sur l'économie maritime. Chaque année, l'ISEMAR participe à un ouvrage de référence publié par le Marin, l'Atlas des Enjeux Maritimes.

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Atlantico : Pour la première fois, un cargo de la société chinoise spécialisée en fret maritime Cosco est en train de se rendre en Europe en passant par l'Arctique. Le bateau, qui a quitté le port de Dalian en Chine le jeudi 8 août, devrait arriver à Rotterdam en 35 jours contre 45 s'il était passé par le canal de Suez traditionnellement utilisé dans le transport maritime. Pourquoi la Chine et d'autres pays s'intéressent-ils à ce passage ? Quels sont les avantages à faire transiter les cargos par l'Arctique ?

Paul Tourret : A l'évidence, ce transit chinois mené par un navire du conglomérat maritime Cosco est un coup médiatique visant à affirmer l'intérêt de Pékin pour cet itinéraire maritime. La Chine souhaite d'ailleurs participer comme observateur au Conseil de l'Arctique. Pour l'aspect purement maritime, la Chine représente à peu près 20% des flux maritimes internationaux. La route nordique, plus courte et avec des frais russes réduits (permit, brise-glace), est une opportunité pour quelques flux. On avait déjà vu des approvisionnement de fer suédois via Kirkenes en Norvège et de produits pétroliers du Nord de la Russie dans le sens Ouest-Est.

Dans l'autre sens, des produits sidérurgiques ou des colis lourds industriels peuvent être expédiés vers l'Europe depuis la Chine, la Corée et le Japon avec des gains de temps de 10 à 15 jours.

La Russie aurait, selon le Financial Time, accordé 372 permis de transit pour ce passage du Nord-Est contre 46 l'année dernière. Quelles seraient les conséquences pour l'économie mondiale si cette "première" devenait une norme dans le transport maritime ?

La Russie souhaite faire de la route Nord-Est un itinéraire maritime international grâce aux opportunités du réchauffement climatique qui rend l'usage estival (mai – octobre) relativement pratique. Néanmoins, il s'agit d'une route "russe" le long de la côte sibérienne et par trois fois au travers de détroits peu profonds entre des îles et le continent. Les 6 à 7 000 kilomètres sont sous dépendance russe, pays qui doit assurer la sécurité (sauvetage, population). Elle compte bien faire payer les utilisateurs de ses services y compris avec les brises glaces d'accompagnement même si pour l'instant nous en sommes à une démarche commerciale de moindre coût pour intéresser les acteurs internationaux (le Canal de Suez est quant à lui assez cher)L'idée est bien d'ouvrir un itinéraire déjà connu par les Russes, mais encore anecdotique (1 Mt en 2012). La capacité de développement reste encore spéculative.

Quelles sont cependant les contraintes liées à l'utilisation du passage du Nord-Est ? Peut-il vraiment s'imposer comme un nouveau canal de transit majeur et faire de l'ombre au canal de Suez ?

La route du Nord-Est reste un passage particulier. Ouvert qu'une partie de l'année avec des risques propres à cette zone (glaces immergées, condition nordique), il faut des navires spécifiques (classe glace) et des équipages compétents. Les assureurs veillent à ce que les risques soient bien couverts. Néanmoins, la limite est économique.

Pour la conteneurisation, le système mondial est basé sur l'intensité des trafics avec de nombreuses escales pour charger, décharger ou transborder les conteneurs. La plupart des producteurs consommateurs du bloc euro-asiatique se trouvent au sud de l'axe Shanghai – Rotterdam et donc les flux s'y concentrent.

La route sibérienne a surtout un avantage pour les productions des régions subarctiques (y compris offshore) scandinaves et russes notamment les hydrocarbures de plus en plus consommés dans le bassin Pacifique. Certes, c'est une route russe, mais qui pourrait être une alternative comme le canal de Panama au contournement en cas de fermeture de l'axe Suez – Malacca pour une raison politique ou militaire..

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