Tsahal a-t-elle causé de nombreuses morts israéliennes le 7 octobre comme l’affirment certains médias liés au monde arabe ? Ce que l’on sait en l’état<!-- --> | Atlantico.fr
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Vue aérienne des véhicules abandonnés et incendiés sur le site de l'attaque du 7 octobre contre le festival de musique Nova par le Hamas, 13 octobre 2023
Vue aérienne des véhicules abandonnés et incendiés sur le site de l'attaque du 7 octobre contre le festival de musique Nova par le Hamas, 13 octobre 2023
©Jack GUEZ / AFP

Enquête

Depuis l’attaque terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre, le narratif d'une attaque sous faux drapeau, menée par l'armée israélienne elle-même, prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux.

Jérôme Pellistrandi

Jérôme Pellistrandi

Le Général Jérôme Pellistrandi est Rédacteur en chef de la Revue Défense nationale.

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Atlantico : De nombreux médias arabes et des comptes sur les réseaux sociaux diffusent une vidéo présentée comme « inédite » et censée montrer un hélicoptère Apache de Tsahal ciblant et tuant des civils israéliens lors de l'attaque des terroristes du Hamas le 7 octobre, en particulier sur le site où se déroulait le festival Nova Tribe. D'autres comptes relaient un rapport présenté comme officiel et qui confirmerait ces tirs. Cet hélicoptère a-t-il tué ses propres civils lors de l’intervention pour sécuriser la frontière lors de l'intrusion des terroristes du Hamas ?

Jérôme Pellistrandi : Cette vidéo est utilisée pour propager des fake news. Des vidéos comme celle-ci sont utilisées, détournées et dévoyées. Il s’agit le plus souvent d’anciennes vidéos qui ne s’inscrivent pas dans le contexte des attaques du 7 octobre. Le Hamas est assez habile dans l’utilisation de ces vidéos. Ces exemples et l’utilisation de vidéos détournées sont similaires aux pratiques qui ont été déployées par la Russie dans le cadre de la guerre de l’information pour le conflit en Ukraine ou en Afrique avec Wagner.

Ces manipulations et ces vidéos détournées sont des procédés très faciles à déployer à l’heure des réseaux sociaux et des outils numériques.

D’autres médias citent le cas d’un ancien otage du Hamas qui aurait indiqué que des soldats israéliens auraient fait un usage disproportionné de leurs armes lors de leur intervention pour sauver des vies, tuant potentiellement des civils dans le kibboutz de Be’eri. Là encore, peut-on y croire ?

Il s’agit-là encore d’une opération de désinformation. Cette vidéo et ces éléments ne sont pas documentés par des experts ou des journalistes occidentaux. Toutes les images en provenance de la bande de Gaza sont fournies par le Hamas ou par des journalistes « cooptés » par le Hamas. Cela s’inscrit dans un contexte où la fiabilité de l'information est très relative.

Dans le cadre de la crise actuelle autour de l’hôpital al-Chifa, il y a un élément important qui a été très peu évoqué. En 2005, lorsque Israël avait quitté la bande de Gaza lors du plan de désengagement, l'hôpital al-Shifa avait été rendu à l'Autorité palestinienne. La prise du pouvoir par le Hamas est ensuite intervenue. Cela a conduit à des exécutions sommaires du personnel de l'Autorité palestinienne ou du Fatah. Des médecins qui étaient affiliés au Fatah ont été exécutés. D'autres ont dû faire allégeance au Hamas.  

Est-ce que ces vidéos s’inscrivent dans une campagne de désinformation pour discréditer l’armée israélienne ?

Cette campagne de désinformation dure depuis de nombreuses années. Tsahal lors de ses interventions se conforme pourtant bien au droit international.  Le fait que les citoyens doivent faire leur service militaire est un gage de légalité par rapport au Hamas et aux attaques contre des civils menées le 7 octobre.

Pourquoi certains médias arabes s’en font l’écho en diffusant ces fausses informations sur les réseaux sociaux ? Quel est le but recherché ?

Le but recherché est un but politique. La rue arabe soutient le Hamas. Ces médias s'inscrivent dans ce soutien au Hamas. Il n'y a pas beaucoup de recul et d'objectivité par rapport à ce qu’il se passe réellement sur le terrain.

Cela s’inscrit totalement dans une campagne de désinformation et donc dans une guerre d'influence, dans la guerre informationnelle entre des médias de pays arabes et Israël. Il faut également souligner que Tsahal a été surpris par les attaques du 7 octobre. L’opération menée par le Hamas a constitué une surprise stratégique, exactement comme en 1973 lors de la guerre du Kippour. Une question demeure sur les services secrets israéliens. Etaient-ils informés de ces préparatifs et de ces projets d’attentats ? Est-ce que les signaux faibles recueillis ont été remontés jusqu'à un niveau politique ? Ces questions seront mises sur la table lors des enquêtes et des commissions qui seront menées à l'issue de la guerre. Cela fut aussi le cas en 1973 et cela avait conduit à la démission forcée de la Première ministre de l'époque, Golda Meir. Cela constitue la force de la démocratie israélienne, même si aujourd'hui un gouvernement d'urgence a été constitué. La société israélienne demandera des comptes, sur le plan politique, militaire et auprès du mouvement ultra religieux nationaliste.

Certains pays du monde arabe sont dans une forme d’ambiguïté. La plupart ont condamné les attaques du Hamas contre les civils mais certains de ces pays sont hostiles à Israël comme l’Algérie ou la Tunisie. Certains pays arabes laissent leur population exprimer des critiques envers Israël lors de manifestations afin d’éviter une éventuelle crise interne comme lors du Printemps arabe.

Les pays et les médias hostiles à Israël cherchent, à travers ces vidéos et ces messages, à minimiser les pertes israéliennes et les atrocités infligées par le Hamas afin de les imputer à Tsahal. Ils accusent l’armée israélienne d’avoir ouvert le feu sans discernement et d’avoir tué sa propre population. Cette stratégie de désinformation est, hélas, très classique.

Est-ce que ces médias du monde arabe cherchent finalement à minimiser les atrocités du Hamas avec ce contre-feu ?

Bien entendu. Le Hamas a visé la population civile. Les terroristes ont cherché à tuer des juifs. Il ne faut pas oublier les prises d'otages. Ces actions ne sont pas défendables dans le cadre du droit international.

Les vidéos détournées et les accusations visant Tsahal sont utilisées afin de faire porter la responsabilité des morts du 7 octobre sur Israël. Ces vidéos sont détournées pour discréditer Israël et pour tenter de faire passer le Hamas comme un mouvement de résistance.

Est-ce que l'armée israélienne devrait réagir contre ces campagnes mensongères ? Faut-il publier des rapports ou des photos pour démontrer que ces vidéos sont détournées et qu’elles ne montrent pas l’armée israélienne en train de tuer des civils israéliens ?

L’armée israélienne communique énormément depuis le début de la guerre. Tsahal a fait le choix de dévoiler le vrai visage de cette guerre et des attaques du Hamas le 7 octobre en présentant les vidéos enregistrées par les terroristes eux-mêmes. Ces images ont été projetées à l'Assemblée nationale il y a quelques jours. Elles ont suscité l'effroi chez ceux qui les ont visionnées.

Même s’il n'y a pas de journalistes internationaux qui sont derrière les forces israéliennes dans Gaza, il est clair qu’il y a une information qui est contrôlée par le Hamas, notamment par exemple sur les chiffres des victimes des bombardements israéliens à Gaza. Même s’il y a des victimes lors de ces frappes ciblées, les chiffres du Hamas doivent être relativisés.

En parallèle, Israël cherche justement à accumuler un maximum de preuves authentiques pour montrer, aux yeux de l'opinion internationale, la réalité de l'opération en cours à Gaza. Les médias occidentaux ont la responsabilité de savoir ce qu'ils diffusent ou non.

La complexité de la journée du 7 octobre n’a-t-elle pas participé à alimenter cette confusion et cette campagne de désinformation ? Les Israéliens et les otages se sont retrouvés pris entre deux feux, entre les soldats venus les secourir et les terroristes dans des zones urbaines…

L’armée israélienne et les forces de sécurité ont mis du temps à mesurer l'ampleur de l'attaque du 7 octobre. Cette attaque massive, lors d’une fête religieuse ce jour-là, comprenait des objectifs précis. Pour des raisons d'ordre politique, la priorité, sur le plan sécuritaire, avait été donnée à la Cisjordanie. Benyamin Netanyahou est dans une situation fragile au regard de son opinion publique pour la gestion de la crise et sur l’anticipation d’une telle attaque.

La formation et le niveau de l'armée israélienne sont-ils d’autres preuves qui discréditent totalement ces campagnes de désinformation ?

Bien sûr. C’est la raison pour laquelle la diplomatie israélienne cherche à diffuser un grand nombre d’informations qui ont été recueillies sur les attaques du 7 octobre afin de lutter contre cette spirale de la désinformation. Lors de l'autopsie des cadavres israéliens, un travail minutieux a été mené pour identifier les victimes, éclaircir les circonstances de leur mort et apporter des preuves tangibles des exactions du Hamas.

Face à la quantité d’images diffusées et relayées sur le conflit entre Israël et le Hamas, les citoyens du monde entier doivent être vigilants. L’opinion publique en France n’est pas forcément aussi réceptive ou n’a pas tous les éléments d’appréciation par rapport à la société israélienne qui est encore traumatisée et qui est très exigeante. Cela s’observe notamment à travers la marche actuelle menée en Israël par des familles d'otages qui exigent leur libération immédiate. Il y a, au cœur de la société israélienne, à la fois une unité nationale pour combattre le Hamas mais en même temps une exigence démocratique et de vérité. Le gouvernement israélien est donc sous pression.

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