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L'incroyable constat d'échec que masque le vote du service civique obligatoire
©Reuters

Liberté chérie

Le 28 juin dernier, l’Assemblée nationale a adopté un amendement rendant obligatoire le service civique pour les 18 à 25 ans. Un choix judicieux ?

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Personne n’a réagi au vote, fin juin, de l’amendement imposant aux jeunes un service civique. Ce vieux serpent de mer ressurgit régulièrement sous de nouvelles formes. L’opinion aime bien. L’idée procure un vernis social bien pratique pour les mondanités, elle permet de porter sa conscience politique « citoyenne » en bandoulière pour pas cher. Nos arrières grands-parents trouvaient que les jeunes avaient « besoin d’une bonne guerre ». Dorénavant, c’est d’un « service civique » dont ils auraient bien besoin. Version moderne du STO. C’est un souhait incontestablement moins tragique. Est-ce judicieux pour autant?

En tout cas cette fois, c’est voté : il sera obligatoire. Personne ne moufte ? Personne n’y croit vraiment ? Le gouvernement étant opposé à cet amendement, il devrait s’atteler rapidement à le faire retirer. Sans doute. Mais surtout, tout le monde s’en moque. Ces jeunes qui ne votent pas, ou si peu, on peut tout leur faire avaler. Après le bac passoire qui n’empêche pas 150.000 jeunes de sortir du système scolaire sans aucun diplôme, la misère des facultés sous-dotées, l’enchaînement des stages et des CDD, l’impossibilité de se loger sans la caution financière des parents, des grands-parents, des oncles et des tantes, il ne manquait que ce stage de formation au civisme. Il faut dire qu’il va leur en falloir, du civisme, pour payer les 35.000 euros de dette par tête que nous leur léguons dans notre incontinence budgétaire constante depuis plus de 40 ans.

La condescendance de cet amendement ne semble choquer que les libéraux. Personne ne conteste la vision qu’elle promeut. Celle d’une jeunesse qui ne respecte rien et n’a aucun sens de la fraternité, ni de la solidarité. C’est pourtant l’admission implicite que l’Education Nationale a failli dans sa tâche, et les parents dans la leur. La rééducation nationale promettrait de réussir là où l’Education Nationale a échoué. La plupart des jeunes rêvaient déjà de s’expatrier jusqu’ici. Avec cette punition supplémentaire, je n’imagine pas que le flux se tarisse, bien au contraire. Car bloquer 6 mois de vie constitue une forme de servage qui est tout sauf gratifiant.

Si nous chassons les jeunes avec l’accumulation de ces mauvais signaux, qui va payer nos dettes, notre retraite, notre santé et tous nos chèques sans provision émis loi des finances après loi des finances ? Qui va s’occuper de nous quand nous serons vieux ? Qui va pousser notre fauteuil quand nous serons gâteux ? L’inquiétude se vérifie et signifie que nous ne pouvons faire confiance à nos jeunes, donc que nous devons leur apprendre le civisme à la dure pendant qu’ils sont encore là. Case redressement obligatoire pour tous. Plus qu’un moyen de fausser les chiffres du chômage, le service civique obligatoire consiste donc à formater la moralité supposée insuffisante de notre jeunesse. Jeune, paye nos dettes et tais-toi.

Certains diront qu’effectuer un service civique n’est pas une sanction. Comment servir l’autre pourrait-il l’être ? Après tout, 150.000 jeunes se sont portés candidats pour effectuer un volontariat de service civique en 2015 (posant d’ailleurs un énorme souci logistique, les associations n’avaient pas la capacité d’accueillir tout le monde. On imagine 350.000…). De nombreux autres ont effectué des missions humanitaires, parfois à l’étranger, sans le déclarer. Beaucoup donnent de leur temps au monde associatif sans s’inscrire dans le cadre administratif d’un service civique. Tout ceci est juste. En devenant obligatoires, ces missions perdront tout caractère éthique inhérent à la liberté de choix. Leur transformation en contrainte marquera le premier acte d’infantilisation de jeunes adultes qui subiront dans tous les actes de leur vie la pression constante de l’Etat-nounou. Exit la fessée, place au martinet civique, à vous dégoûter du bénévolat au terme de six mois à faire des photocopies et  à servir le café dans des administrations ou des associations mal outillées pour accueillir cette masse de jeunes.

Vice suprême, les jeunes régleront eux-mêmes la facture de cette maltraitance déguisée. Car vous imaginez bien que financer et accueillir 350.000 jeunes va coûter cher. Incapable de financer son train de vie actuel, l’Etat s’oriente vers un service civique à crédit. Crédit remboursé par les générations futures, celles-là mêmes qui auront subi (et souffert de) la moulinette du service obligatoire.

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