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Trafic de drogue, démission des parents et immigration : les trois premières causes des récentes violences en banlieue selon les Français
Sondage Atlantico/Ifop - Parmi ces trois causes, c'est l'immigration qui connaît chez les sondés la plus grosse progression depuis 2008 (+10 points).
Jérôme Fourquet et Christophe Soullez
Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’IFOP.
Christophe Soullez est criminologue et dirige le département de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) à l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). Il est l'auteur de Une histoire criminelle de la France chez Odile Jacob, 2012 et de La criminologie pour les nuls chez First éditions , 2012
Question : Parmi les raisons suivantes, quelles sont celles qui, selon vous, peuvent le plus expliquer les épisodes de violences dans les banlieues ? (deux réponses possibles)
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Atlantico : 46% des Français estiment que la présence des bandes organisées et du trafic de drogue explique les épisodes de violence en banlieue alors qu’en 2006 ils n’étaient que 29%. Après les émeutes de 2005, 41% des interrogés mettaient les violences sur le compte de la démission des parents. Faisant de cette cause la première responsable des violences. Que traduit cette évolution de la perception des Français ? Est-elle liée à une mutation réelle de la délinquance ?
Jérôme Fourquet : L'élément central du sondage est que la présence de bandes organisées et de trafic de drogue est citée, et de loin, comme la principale explication de la violence dans les banlieues. On n'est plus sur des registres d'insuffisance de moyens dans le domaine éducatif ou de problèmes d'urbanisme, mais sur des questions de criminalité autour du trafic de drogue. Le regard des Français sur les causes des violences en banlieue est en train de changer. Cela peut aussi expliquer le résultat du sondage IFOP paru ce mercredi 31 juillet dans Valeurs Actuelles qui montre que 56% de Français considèrent que le gouvernement n'a pas été assez ferme face aux émeutes de Trappes. Pour la majorité des Français, les causes des violences urbaines ne sont pas sociales ou sociologiques, mais liées à la délinquance. C'est une évolution qui explique la faible indulgence du grand public vis-à-vis de ces problèmes de banlieue. Cela était moins le cas lors des émeutes de 2005. Cela correspond au discours des autorités et notamment de Manuel Valls qui parle "d'extirper hall d'immeuble par hall d'immeuble les points de deal et de casser l'économie souterraine."
Par ailleurs, il faut distinguer les violences au quotidien et les éruptions sporadiques de violence donnant lieu aux émeutes. Dans ce dernier cas ce n’est pas nécessairement les bandes organisées qui sont à l’origine des émeutes. Les principales émeutes sont très souvent la conséquence d’un incident mettant en cause les autorités et les jeunes d’un quartier. Cet incident va être, à tort ou à raison, perçu comme injuste et va entraîner un sentiment de vengeance qui, lui, va être considéré par les protagonistes comme légitime. La violence va alors être un moyen d’expression car certains jeunes vont avoir le sentiment que la société ne répond pas à leurs attentes et que les autorités publiques, au premier rang desquels les policiers, ne sont pas légitimes.
En revanche, ce qui est incontestable aujourd’hui c’est que la plupart des violences au quotidien a pour origine la volonté, pour certains jeunes, de contrôler un territoire, le quartier, et de rejeter tous ceux qui n’y habitent pas. Ils tentent ainsi de mettre en place un ordre concurrent à l’ordre social, d’y imposer leurs règles, et d’y faire régner leur loi. Ils refusent toute forme d’organisation sociale et s’en prennent à ceux qui la représentent que cela soit les policiers, les pompiers, etc. Dans la plupart des cas cette appropriation du territoire est en effet liée au trafic de stupéfiants. Dans de nombreux quartiers sensibles, aujourd’hui, l’enjeu principal reste le trafic de stupéfiants car c’est lui qui structure certains groupes et qui est à l’origine des règlements de compte, du sentiment d’insécurité, etc.
Mais, pour aller dans le sens inverse de votre sondage, en 2005, certains quartiers, connus pour être des plaques tournantes de la drogue, n’ont pas connu d’incidents majeurs.Tout simplement car ces quartiers étaient "tenus" par d’importants leaders qui ne souhaitaient pas attirer l’attention des forces de l’ordre. Pour qu’un trafic prospère il faut parfois de la discrétion. Si certains quartiers sont saturés de policiers, les clients ne viennent plus, l’approvisionnement est rendu difficile, les stocks diminuent et l’argent ne rentre plus.
Toutefois, ces explications ne se substituent pas à la démission familiale, au manque d’autorité des parents. Car si certains jeunes passent à l’acte, intègrent des bandes, c’est parce qu’ils n’ont souvent pas trouvé, au sein de la famille, des parents susceptibles de poser des limites et d’avoir une autorité suffisante pour justement éviter les désirs de transgression de leurs enfants.
Les trafics et les bandes sont certes, souvent, à l’origine des violences au quotidien mais sont aussi la conséquence d’un dysfonctionnement familial sans oublier le rôle de l’école.
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[1] Sondage Ifop pour la Délégation Interministérielle à la Ville réalisé par téléphone du 28 septembre au 5 octobre 2006 auprès d’un échantillon de 1006 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Le terrain d’enquête a été réalisé 11 mois après les émeutes de 2005 à Clichy-sous-Bois.
[1] Sondage Ifop pour Le Figaro réalisé par questionnaire auto-administré en ligne du 4 au 5 février 2008 auprès d’un échantillon de 1023 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Le terrain d’enquête a été réalisé 2 mois après les émeutes de 2007 à Villiers-le-Bel.
32 % des personnes interrogées estiment que la présence d'un nombre important d’immigrés dans les banlieues explique les violences urbaines, alors qu'elles n'étaient que 23% en 2006. Comment l’expliquer ?
Jérôme Fourquet : Cela dénote, comme dans la question précédente, un durcissement de l'opinion publique sur ces questions. L'idée qui prédomine c'est qu'il n'y a pas d'"exclusion sociale" mais des problèmes d'immigration, de délinquance, etc. Cela est également lié à l'évolution du contexte. En 2005, l'embrasement des banlieues est déclenché par un fait divers où des jeunes sont accidentellement tués. Cette fois, c'est lors de l'interpellation d'une femme voilée que la situation dégénère. Il n'y a pas forcément amalgame entre présence immigrée et délinquance, mais présence immigrée et épisode de violence. Cela renvoie à l'application de la loi sur le voile intégrale. Certains Français considèrent que sans la présence de la communauté musulmane, majoritairement issue de l'immigration, ces événements ne se seraient pas produits.
Si l’immigration était le facteur du crime nous trouverions également de nombreuses jeunes filles parmi la population délinquante. Or il y a très peu de jeunes filles et celles qui sont d’origine immigrée ont plutôt tendance à bien réussir à l’école et dans la vie professionnelle.
Par ailleurs, au sein de certaines bandes, vous trouvez des individus de différentes origines. C’est l’appartenance à un territoire, à un quartier, qui est le facteur d’identification et éventuellement de constitution d’une bande.
Comme je l’indiquais dans ma précédente réponse, ce qui est important c’est le fait pour des adolescents d’avoir des parents présents, leur inculquant des valeurs, les punissant quand ils transgressent les règles, et ayant de l’autorité. Dès lors que cette autorité parentale n’est pas présente, que les parents commencent à être dominés par leurs enfants et que ces derniers échappent peu à peu à l’emprise du milieu familial, et corollairement scolaire, il y a des chances que, livrés à eux-mêmes, prenant comme exemple la réussite illégale de leurs pairs, ils tombent dans la délinquance.
Le logement et l’urbanisation souvent mis en cause par les médias pour expliquer les violences arrivent en dernière position dans ce sondage. Que cela révèle-t-il de la perception qu’ont les Français de la banlieue ?
Les sympathisants de gauche plébiscitent davantage les causes sociales que les sympathisants de l’UMP et du FN. Que traduit cette différence d’interprétation ?
De manière générale, les Français partagent-t-il le même diagnostic concernant les violences urbaines que leurs dirigeants politiques ?
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Méthodologie
Ce document présente les résultats d’une étude réalisée par l’Ifop. Elle respecte fidèlement les principes scientifiques et déontologiques de l’enquête par sondage. Les enseignements qu’elle indique reflètent un état de l’opinion à l’instant de sa réalisation et non pas une prédiction.
Aucune publication totale ou partielle ne peut être faite sans l’accord exprès de l’Ifop.
Précisions relatives aux marges d'erreurs
La théorie statistique permet de mesurer l’incertitude à attacher à chaque résultat d’une enquête. Cette incertitude s’exprime par un intervalle de confiance situé de part et d’autre de la valeur observée et dans lequel la vraie valeur a une probabilité déterminée de se trouver. Cette incertitude, communément appelée « marge d’erreur », varie en fonction de la taille de l’échantillon et du pourcentage observé comme le montre le tableau ci-dessous :
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