Toutes ces raisons, y compris non financières, qui peuvent pousser à l’évasion fiscale<!-- --> | Atlantico.fr
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Tous les évadés fiscaux ne s'en vont pas pour les mêmes raisons.
Tous les évadés fiscaux ne s'en vont pas pour les mêmes raisons.
©Reuters

Adios amigos

L'évasion fiscale en Suisse est le cliché des hommes riches qui cherchent à payer moins d'impôts. Pourtant, d'autres raisons expliquent ce mouvement transfrontaliers, de l'ordre du personnel ou de l'image.

François Tripet

François Tripet

François Tripet est avocat fiscaliste.

Avocat au Barreau de Paris depuis 1978, il est essentiellement un " patrimonialiste international " qui, avec son équipe, apporte son concours et son assistance à plus d'un millier de familles réparties sur les cinq continents.

François Tripet est l'auteur de l'ouvrage de réference "Droit Fiscal Francais et Trusts patrimoniaux Anglo-saxons " ( LITEC, 1989 )

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N’en déplaisent aux fins lettrés de Bercy qui ont décidé d’unifier les deux notions, il existe bien deux phénomènes sociologiquement distincts : la fraude d’un côté, l’évasion de l’autre. La fraude consiste à trafiquer la réalité pour échapper à l’impôt. L’évasion consiste à fuir devant l’impôt. L’une est active et trahit une aversion à l’impôt, l’autre est passive et traduit l’inquiétude devant l’impôt. Contrairement à une idée répandue, les fraudeurs forment une catégorie infiniment minoritaire en France, à peine quelques milliers. Les évadés ou évadeurs ne sont pas significativement plus nombreux : la France est en tête des pays les plus vertueux sur le plan fiscal, tant par la passivité des contribuables que par la terreur qu’inspire un fisc redoutablement efficace. Cette réalité, véritablement taboue, est farouchement niée par Bercy (et toute la classe politiques), par un matraquage quotidien de contre-vérités dont l’excès même traduit sa hantise à perdre ce qui fait sa raison d’être depuis Philippe Le Bel : rester le centre absolu du pouvoir en France. 

On peut s’évader fiscalement de deux manières : soit en transportant sa personne sous des cieux plus cléments, soit en laissant s’y reposer l’argent dont on n’a pas un besoin immédiat (argent reçu le plus souvent par héritage ou bien épargne du Français de l’étranger qu’il se garde bien de rapatrier lorsqu’il se réinstalle en France ) .

Ceux qui font le choix de fuir l’impôt en partant s’installer à l’étranger (Suisse, Grande Bretagne, Belgique, Maroc, Portugal, Canada, par exemple) le font toujours dans la douleur : ils aiment leur pays, ils y acquittent souvent des impôts lourds et ont un comportement normal. Ils partent parce que leur niveau d’imposition atteint un seuil qu’ils jugent non tolérable ou bien parce qu’ils anticipent une évolution inévitable du système fiscal français qui leur fera rapidement atteindre un seuil intolérable de prélèvements. Jusque vers 2005, ils étaient la plupart du temps d’un âge supérieur à 60 ans. Depuis 4 ans, les candidats sont de plus en plus jeunes, notamment des entrepreneurs qui partent avant de réussir, tant la crainte d’être privés du fruit de leurs efforts est désormais ancrée dans leurs convictions.

L’intolérance à l’impôt commence à partir du moment où l’on subit des ponctions supérieures au tiers de ses revenus disponibles (seuil déjà mis en évidence par Cicéron en 51 avant Jésus-Christ lorsqu’il était proconsul en Cilicie) ; mais le seuil du tiers est rarement suffisant pour déclencher un départ à l’étranger. Il n’est que l’indicateur des premières irritations, celles qui préparent inéluctablement les esprits à prendre un jour la décision de départ. Le plus souvent, l’intolérance est patente lorsque la ponction totale atteint et dépasse 60 % des revenus disponibles. Certains rencontrent moins des problèmes de ponction de leurs revenus que des ponctions de leur capital : dans ce cas, lorsque le risque inévitable de ponction tend à atteindre ou dépasser le tiers de la valeur totale des biens, l’envie de départ à l’étranger est ancrée de façon déjà indélébile dans l’esprit du contribuable. Dans le cas de la France, les seuils du tiers, tant en revenu qu’en capital, ont été effectivement atteints puis dépassés depuis dix ans et rien ne permet d’indiquer que la courbe s’inversera. C’est la raison pour laquelle le nombre de candidats au départ explose depuis trois ans car la conviction est maintenant solidement ancrée que celui qui reste sera nécessairement le bouc émissaire sur lequel on s’acharnera pour financer trente ans de dérives budgétaires. Le fisc l’a si bien compris qu’il s’est doté entre 2011 et 2014, grâce à un Parlement complaisant, d’un véritable arsenal militaire pour tenter de rattraper les « rats » qui oseraient quitter le Titanic !

Ceux qui ne peuvent pas ou qui ne veulent pas partir (un parent malade, un conjoint en pleine activité, des enfants qui ont trouvé des vrais emplois ; en France, un attachement sentimental à sa maison ou à son château, le manque d’aisance dans une langue étrangère, le climat incomparable de la Riviera française, l’absence de moyens suffisants pour partir, etc.) dissimulent à l’étranger quand ils en ont l’opportunité, ce que l’on peut appeler «  la poire pour la soif » c’est-à-dire des sommes qui sont essentiellement destinées à survivre en cas d’effondrement de notre économie ou en cas de guerre civile ou encore pour assister les enfants ou petits-enfants en cas de « coup dur ». Contrairement à une croyance assez partagée, il n’existe quasiment aucune évasion fiscale par « mondanité » afin d’avoir l’air de faire « comme les riches, en se jouant des frontières » (l’auteur de cet article est un avocat qui, en trente-neuf ans, a accueilli dans son bureau plus de onze mille rendez-vous). L’évasion est dans tous les cas la résultante d’un sentiment de nécessité par rapport à la défiance qu’inspire les gouvernants : elle constitue le baromètre le plus sûr de la défiance publique ! Malheureusement, nul ne connait les chiffres exacts de l’évasion, et pour cause ! On a parlé de 100 000 comptes étrangers non déclarés, chiffre aussi magique qu’invérifiable. Il est à peu près certain que le nombre de comptes non déclarés reste très modeste par rapport au nombre de contribuables qui sont la cible de Bercy. On en tire le constat paradoxal que les contribuables martyrisés de France restent très majoritairement légalistes en sorte que l’évasion fiscale est surtout une arme de manipulation massive de l’opinion en vue de faire accepter la prochaine hausse d’impôt. Il est en effet efficace de « taper sur les riches supposés fraudeurs »  pour mieux faire passer une augmentation des prélèvements auprès de la classe moyenne dont la sensibilité à l’impôt est proportionnelle aux dérives d’un système fiscal devenu fou, ainsi que se plaisent à le confirmer les plus hautes autorités comptables et financières de notre pays.

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