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Tout ce qu’il faut savoir sur les enseignements masqués des sondages pour mieux anticiper le résultat de la prochaine présidentielle
©Rémi Mathis / CC BY-SA 3.0

Cuisine électorale

Marine Le Pen créditée au second tour de l'élection présidentielle, mais perdante à coup sûr. Un éclatement de l'offre politique encore inédit en France, et un indice de participation toujours faible et des français indécis. L’élection présidentielle 2017 s'annonce définitivement atypique mais il est possible d'en prédire le dénouement en analysant les sondages.

Jean-Philippe Dubrulle

Jean-Philippe Dubrulle

Chargé d'études - Département opinion et stratégies d'entreprise à l'Ifop.

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Atlantico : Selon les récentes études de l'IFOP, Marine Le Pen accèderait au second tour des présidentielles. Dans tout ces cas de figure, quel serait les intentions de votes et qui serait susceptible de l'emporter ?

Jean-Philippe Dubrulle :On peut s'attendre à deux choses : Avoir Marine Le Pen au second tour (on voit mal comment ça ne pourrait pas arriver), et qu'elle ne l'emporte pas. Car quel que soit le candidat en face d'elle, en dehors de son propre électorat du premier tour, elle n'a pas vraiment de réservoir de vote conséquent chez ses concurrents.

Dans l'hypothèse la plus probable ou Emmanuel Macron ferait face à Marine Le Pen, cette dernière bénéficierait surtout de ses voix issues du premier tour, soit 91%. Elle pourrait grappiller quelques voix de François Fillon, jusqu’à 23%, qui correspondent à un électorat mouvant entre les deux grandes familles de la droite. Mais cela ne représente qu'un quart de cet électorat. En dehors de ça, à part peut-être quelques votes appartenant au Front de Gauche (estimés à 10% et qui correspondent aux plus protestataires qui existe à gauche) ce serait tout. Ce n'est pas le cas d'Emmanuel Macron qui lui grappillerait encore plus de voix issus du premier tour du fait d'avoir un candidat du Front National en face, soit prêt de 47% des voix du Front de Gauche, 75% provenant des votes en faveur de Benoit Hamon et 51% des votes attribués à François Fillon.

Même hypothèse dans le cas d'une confrontation avec Benoit Hamon. On retrouverait les mêmes tendances si ce n'est peut-être un peu plus de voix hérités du vote pour François Fillon au premier tour en faveur du Front National du fait du programme très à gauche du candidat socialiste. Mais ça ne changerait pas pour autant les grandes lignes des reports de voix.

Dans le cas d'un duel des droites avec François Fillon face à Marine Le Pen, chacun partirait avec son électorat acquit du premier tour. Pour ce qui est des électeurs de gauche et du centre, il apparait assez clair que ceux-là ne voteront pas pour Marine Le Pen. Voteront-ils pour François Fillon, c'est une vraie question ! Dans les différentes hypothèses que l'on a pu tester nous avons vu qu'une partie importante de la gauche serait prête à s'abstenir avec 62% d'abstention chez les électeurs du Front de gauche, 58% pour ceux de Benoit Hamon et 36% pour ceux d'Emmanuel Macron. Car pour un électorat de gauche, cette hypothèse c'est un peu la peste et le choléra. Autant les sursauts républicains de la part de la gauche et du centre favoriseraient François Fillon, (25% pour les électeurs du Front de Gauche, 34% pour ceux de Benoit Hamon et 50% pour Emmanuel Macron)  mais ce ne serait pas un report de voix aussi important que celui dont bénéficieraient Benoit Hamon ou Emmanuel Macron au second tour. Marine Le Pen elle, ne bénéficierait que de peu de report de voix. Seulement 13% des voix de Jean-Luc Mélenchon, 8% de Benoit Hamon et 14% d'Emmanuel Macron. 

Qu'en est-il du report de voix dans les hypothèses moins probables ou Marine Le Pen ne serait pas au second tour ? 

A l'heure actuelle, c'est du domaine de la politique fiction. 

L'hypothèse d'un second tour François Fillon face à Emmanuel Macron apparait hautement improbable. Ce que l'on peut dire, c'est qu'au vu de l'affaiblissement de François Fillon ces derniers jours, et si cela perdure, Emmanuel Macron profiterait d'une dynamique centaine. D'une part parce que même si l'électorat de gauche n'est pas particulièrement friand du candidat d'En Marche (notamment celui du Front de Gauche) il se reporterait avec peu d'hésitation sur lui afin d'éviter le programme très conservateurdu candidat des Républicains 

François Fillon profiterait peut-être quant à lui d'une partie de l'électorat du Front National mais pas complétement, l'électorat de cette dernière comprend une catégorie d'électeur qui peu pâtir du programme de François Fillon (jeunes, ouvriers…). Cette éventualité profite donc clairement à Emmanuel Macron. 

Un duel François Fillon - Benoit Hamon serait également très peu envisageable. Il s'agirait là d'un pur clivage de droite. Benoit Hamon est bien ancrée dans l'aile gauche du parti socialiste face à un  François Fillon représentant de l'aile droite des Républicains. Dans ce cas, le positionnement idéologique serait extrêmement clair, ce serait un duel sans ambiguïté aucune. La gauche de la Gauche face à la droite de droite. 

Un cas encore plus difficile à prévoir c'est celui d'un second tour Benoit Hamon Emmanuel Macron, car que ferait l'électorat du Front National face à un tel choix ? On peut penser que la partie la plus frontiste de l'électorat pourrait avoir le plus à perdre d'un candidat libéral. On les voit mal s'attacher à Emmanuel Macron mais sauteront ils le pat jusqu'à voter pour Benoit Hamon ? C'est impossible à prévoir. Que ferait la droite ? On peut supposer qu'elle rejoindrait Emmanuel Macron.  L'incertitude plane complètement autour de cette hypothèse. 

Ce dont on est sûr pour le moment c'est qu'Emmanuel Macron reste le grand repreneur des voix, s'il accède au second tour. Cependant si François Fillon se remet en chaise, la voie royale tracée pour le candidat d'En Marche au vu de la configuration actuelle se révèlerait pleines d'obstacles. 

Selon une récente étude de l'IFOP, l'indice de participation pour le premier tour de l'élection présidentielle est estimé à 62%. Un chiffre qui peut paraître relativement faible. Dans cette même étude, 60% des français sont sûrs de leur choix de vote contre 40 % qui peuvent encore changer d'avis. Qu'en était-t-il à cette même période lors des précédentes élections en 2012 et 2007 et comment expliquer ces chiffres plutôt faibles ? 

Aujourd'hui, ce chiffre qui peut paraitre faible car le taux de participation moyen de ces dernières décennies tourne autour des 80%. Mais nous sommes encore bien avant ce premier tour ! La campagne a certes commencé de manière assez tonitruante avec notamment les affaires qui touchent François Fillon, mais la véritable campagne n'a pas encore débuté. On a encore une part des français qui ne sont pas rentrés dans cette élection. Pour cette période, ce chiffre est tout à fait normal. A l'heure actuelle, malgré le climat des affaires, rien ne nous suggère que la participation sera différente des deux autres scrutins (2012 2007). 

En revanche, nous avons un autre indicateur dans le cadre de notre Rolling IFOP qui mesure l'intérêt pour la campagne présidentielle. Cet indicateur nous dit ceci, aujourd'hui, le 10 février, le trois quarts des électeurs (76%) se dit intéressé par la campagne. Nous avions le même taux il y a une semaine. On en déduit que malgré une actualité politique assez chaotique qui laissait présager un public lassé, l'intérêt ne descend pas. Il reste bien sûr à transformer  cet intérêt en participation réelle.

La sureté du choix suit un peu le même mécanisme que l'intention de vote. Il est encore trop tôt pour se prononcer. Concernant la présidentielle de 2017, on a néanmoins des facteurs assez particuliers. Notamment un candidat centre gauche en la personne d'Emmanuel Macron, très fort qui s'est distingué selon ses détracteurs par le flou autour de don programme. Un élément qui se traduit par une sureté du choix assez faible le concernant (moins de la moitié, 49%, des électeurs potentiels d'Emmanuel Macron sont sûr de leur choix). Cela s'explique également par le fait que la liste définitive des candidats n'est pas encore connue. Pour exemple l'incertitude qui plane autour de la candidature de François Bayrou ou les récentes rumeurs sur un remplacement de François Fillon. Autant d'éléments qui font qu'une part importante de nos compatriotes n'est pas encore bloquée sur un vote. Heureusement d'ailleurs, car si tout le monde était certain de son choix deux mois avant l'élection présidentielle, la campagne paraitrait peu utile. 

L'éclatement de l'offre politique peut-il expliquer ces chiffres ?

Oui cela contribue également à cette incertitude. En 2007, malgré le score important de François Bayrou, le match entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy était clair. Encore plus en 2012, avec le duel François Hollande Nicolas Sarkozy. Il n'y avait pas de doute sur l'affiche du second tour. Aujourd'hui rien n'est certain. La gauche est incarnée par trois personnes : Jean-Luc Mélenchon pour le Front de gauche, un parti socialiste orientée très à gauche avec Benoit Hamon et un Emmanuel Macron un peu ovni, un peu attrape-tout, mais qui a tout de même été ministre lors du dernier quinquennat de François Hollande. 

A droite, on retrouve François Fillon qui est resté crédité d'un score très important au premier tour et une Marine Le Pen qui jouit d'une intention de vote extrêmement favorable.On a définitivement une offre très éclatée qui contribue au caractère atypique de cette élection. Avant même le début de la campagne et que surgisse les affaires, cette élection s'annonçait déjà comme atypique et intéressante. 

Aujourd'hui, on voit deux tendances assez contradictoires : D'un côté une baisse la participation (ou du moins un désintérêt) et d'un autre une plus grande richesse de l'offre politique. Le désintérêt était justifié par le fait que les gens avaient l'impression que personne ne représentaient leurs idées. C'était, le gros candidat de la gauche et le gros candidat de la droite et puis c'est tout. Même si le Front National et François Bayrou chamboulaient un peu ce bipartisme.  Aujourd'hui l'offre est beaucoup pus variée avec des lignes très marquées à gauche, comme à droite ce qui fait qu'on aboutit à deux pôles extrêmement forts. 

Même si les français ont déjà une bonne idée des candidats qui seront en lice, l'offre n'est pas encore fixée. Tout peut se passer. On assiste clairement à un refus des candidats du passé. Est-ce que tout ça aboutira à un sursaut de mobilisation ou une baisse ? Il est trop tôt pour le dire. Si ce chiffre reste le même jusqu'à début avril, on pourra tabler sur un recul de la participation. Ce n'est pas une conclusion très glorieuse à l'heure actuelle il faut l'avouer mais il faut garder une certaine modestie devant les chiffres et ce que disent les français. 

Je suis personnellement d'avis que l'étoffement de l'offre politique entrainera une hausse de la mobilisation. Un autre facteur qui pourrait rentrer en ligne de compte c'est le très beau score prêté à Marine Le Pen. Si comme les sondages l'indiquent elle se qualifie pour le second tour, on peut imaginer une mobilisation très forte de la part de l'électorat hostile au Front National. Souvenons-nous des manifestations entre les deux tours de l'élection de 2002. 

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