Tenté par la chirurgie esthétique ? Les pièges dans lesquels il ne faut pas tomber<!-- --> | Atlantico.fr
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Grâce à des offres alléchantes, le tourisme esthétique attire de plus en plus de clients.
Grâce à des offres alléchantes, le tourisme esthétique attire de plus en plus de clients.
©Reuters

Bistouri d'été

Alors que la saison estivale vient de débuter, de nombreux vacanciers risquent de se laisser séduire par la multiplication des offres sur Internet proposant des voyages dits "esthétiques". Au programme: hôtel 4 étoiles, piscine, cadre paradisiaque et opérations de chirurgie. Mais gare aux dérives de ces pratiques parfois plus que douteuses...

David  Picovski

David Picovski

David Picovski est chirurgien plastique et esthétique à Paris, qualifié par l’Ordre des Médecins. Plus d'informations sur son site Internet : http://docteur-picovski.com/

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La chirurgie esthétique a une vocation, celle d'apporter aux patients jeunesse et beauté. Il y a donc un paradoxe de parler des dérives de la chirurgie esthétique, dérives qui pourraient entraîner le contraire du but recherché, à savoir enlaidissement et problème de santé. Quelles sont ces dérives?

Les dérives dues aux demandes esthétiques inappropriées

Il arrive que le chirurgien esthétique reçoive dans son cabinet des patients dont il se demande au premier abord ce qui peut bien motiver leur demande de consultation. Silhouette, nez, ou oreilles, tout semble parfait. Et cependant, le chirurgien peut entendre les souhaits les plus divers et les plus surprenants.

- Je ne supporte plus mon nez, je ressemble de plus en plus à mon père.

- Je voudrais ressembler aux poupées mannequins que j'avais étant petite.

- Pourriez-vous me faire le même nez que l'actrice, Mademoiselle B...? Je la trouve si belle.

- Je voudrais des prothèses beaucoup plus grosses, car j'ai des difficultés dans mon ménage.

Les exemples sont multiples. Les raisons personnelles également. On peut néanmoins voir 3 causes principales:

  • La dysmorphophobie qui est un trouble impliquant une mauvaise perception de son corps. Pour ces patients à la recherche d'un idéal hors d'atteinte, rien ne sera jamais bien, aucune opération ne pourra leur apporter ce qu'ils désirent. Ce sont les candidats de choix pour subir plusieurs interventions, chacune les entraînant dans une aventure esthétique de plus en plus périlleuse, s'ils arrivent à trouver le chirurgien qui accédera à leurs demandes multiples.

  • Les problèmes psychologiques plus généraux : ils peuvent être très anciens, permanents, comme le fait de refuser les marques physiques montrant l'appartenance à une lignée familiale ou une ethnie (ainsi, les demandes de blanchiment de peau, les demandes de rallongement des jambes). Ces problèmes psychologiques peuvent être ponctuels et liés à certains passages difficiles de la vie, comme une mésentente, un divorce, un deuil. La demande peut alors être totalement inadaptée à la réalité et être vécue comme un remède pour retenir l'autre, ou se sentir mieux (cela va du désir de changer de visage jusqu'à vouloir se refaire le vagin). Ils peuvent être le fait de personnalités délirantes qui sont prêtes à faire subir à leur corps des transformations les plus absurdes. On a des exemples de femmes désirant des tours de poitrine de plus d'1 mètre, d'autres qui désirent un visage de chat, d'autres qui veulent le physique d'une célèbre poupée mannequin,..

  • La troisième cause des demandes inappropriées est le manque de maturité et de réflexion. On voit des jeunes gens ou jeunes filles réclamer la copie conforme de la bouche ou du nez de telle star à la mode. Mais la mode passe, et la transformation reste.

Les dérives dues au tourisme esthétique

Les offres liées au tourisme esthétique se multiplient. On joint ainsi l'utile à l'agréable... et au pas cher. Il existe des agences de voyage spécialisées dans le tourisme esthétique. Elles sont étrangères car leur existence est illégale en France. Le vocabulaire employé par les sites internet fait le plus souvent état, non plus de patients, mais de clients.

Que propose-t-on aux clients potentiels et sous quelle forme? Il est question d'hôtel, généralement 4 ou 5 étoiles. Les hôtels sont abondamment photographiés et présentent souvent des piscines enchanteresses où des naïades de toute beauté prennent le soleil paradisiaque qui règne sur ces contrées enchantées et lointaines. Il s'agit souvent de Tunisie, du Maroc, ou de la Bolivie. Certains hôtels ont même la chance de nous offrir un sauna. Qui, des pauvres opéré(e)s auront le pouvoir de profiter du soleil et du chlore (Est-ce l'idéal pour la cicatrisation)? Qui ira transpirer dans le sauna après une abdominoplastie?

Une fois installé dans l'hôtel, vous pouvez encore rêver sur les différents packages proposés. Choisirez-vous le package sur 8 jours où vous allez subir une abdominoplastie + 4 zones de liposuccion + une augmentation du volume des fesses + la pose de prothèses mammaires ? Ou pencherez-vous pour 2 jours de plus pour un lifting temporal + un lifting cervico facial + une blépharoplastie complète + une rhinoplastie? Certaines n'hésitent pas à sauter le pas, tant qu'à faire, et amortir (quand-même) le prix du voyage: une «cliente-patiente» a pu se faire en 2 semaines, une liposuccion de la région abdominale et des cuisses, une augmentation de la poitrine, une abdominoplastie et une augmentation des lèvres. Mais le chirurgien consciencieux a refusé de lui faire un mini-lifting du visage...

Quant à l'anesthésie une certaine agence spécialisée rassure les futures anesthésié(e)s en spécifiant que pour toutes les opérations préconisées, elles ne subiront pas une anesthésie générale (trop dangereuse selon elle) mais une sédation intra-veineuse…

Mais il faut néanmoins voir le bon côté des choses et récompenser les 90% de la clientèle qui réalise de 2 à 5 chirurgies en un seul voyage. Ainsi, on peut leur proposer, si elles font 2 opérations, de pouvoir venir avec la personne de leur choix qui sera logée gratuitement.

Les dérives dues à la banalisation de la chirurgie esthétique

Les demandes inappropriées et le tourisme esthétique sont pour une grande part dans le résultat de la banalisation de la chirurgie esthétique. Internet et les magazines people contribuent à façonner l'image à la fois familière et glamour de cette chirurgie.

En effet, peu de drames entachent la chirurgie chez les stars, même si les ratés existent, même si plus d'une a perdu une beauté naturelle pour des artifices visibles après moultes interventions. Si en France, on préfère rester discret sur le fait d'avoir subi une chirurgie esthétique et que l'on préfère donc les gestes a-minima, il existe d'autres pays ou continents (Etats-Unis, Amérique du sud, Corée du sud) où le fait de revendiquer d'être passé sous le bistouri du chirurgien et où les excès ne sont pas condamnés par le public.

Il faut savoir que subir plusieurs interventions à peu de jours d'intervalle est dangereux pour la sécurité de l'opéré. Une opération, même de chirurgie esthétique, telle une liposuccion ou une pose d’implants, ne ressemble pas à une séance chez le coiffeur ou la manucure. Elle comporte des risques liés à la compétence ou non du chirurgien, à l'hygiène et à la sécurité des locaux, à l'anesthésie. Elle requiert un suivi opératoire rigoureux.

Pourquoi ces dérives ?

  • L’occultation des risques:

Comme vu plus haut, la banalisation de la chirurgie esthétique a une responsabilité dans ces dérives. Ce qui a trait à la beauté, relève du superficiel. Le superficiel ne peut être grave. Pour certains, se faire enlever la bosse que l'on a sur le nez, même si cela demande chirurgiens, anesthésistes expérimentés et plateau technique irréprochable, n'est pas ressenti comme un acte d'effraction du corps, mais comme un acte qui s'apparente au geste de l'artiste peintre ou du sculpteur.

Cette façon d'appréhender la chirurgie esthétique peut donc amener aux dérives déjà citées: des désirs de multiples opérations avec transformation complète en 10 jours, et cela, sans crainte aucune des risques sur la santé.

  • L’esprit mercantile de certains:

Bien sûr que les chirurgiens esthétiques ont besoin de gagner leur vie, comme tout le monde. Mais comme dans d'autres professions, l'attrait du gain, le désir de faire du chiffre peut exister. Cela entraîne l'acceptation d'opérations même si elles sont inappropriées ou inutiles au détriment de la beauté du patient.

  • L'insuffisance de diplômes est également une cause des dérives de la chirurgie esthétique:

Elle est liée souvent au désir mercantile. Des praticiens, sans aucune formation en chirurgie esthétique (13 ans d'études pour un chirurgien plasticien) s'arrogent le droit d'opérer avec parfois les résultats calamiteux qui peuvent faire intervenir la justice.

  • La faiblesse du chirurgien peut être en cause :

Qui ne s'est jamais posé la question suivante: «Quel chirurgien a bien pu faire ça?» Et on se dit souvent à propos de personnages publics, actrices ou autres chanteuses dont on pense qu'elles sont dans le secret des dieux, qu'elles connaissent forcément «le meilleur»! Alors, pourquoi ce ratage? Et bien parce qu'on oublie que le chirurgien esthétique est aussi un homme avec ses faiblesses d'homme et qu'il peut se soumettre aux désirs de cette actrice connue même si ces désirs sont contraires à ce qu'il fait ou pense ordinairement. Face aux paillettes, il oublie sa déontologie. Et puis, si ce n'est pas lui qui remodèle ce visage déjà parfait, ce sera un autre...

En conclusion, on peut se demander s'il est possible de trouver des solutions contre les dérives de la chirurgie esthétique, dérives qui proviennent et des patients, et des professionnels.

  • Il faut continuer à faire confiance aux chirurgiens diplômés en chirurgie réparatrice et esthétique et qui figurent (tout au moins en France) sur des listes consultables auprès du Conseil National de l'Ordre des médecins. Cela limite déjà les recours à des charlatans et rassure sur la compétence du chirurgien choisi.
  • Il faut faire confiance à la déontologie du chirurgien tout en restant vigilant sur ce qui est proposé: se méfier du «tant qu'on y est» qui entraîne des interventions non désirées. Ce «tant qu'on y est» vient d'ailleurs le plus souvent des patients qui pensent, qu'une fois anesthésiés, on peut leur faire toutes les opérations souhaitées et qu'ils vont se réveiller transformés et en pleine forme...
  • Cela passe aussi par une information du futur candidat à la chirurgie esthétique qui peut être donnée par des médias sérieux et responsables mais bien sûr, avant tout par le chirurgien lui-même.

Et cependant, si après toutes ces mises en garde, on osait signaler que, à condition que la sécurité et la santé du patient soient respectées, chacun est libre de son corps, libre de lui donner l'aspect qu'il veut. Les dérives chez les uns ne sont pas considérées comme des dérives chez les autres. Quant aux patientes qui ont pratiqué le tourisme esthétique et qui s'en déclarent satisfaites (mais si! Il y en a...), on ne peut que les admirer d'aller si loin chercher soleil et beauté.

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