Tensions religieuses à l’école : l’Education nationale entre la peur et le renoncement <!-- --> | Atlantico.fr
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Des élèves de troisième de confession musulmane assistent à un cours de philosophie, délivré par leur enseignant, au collège privé catholique Saint-Mauront à Marseille.
Des élèves de troisième de confession musulmane assistent à un cours de philosophie, délivré par leur enseignant, au collège privé catholique Saint-Mauront à Marseille.
©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Réalité des enseignants

Un sondage de l’Ifop pour la revue Ecran de veille témoigne des tensions religieuses ou identitaires au sein de l’Education nationale et des différentes atteintes à la laïcité. Les enseignants sont de plus en plus menacés dans l’enceinte de leur établissement.

Céline Pina

Céline Pina

Née en 1970, diplômée de sciences politiques, Céline Pina a été adjointe au maire de Jouy-le-Moutier dans le Val d'Oise jusqu'en 2012 et conseillère régionale Ile-de France jusqu'en décembre 2015, suppléante du député de la Xème circonscription du Val d'Oise.

Elle s'intéresse particulièrement aux questions touchant à la laïcité, à l'égalité, au droit des femmes, à la santé et aux finances sociales et a des affinités particulières pour le travail d'Hannah Arendt.

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Atlantico : 21% des enseignants – 39% en REP- ont déjà été menacés ou agressés pour des motifs de nature identitaire ou religieuse, selon un sondage Ifop pour la revue Ecran de veille. Comment en sommes-nous arrivés ? Où sont les responsabilités ? Qui sont les responsables ?

Céline Pina : En général nous sommes très hypocrites sur ces questions car ces problèmes ne concernent pas toutes les religions. Les tensions à l’école comme au travail sont rarement lié à une autre religion que l’islam et les études sur la jeunesse le montre. Il y a une énorme différence de positionnement selon les croyants. Cette situation est liée au fait que le séparatisme islamiste n’est pas le fait d’une infime minorité. Cette idéologie est devenue dominante chez les jeunes musulmans et l’effet de groupe renforce sa force de frappe. Les enquêtes s’accumulent qui montrent l’imprégnation de l’islam et de l’islam politique chez ces jeunes. Depuis l’enquête d’Olivier Galland et d’Anne Muxel, qui signalait déjà à quel point le rapport à la religion des jeunes musulmans structurait leur rapport au monde, les choses ont empiré. En 2021, 65% des jeunes musulmans plaçaient l’islam au-dessus des lois de la République, les mêmes déclarant que l’islam est la seule vraie religion. Le différentiel avec les autres jeunes croyants est énorme.

Seconde raison, cette imprégnation religieuse, qui se confond avec une revendication identitaire, est politique. Si ces jeunes sont ainsi c’est qu’ils ont été travaillés par l’islam politique. Par exemple dans la stratégie d’accession au pouvoir des frères musulmans, la jeunesse est une des cibles principales. Pour la radicaliser, tout est bon : les islamistes partent de représentations culturelles différentes des nôtres, cultivent le ressentiment, résument l’histoire de l’occident à la colonisation. Ils font de tout musulman une victime, racontent une histoire d’oppression et d’humiliation afin de cultiver la haine et le rejet des valeurs occidentales. Le but du jeu est de rendre impossible toute assimilation ou intégration afin qu’une frange importante de la population conteste la civilité du pays dont ils ont pourtant la nationalité. Pour les islamistes, l’Europe est une terre à conquérir et ses lois et mœurs doivent être renversé. Dans un premier temps, ils réclament que sur le même territoire chacun puisse vivre selon ses lois, c’est le sens du séparatisme, jusqu’à ce que la charia puisse être imposée partout. C’est un rêve ou un fantasme actuellement, mais c’est un fantastique moteur identitaire et force est de constater que les jeunes musulmans y adhérent en nombre significatif.

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Ils y adhèrent d’autant plus que personne ne se soucie de transmettre les principes et idéaux républicains. L’école n’assume plus d’exercer cette fonction, les hommes politiques sont dans un simple discours d’adaptation à la mondialisation et personne n’est plus là pour expliquer que notre spécificité est de croire en la créativité de l’homme, en sa capacité de rechercher l’intérêt général en faisant usage de sa raison. Chez nous le pouvoir n’est pas légitimé par Dieu, sa légitimité découle de l’exercice du débat et des capacités de la raison humaine. De la même façon, à force de battre notre coulpe et de ne voir que ce qui pourrait être amélioré, nous en sommes arrivés à oublier que si l’égalité hommes/femmes par exemple n’était pas parfaite, elle n’était pas pour autant un leurre. Il suffit de voir la condition féminine en islam notamment pour comprendre que des principes différents génèrent des réalités différentes. Les Européens sont parmi les peuples les plus égalitaires et les moins racistes du monde et c’est dû à leur histoire et à leur culture. Ils ont certes pratiqué l’esclavage, comme tous les peuples, mais seuls eux ont produit une théorie de la dignité humaine pour le rendre illégitime et il a été chassé de notre espace mental, politique et social.

Mais pour pouvoir défendre et proposer un contre-modèle à l’offensive islamiste, encore faut-il se connaitre et s’aimer soi-même. Or une partie de notre classe politique est inculte et ne comprend pas que tout pouvoir démocratique s’appuie sur l’adhésion des citoyens aux idéaux et principes qui le légitiment. Trop occupé à chercher une clientèle susceptible de lui apporter une rente politique, elle ne cherche plus l’intérêt général. La gauche par exemple, qui voie dans le vote musulman une martingale pour contrôler certains territoires relaie le discours des islamistes sur une soi-disant persécution des musulmans et fait une partie de leur sale boulot en expliquant que la France est un état raciste et en traitant de « facho », toute position politique qui conteste ce point de vue. Nous accueillons des personnes qui deviennent ainsi automatiquement citoyenne à la deuxième génération sans nous soucier d’en faire des Français, autrement dit de les faire adhérer à notre contrat social. Dans cette grande débandade, tout ce qui représente une autorité est perçu comme liberticide. Quand une population est travaillée par un projet politique antidémocratique qui s’appuie sur une identité basée sur son origine culturelle, elle a un discours à opposer à l’autorité et passe plus facilement à l’acte. C’est ce à quoi on assiste. Comme en face, ni les élèves ni les professeurs ne sont conscients de leur identité et des idéaux qu’ils sont censés apprendre ou incarner, ils sont en situation de faiblesse et les atteintes à la laïcité comme les refus de certains enseignements se multiplient sans être combattu. Ajoutez à cela une hiérarchie qui a toujours comme référence le « pas de vague » et la nomination d’un ministre transparent politiquement mais ambigu sur ces questions et l’on comprend pourquoi la situation empire.

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Enfin l’école n’est pas hors du monde et l’ensauvagement de notre société ne l’épargne pas. Surtout quand on inculque à la jeunesse une forme de hargne à l’égard de ceux qui les ont précédés et que cette rage est cautionné par certains élus. Leurs aînés sont censés avoir détruit la planète, qu’ont-ils donc encore à leur transmettre. Sur des esprits à la fois fragiles et exaltés, ce type de représentations favorise aussi le passage à l’acte et le refus de la transmission.

69% des enseignants ont déjà constaté au moins une atteinte à la laïcité au cours de leur carrière. Au vu des atteintes à la laïcité constatées, là encore, qui sont les responsables d’une situation comme celle-ci ? 33% des enseignants ayant signalé au moins une fois un fait à leur hiérarchie ont eu le sentiment de ne pas avoir le soutien de leur hiérarchie. Cela souligne-t-il un problème de l’Education nationale en tant qu’institution ? et du monde politique ?

La lâcheté politique et institutionnelle est la première responsable. Il se trouve que l’école est une cible car elle est censée fabriquer les Français de demain et jouer un rôle essentiel dans le processus d’assimilation. Or les politiques se sont lavés les mains de ce rôle. L’école est devenue un lieu de simple transmission de connaissances. Le problème c’est que si nous avons une école gratuite et laïque, c’est aussi parce que nous avons une certaine vision de l’homme et de la société et du rôle de l’éducation. Mais cela a été oublié par trop de ceux qui nous représentent. Pour les islamistes c’était du pain bénit et ils ont vite testé la résistance de l’institution. Cela a donné l’affaire du voile de Créteil en 1989. Résultat : Lionel Jospin n’a pas su défendre l’institution ni la laïcité et a laissé les chefs d’établissement en première ligne. Pendant 15 ans. Et il a fallu attendre 2004 pour que la loi interdisant le voile à l’école soit votée. Celle-ci est toujours attaqué par les mêmes réseaux qui l’ont rendu nécessaire. Devant tant de lâcheté et de dérobades pourquoi voulez-vous que professeurs et chefs d’établissement aillent prendre des coups pour des politiques qui risquent fort de ne pas les soutenir ? Cette année, à la rentrée, a eu lieu le test qamis et abayas. Et bien là encore les politiques ont tortillé du fondement alors que tous les spécialistes de ces questions ont montré que cette offensive venait des réseaux islamistes et avait pour but de distinguer les élèves musulmans des autres élèves. Mais pourquoi voulez-vous que les enseignants montent au front quand leur hiérarchie se dérobe et que les syndicats refusent d’aborder au fond ces questions ? D’autant que depuis Samuel Paty on sait qu’une simple dénonciation sur un réseau islamiste peut suffire à déclencher une telle hystérie qu’elle peut provoquer un passage à l’acte. Parlons aussi de ce qui est arrivé à Mila. Qui a envie dans de telles conditions de lever haut le drapeau de la laïcité quand on voit l’innocent être abandonné et être déscolarisé et les élèves qui l’ont persécuté dans son établissement ne subir aucune sanction? Du coup quand on entend parler sa hiérarchie, de sa direction jusqu’au ministère de, « problème avec les religions », on comprend qu’il vaut mieux rester en retrait.

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Que nous apprennent l’attitude des enseignants face aux atteintes à la laïcité et leur position sur les tenues des élèves ? Comment en sommes nous arrivés à cette vision « McDonald » des choses de la part d’un nombre non négligeable d’enseignants ? Qu’est-ce qui a permis cela ?

Un des plus récents sondage IFOP pour la revue Ecran de veille témoigne que « chez les jeunes professeurs, les moins de trente ans, sont favorables à un « assouplissement » des règles de la laïcité, dont 61 % favorables aux repas à caractère confessionnels, 41% d’accord pour que les élèves puissent porter des vêtements traditionnels de type abayas et qamis. »

Aucun de ces jeunes professeurs ne comprend que si ces enfants ne se mélangent pas à l’école, ils ne le feront pas dans la vie. Laisser entrer le confessionnel, le pur et l’impur à l’école, l’encourager, le réglementer, fermer les yeux sur les clôtures qui s’érigent alors naturellement, ce n’est pas faire œuvre d’éducation. Etre professeur, ce n’est pas simplement partager ses connaissances, c’est transmettre aussi une certaine idée de l’homme que les lois essaient d’atteindre. Malgré leurs imperfections, les sociétés occidentales ne sont pas une imposture. Le fait d’ériger l’égalité en droit sur l’égale dignité humaine est exceptionnel et rare. Tout est loin d’être parfait, mais on peut constater les différences de condition des personnes dans les sociétés occidentales et dans le reste du monde. La condition de la femme, des enfants, des homosexuels… en sont des exemples. La plupart de ceux qui les critiquent ne supporteraient pas de vivre sous le règne des idéologies dont elles rejoignent pourtant les troupes.

Mais ce n’est pas étonnant. Eux non plus n’ont pas eu droit à la transmission. Des années de politique du blabla en mode « l’élève au centre » ont tenté de faire oublier la casse gratuite des écoles normales. La formation des professeurs, la conscience qu’ils avaient aussi un idéal à transmettre (et ensuite à critiquer aussi), tout cela a été abandonné au profit d’une gestion comptable et de grandes phrases pompeuses. Ces professeurs n’ont pas la colonne vertébrale pour affronter un discours idéologiquement construit qui, au nom d’une identité personnelle indissociable d’un collectif, impose le séparatisme. Cette différenciation ostentatoire vise à distinguer les musulmans des autres élèves afin de renforcer l’identité commune donc le poids et l’influence, pour rappeler à l’ordre ceux que l’on considère comme appartenant à la communauté et impressionner ceux en dehors. Et tout cela au nom d’une conception du pur et de l’impur qui implique que si on ne se mélange pas c’est que l’autre n’en est pas digne. On a beau relever cela du sirop sirupeux du multiculturalisme et du respect de la religion, cela ne présage rien de bon.

En face, sur quel collectif peuvent s’appuyer les jeunes enseignants ? La mode est à l’autoflagellation et pas à la fierté d’appartenir à une nation qui, malgré toutes ses erreurs offre aujourd’hui encore des conditions de vie et une protection que nous envie des milliards de personnes qui n’en bénéficient pas. Et cela grâce à une conception élevé de l’homme, de sa raison, de sa capacité à pouvoir s’élever collectivement jusqu’à l’intérêt général, grâce à sa raison et à sa créativité, l’un tempérant l’autre. Cette aspiration et l’exigence qu’elle implique envers soi-même et envers les autres est une belle idée, elle vaut le choix de s’en remettre à l’idée d’un dieu dont nous serions comblés d’ëtre les pantins obéissants et dont l’application des règles strictes instituent des barrières infranchissables quand l’autre devient impur. Or pour certain de ces jeunes enseignants, défendre les idéaux qui sous-tendent nos sociétés et donnent son sens à notre contrat social, c’est être manipulé, promouvoir un mensonge, nier une mentalité d’esclavagiste et de raciste refoulé, faire preuve de suprématisme blanc… Une position qui est popularisé par LFI par exemple et qui est parfaitement islamisto compatible . Elle qui renforce donc la force du collectif de pensée inspiré par les islamistes et porté par des élèves manipulés par les réseaux et la forme de conscience collective qu’ils créent, face à des enseignants isolés et non armés intellectuellement et spirituellement (dans la mesure où réfléchir à ce que l’on porte et qui est plus grand que soi éveille la conscience) pour y faire face. Face à une pensée collective porté par un groupe minoritaire mais influent, un individu isolé ne peut que reculer. Ensuite il est plus facile de se coudre les paupières et d’appeler « respect de l’autre », le fait d’accepter l’imposition de chose que l’on sait dans le fond inacceptable, que d’admettre que l’on est en situation de faiblesse et perdu. C’est simplement humain. De la part des professeurs c’est entendable, mais qu’ont à dire nos politiques là-dessus, notre gouvernement, notre président. Ce sont pourtant des problèmes de fond qui se posent, ici et maintenant.

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