Tensions en vue sur l’électricité : mais au fait, quel est le plan si l’hiver devait être froid ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, a mis en garde ce vendredi sur les risques d’approvisionnement qui pourraient affecter le pays en janvier.
RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, a mis en garde ce vendredi sur les risques d’approvisionnement qui pourraient affecter le pays en janvier.
©JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Crise énergétique

RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, a mis en garde ce vendredi sur les risques d’approvisionnement qui pourraient nous affecter en janvier.

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

Voir la bio »

Atlantico : RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, a tenu à alerter sur les risques d’approvisionnement qui pourraient affecter la France dès le mois de janvier. Quel est le risque pour les prochains jours ? Et celui pour janvier ?

Damien Ernst : Les prédictions pour les prochains prévoient que le point le plus tendu sera autour du 22 novembre, avec 67-68 GW de pointe, dont seulement 30 couverts par le nucléaire. Donc il faut aller chercher le reste ailleurs, et toutes autres sources confondues, nous avons environ 45 GW, soit une petite dizaine de GW de marge. Cela ne devrait donc pas être problématique la semaine prochaine. Mais si la flotte nucléaire ne se remet pas rapidement en marche, nous pourrions avoir des soucis lorsque nous atteindrons les 85-90 GW de pointe. A cet égard, je crains d'ailleurs que dans le cas d'un mois de janvier très froid la situation ne soit un peu apocalyptique. Il pourrait à mon avis nous manquer jusqu'à 15 GW de puissance. C'est plus que la consommation de pointe jamais enregistrée en Belgique et cela vous montre les impacts des délestages que l'on risque de devoir réaliser.

Si nous nous retrouvons avec un hiver anormalement froid ? A quel point sommes-nous préparés ?

S’il y a une imbalance entre la consommation et la production, si rien n’est fait, cela amène un risque de Blackout sur tout le pays. Pour l’éviter, il y a différents mécanismes. D’abord,  les prix du marché. C’est la première manière de limiter la consommation et ils vont flamber en cas de manque de capacité. Les autres mécanismes sont mis en oeuvre par le gestionnaire du réseau de transport. Parmi ces autres mécanismes, on peut citer tout d'abord le système Ecowatt  qui est déjà en place. C’est une mesure de sensibilisation au problème en utilisant un système de couleurs. Ils espèrent qu’ainsi, les gens vont réduire leur consommation lorsque la couleur rouge, qui pointe vers les situations critiques, sera annoncée. La deuxième stratégie, c’est la réduction de la tension sur le réseau de transport, de manière à réduire un peu la charge. Concrètement, si la tension est réduite, un radiateur même à fond va consommer moins de puissance. Troisième solution, RTE contracte avec des industriels la possibilité de couper leur charge. Ils l’ont fait avec une dizaine de sites industriels pour pouvoir avoir 1.2 GW de charge à couper si besoin. La dernière solution, celle où ils n’ont pas envie d’aller, c’est le délestage contrôlé qui correspond à la création volontaire de blackouts locaux pour diminuer la charge. Ils peuvent couper 2 GW pour ce faire. Telles sont les lignes de défense établies. Si ces lignes de défense ne suffisent pas, on se retrouve en situation de grande difficulté et on fait ce qu’on peut pour sauver le réseau électrique. C’est RTE qui a travaillé à ces lignes de défense et c’est une entreprise sérieuse. Je pense qu’elle est assez confiante pour tenir son réseau sans difficulté jusqu’à 85-90 GW malgré l'état pitoyable de la flotte nucléaire française. Ils sont très bons dans la gestion d'un réseau  électrique, sans doute les meilleurs d’Europe, donc ne devraient pas se tromper, même en cas de stress. Ils ont des compétences en interne qu’il faut souligner ainsi que des capacités techniques sophistiquées pour piloter le réseau. Mais il n’y a pas de miracle possible. Si vague de froid il y a en janvier, puisque c’est le moment le plus critique statistiquement, et que le nucléaire n’est pas bien remonté en charge, cela va être très très difficile pour eux. Le stress va être immense dans les centres de conduite du réseau. 

À Lire Aussi

Europe ou Russie, qui va perdre la guerre de l’énergie ?

Comment comparer le plan français au plan allemand ?

Les Allemands se préparent beaucoup plus durement. Il semble qu’ils craignent les scénarios de sabotage sur leurs structures énergétiques. Ils ont déjà subi le sabotage de Nord Stream 1 et 2 et craignent d’autres sabotages ciblés sur leur infrastructure électrique qui conduiraient à des blackouts massifs et prolongés. Une des craintes chez eux semble aussi être la chute du système bancaire que cela pourrait induire. Ils abordent ce problème de manière beaucoup plus sérieuse que les Français qui ne raisonnent que d’après des blackouts de quelques heures. Il y a beaucoup de secrets autour du plan allemand, mais ils semblent vouloir s’assurer qu’il y ait suffisamment de cash en circulation pour que même si le système bancaire s’effondre à cause d’un blackout, les gens puissent continuer à commercer. Tout laisse à penser que la France est moins bien préparée à des blackout massifs et prolongés.

Quid de la solidarité européenne en cas de difficultés ?

La solidarité européenne passe par les marchés. Tant qu’il y a des capacités, le marché va faire en sorte de fournir ce qui est disponible. En cas de problème de sécurité d’approvisionnement, il y a toutefois une possibilité de reprendre la main sur les règles de marchés, ce qui devrait ici défavoriser la France puisque cela voudrait dire que les autres pays garderaient leur électricité pour eux.

À Lire Aussi

La crise énergétique européenne a un impact profond sur les pays moins riches ailleurs dans le monde

Le sujet vous intéresse ?

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !