"Tenir sa langue" de Polina Panassenko : un combat pour retrouver son prénom de naissance, Pauline veut redevenir Polina. Un roman tendre, drôle et bouleversant<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
"Tenir sa langue" de Polina Panassenko a été publié aux éditions de l'Olivier.
"Tenir sa langue" de Polina Panassenko a été publié aux éditions de l'Olivier.
©

Atlanti-Culture

"Tenir sa langue" de Polina Panassenko est publié aux éditions de l'Olivier.

Elisabeth Autet pour Culture-Tops

Elisabeth Autet pour Culture-Tops

Elisabeth Autet est chroniqueuse pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

Voir la bio »

TENIR SA LANGUE

De Polina Panassenko

Editions de L’Olivier

Parution le 19 août 2022

186 pages

18 €

Notre recommandation : EXCELLENT

THÈME

Tout débute devant le tribunal de Bobigny où Pauline attend le jugement qui l’autoriserait à mettre sur ses papiers son vrai prénom d’origine : Polina. 

Pauline est son prénom francisé pour « faciliter son intégration ». Dans sa recherche d’identité, l’auteure convoque tous ses souvenirs d’enfance : unepetite fille qui a vécu l’exil en quittant sa terre natale l’URSS devenue la Russie pour s’installer en France. 

Polina est née en URSS, avant la chute. Elle vit ses premières années entre « le deux pièces communautaire de l’avenue Lénine » et la datcha avec ses parents, sa sœur et ses grands-parents ; une existence heureuse, les sorties au parc avec son grand-père maternel, les repas ensemble, le bêchage dans le jardin de la datcha, l’arrivée du premier Mac Do à Moscou. Mais aussi en août 1991 l’arrivée de « grosses boîtes kaki avec une sorte de kaléidoscope intégré », ces tanks qui la feront se réveiller en quelque sorte dans un nouveau pays : la Russie. 

En 1993, les deux sœurset leur mère rejoignent leur père en France. Il lui faut laisser une part de son enfance avec ses chers grands-parents. Lors de l’arrivée en France, la première vision lui paraît sublime. Le père les a emmenées à Disneyland !La vraie destination sera Saint Etienne où il est professeur de mathématiques.Nouvelle vie dans « ses blocs de béton » et tous ces mots dont les sons lui sont inconnus : la première « raklete » chez les voisins de palier, l’entrée en « maternelchick »… 

La petite fille exilée doit se construiretiraillée entre 2 langues, 2 pays ; Polina ne comprend pas à l’école et se lie d’amitié avec un petit garçon bègue, évincé lui aussi parce que différent ! 

Puis elle se construit entre sa vie en France et les retours en Russie pour retrouver les grands-parents maternels, la datcha et cette question « c’est mieux en France ou en Russie ? » 

Cette ambivalence se retrouve dans sa vie de jeune adulte.

POINTS FORTS

Cette scène en « absurdie » avec l’incompréhension de la juge de Bobigny devant le désir de cette jeune femme naturalisée française qui veut retrouver son prénom de naissance sur ses papiers.

Le questionnement sur l’identité à travers la langue qui construit les hommes et, plus encore, les exilés.

La découverte de la langue française à l’école et la construction « d’un mur » entre son français et son russe, sa langue dont la mère est la gardienne à la maison, cette mère qu’elle perdra encore jeune. L’assimilation du français et la fidélité au russe représentent un défi quotidien car si la double culture est une richesse, elle entraîne aussi des quiproquos.

L’histoire de la famille de cette jeune femme : des Juifs Ukrainiens ayant fui les pogroms. Arrivés en URSS, l’arrière-grand-père avait « russisé » les prénoms de ses enfants afin de les protéger. Ainsi sa grand-mère Pessah était devenue Polina. Le père, en francisant le prénom de sa fille en Pauline, a voulu lui éviter des discriminations.

QUELQUES RÉSERVES

Je n’en trouve pas vraiment. Peut-être quelques longueurs, et un début un peu lent dans les arcanes administratives.

ENCORE UN MOT...

Premier ouvrage de l’auteure, ce récit de ses souvenirs d’enfance est original, souvent joyeux. Il est fait, toutefois, de questionnements, de renoncements, de pertes, de deuils. Polina croyait pouvoir s’appeler Pauline et/ou Polina. 

Au-delà de son combat pour retrouver son prénom d’origine, l’auteure pose le problème de l’identité et de l’intégration. Pourquoi enfermer une personne dans une culture ? Une ouverture multiculturelle est une grande richesse à laquelle il ne faut pas renoncer. Ainsi se mêlent la littérature, la musique, la peinture, et tout ce qui fait la culture des deux pays. Parler français, ne pas oublier le russe, ne pas mélanger les deux. 

L’auteure nous emporte de sa plume vive, avec une langue inventive.

UNE PHRASE

« Ce que je veux moi, c’est porter le prénom que j’ai reçu à la naissance. Sans le cacher, sans le maquiller, sans le modifier. Sans en avoir peur. Faire en France ce que ma grand-mère n’a pas pu faire en Union Soviétique ». p.18

« Russe à l’intérieur, Français à l’extérieur. C’estpas compliqué. Quand on rentre à la maison, on l’enlève ». p.109

L'AUTEUR

PolinaPanassenko est née en 1986 à Moscou. Elle est auteure, traductrice et comédienne. Tenir sa langue est son premier roman.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !