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Taxe Tobin : un produit estimé 
au double du résultat cumulé 
des banques françaises. Hum... vraiment ?
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Fausse bonne idée

Instaurer en France, ou même au sein de la zone euro, une taxe sur les transactions financières ne ferait que pénaliser particuliers, PME, petits institutionnels et opérateurs de marché, les spéculateurs ayant les moyens d'effectuer leurs transactions à l'étranger. Et si réformer les règles de fonctionnement des marchés était en fait la seule option viable ?

Pierre De Lauzun

Pierre De Lauzun

Pierre de Lauzun est Président de la Commission économie et Finances éthiques des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens.

Directeur général délégué de la Fédération Bancaire Française - FBF

Délégué général de l’Association Française des Marchés Financiers AMAFI

Ancien élève de l’Ecole Polytechnique (1969) et l’Ecole Nationale d’Administration (1975)

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Taxer les transactions financières : rien de plus populaire - au premier abord. En dehors des initiés, le public ne comprend pas cette multitude d’opérations qu’on relie avec l’image de profit, de  spéculation et de bonus bien gras. Quand alors quelqu’un dit : "moi j’y vais tout seul, je taxe", il pense qu’on va applaudir dans les chaumières. Oui mais…

Le problème c’est que le marché est mondial, que la plupart des investisseurs sont internationaux. Ils sont libres de choisir où ils font leurs transactions. Ensuite, en Europe (à 27), on a créé un espace financier complètement ouvert : tout le monde peut opérer partout dans les mêmes conditions - et notamment aller dans la capitale financière de l’Europe, Londres, qui draine déjà la très grande majorité des transactions. Ce qui veut dire que si quelqu’un dans son coin, en France, par exemple, ou en zone euro, met une taxe, il n’y a aucune difficulté pour un acteur à faire exactement les mêmes opérations en dehors de France, et d’abord à Londres. Pourquoi en effet payer alors que vous pouvez faire la même chose ailleurs sans payer ? Ne resteront pour payer la taxe que les malheureux qui ne peuvent pas y échapper : les particuliers français, les PME, les petits institutionnels. 

Cela peut surprendre, car effectivement des taux de 0,1 % pour les titres, de 0,01 % pour les dérivés, paraissent bien bas. Il est vrai que le vrai spéculateur s’en moque. De toute façon il est logé ailleurs. Mais même si par hasard il devait payer, des niveaux pareils resteraient bien en deçà de ce qu’il peut gagner. La victime en réalité, plus que les spéculateurs, c’est l’activité normale des intermédiaires de marché, ces grossistes de la finance qui doivent maintenir des portefeuilles importants pour gérer les titres et, surtout, les dérivés que leurs clients leur demandent. Car cette gestion requiert des opérations d’achat et de vente très fréquentes, en fonction des mouvements incessants des marchés. Le grossiste français serait donc frappé par la répétition des taxes, auxquelles le grossiste londonien échapperait. Et il ne s’agit pas de petites sommes : on a calculé en France que s’il n’y avait pas délocalisation, à volume identique la taxe produirait en théorie 40 milliards d’euros. Autant dire que c’est impossible, c’est plus du double du résultat cumulé des banques françaises.

Il est donc absurde et suicidaire d’opérer dans un seul pays, et même au niveau de la zone euro. Au niveau de l’Europe à 27, peut être. Mais les Britanniques ne peuvent l’admettre : c’est pour eux la mort de leur activité principale.

Est-ce à dire qu’on ne peut rien faire ? Sûrement pas. Les marchés, nous en avons vitalement besoin ; c’est là que nous finançons nos déficits publics mais surtout les fonds propres ou les obligations qui donnent à nos entreprises les moyens de leur croissance, que nous construisons les dérivés qui protègent contre les risques de taux ou de change. Mais, pour agir sur les marchés, une taxe est un moyen très grossier. Il y a beaucoup mieux à faire : réformer directement ces marchés et leurs règles de fonctionnement. Nous en avons l’occasion : les directives européennes en cours d’examen. Que les Britanniques ne peuvent pas bloquer, contrairement à la taxe. Réformer les marchés : voilà le seul objectif qui ait un sens. Mais pour réformer les marchés, outre un vrai projet, il faut y avoir accès ; il ne faut pas les avoir fait fuir par des projets inconsidérés.

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