Taxe foncière, +21% en 5 ans : ce qu'a servi à financer la hausse<!-- --> | Atlantico.fr
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La taxe foncière est calculée en suivant une base, la valeur locative cadastrale, et un taux.
La taxe foncière est calculée en suivant une base, la valeur locative cadastrale, et un taux.
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Decod'Eco

Les taxes foncières ont augmenté de 21%, soit deux fois plus rapidement que la moyenne de l'inflation, entre 2007 et 2012, selon une étude de l'Union nationale des propriétaires immobiliers (Unpi). Train de vie des collectivités, poids des prestations sociales, baisse des droits de mutation sont autant d'éléments expliquant cette hausse.

Fabrice  Coletto-Labatte

Fabrice Coletto-Labatte

Fabrice Coletto-Labatte est chargé de cours en fiscalité immobilière au sein de l'université Toulouse 1 Capitole, il édite également des guides fiscaux thématiques.

Ses analyses sont régulièrement publiées dans la lettre gratuite Protection & Rendements, mais aussi dans le sur Moi, Contribuable.

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Atlantico : Comment expliquer la hausse des taxes foncières depuis cinq ans ? S’agit-il de compenser la suppression de la taxe professionnelle, la chute des droits de mutation touchés par les communes ou encore d’une conséquence de l’atonie du marché ?

Fabrice Coletto-Labatte : D’abord il est très difficile, voire impossible de donner une réponse uniforme quant aux causes de cette ascension. En premier lieu parce que les impôts fonciers reflètent plusieurs niveaux de décision territoriaux : commune, intercommunalité, département et région.

D’autre part, il faut savoir que la taxe est calculée (de façon très simplifiée) en suivant une base, la valeur locative cadastrale, et un taux. Or, cette base évolue différemment selon les villes mais également selon la valeur de référence de tel immeuble. Il en est de même pour le taux puisque ce sont les collectivités qui le votent : certaines sont économes, d’autres moins, voire ont des charges que d'autres n’ont pas. L’extrême dispersion de cette myriade de collectivités ne permet pas de donner une réponse universelle,  il faut raisonner au cas d’espèce.

Chacune de ces collectivités va donc influencer à son niveau le montant de l’impôt appelé en fonction de son profil de gestion (plus ou moins dépensier) mais également de ses charges propres définies par les lois de décentralisation et le transfert de charges de l’État. Celui-ci se désengage depuis de nombreuses années et de façon croissante au détriment des collectivités territoriales qui doivent se substituer sans que les transferts financiers en provenance de l’État couvrent intégralement ces transferts de charges. 

Il faut donc rechercher des raisons diverses et variées : gaspillage, train de vie outrancier pour certaines collectivités,  mais aussi des rentrées moindres du côté des droits de mutations vu les difficultés du marché immobilier. Et puis aussi par le poids du "social" (RSA, APA, etc. à la charge des départements), qui ne peut qu’augmenter. Le chômage endémique frappe le pays accentué par les arrivées en "fin de droits". Enfin, le vieillissement de la population oblige à étendre l’offre de services et structures adaptés. Mais en matière sociale, les communes non plus ne sont pas en reste avec l’action des Centres communaux d'action sociale (CCAS).

Enfin, il y a le mille-feuille administratif : mairie, conseil général, conseil régional. Forcément générateur de coûts administratifs.

Pourquoi cette augmentation est-elle aussi sensible en comparaison avec la modération de l’augmentation de la taxe d’habitation (+1,7% en moyenne pour un couple avec deux enfants) ?

L’impôt foncier frappe le capital, la taxe d’habitation frappe l’occupant qui n’est pas forcément propriétaire. Et comme on considère que celui qui a le capital est solvable…

L’accroissement de la taxe foncière est-elle inéluctable ? Comment retrouver une tendance plus raisonnable ?

Il est inéluctable, hélas, faute de vouloir changer de gestion : l’interventionnisme passe visiblement mieux que le libéralisme en France qui seul pourrait signifier la décrue fiscale. Certains pays ont eu le courage de le faire, l’exemple le plus emblématique étant sans doute celui de Ronald Reagan, non pas en tant que président de l’Union, mais en tant que gouverneur de l’État de Californie.  Reagan répondit aux attentes des contribuables inquiets de la hausse des taxes (très relative comparée aux taux himalayens atteints en France….) avec la fameuse proposition 13 qui limitait la taxation sur la propriété. Tout le paradoxe tient en France au fait que l’on veut moins d’impôts mais qu’on réclame toujours plus d’intervention publique. Les deux attentes sont tout simplement inconciliables !

Les Français doivent-ils s’attendre à une nouvelle augmentation des impôts locaux dès 2015, après la "pause fiscale" promise par le gouvernement ?

Bien sûr, tous les indicateurs financiers sont au rouge : aucune réforme de structure de l’État et des collectivités publiques, un poids de la dette publique État et des collectivités effarant, le clientélisme également (la chasse aux voix) sont les ingrédients de cette pièce cent fois rejouée !

Que dire par exemple d’un rapport remis au gouvernement proposant d’intégrer à terme le loyer fictif lorsque l’on est propriétaire dans l’assiette de l’impôt sur le revenu ? Si cette mesure voit le jour en 2015, par exemple, elle va provoquer un emballement dans les tranches de l’impôt sur le revenu, un coût supplémentaire dans la détention de son propre domicile…bref ce serait l’émergence d’un impôt foncier d’État doublant l’existant.

Trop de réglementation également : par exemple le projet de réforme des baux commerciaux (projet de loi Pinel) qui prévoit l’interdiction future pour les bailleurs de transférer par convention tout ou partie de la taxe foncière au locataire ; quid de la liberté contractuelle qui donnait toute satisfaction jusqu’à présent. Si cette clause était acceptée par le preneur c’est qu’elle répondait à une régulation du marché par lui-même : la demande de locaux rejoignant l’offre à ces conditions spécifiques. Clause que tous les baux de France et de Navarre ne comporteraient pas si l’état du marché locatif commercial local ne permettait pas aux propriétaires de l’insérer au terme des négociations. Voilà encore une mesure qui va alourdir la facture fiscale de la détention du capital.

Ce qui permet aujourd’hui aux gouvernements d’augmenter la pression fiscale c’est à proprement parler l’atomisation des contribuables. Il n’y a pas de syndicat des épargnants par exemple pour dénoncer les hausses successives des prélèvements sociaux sur l’épargne : 1% de CSG en 1990….15,5% tous prélèvements confondus en 2013 !  Autre exemple, les associations de propriétaires existent mais le taux de syndicalisation reste faible de sorte que leur poids auprès des pouvoirs publics n’est pas significatif. L’efficacité de la protestation semble plutôt désormais reposer au coup par coup sur le marketing des réseaux sociaux avec par exemple l’opération des "Pigeons". Mais hélas cela ne donne pas une cohésion. Ceux qui font le buzz obtiennent parfois un recul plus ou moins marqué du pouvoir mais ce dernier va aussitôt compenser sa perte de recettes en augmentant la pression sur un groupe moins - voire pas du tout - organisé…

[Retrouvez toutes les analyses de Fabrice Coletto-Labatte sur la déferlante fiscale en cliquant ici.]

Propos recueillis par Pierre Havez

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