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"Une intervention militaire 
en Syrie serait contre-productive"
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Romain Goupil

Le gouvernement Syrien, tout comme Kadhafi, réprime les agitations populaires dans la violence. Pourtant, au contraire de la Libye, on n'attaque pas la Syrie. Quelle orientation l'OTAN et la France devraient-elles prendre dans ce conflit ?

Romain Goupil

Romain Goupil

Romain Goupil est cinéaste.
Connu pour son engagement politique proche de l'extrême gauche en mai 68, il en a tiré le film "Mourir à 30 ans".
Membre du comité éditorial de la revue Le meilleur des mondes, Romain Goupil s'est distingué en 2003 pour avoir soutenu l'intervention militaire américaine en Irak.
Son dernier film, Les Mains en l'air, est sorti en 2010.

Romain Goupil vient de cosigner un appel pour une intervention urgente en Libye, paru dans Le Monde du 16 mars 2011.

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Atlantico.fr : Faut-il, selon vous, intervenir en Syrie pour renverser Bachar el-Assad ?

Romain Goupil : La défaite de Kadhafi et le succès de l’insurrection libyenne affaiblissent énormément Bachar el-Assad en Syrie. Je pense qu’une pression internationale favoriserait le soulèvement de la population syrienne, encouragée notamment par les succès en Tunisie, en Égypte et donc maintenant en Libye.

Si l'insurrection libyenne s'était soldée par un échec, on pourrait se poser la question d’une intervention. Mais là, les Libyens se sont libérés eux-mêmes avec l’aide de l’OTAN. Ça isole donc complètement le régime syrien et son allié iranien. C’est une très bonne nouvelle et je pense que la réponse est d’appuyer ce printemps arabe par des mesures de rétorsion et d’isolement du régime syrien.

Vous n'êtes donc pas favorable à une intervention militaire ?

Je ne suis pas du tout favorable pour l’instant à une intervention militaire. J’estime que ce qui s’est passé en Libye encourage les Syriens et la communauté internationale à faire pression pour que ce régime cède. C'est pourquoi, on doit voter des résolutions qui imposent le boycott ou stoppent toute relation économique pour isoler le pouvoir et les dirigeants.

L’Iran subit depuis des années un embargo, sans véritable résultat en terme de changement de régime. La dynamique actuelle n’est-elle pas un moment exceptionnel pour une intervention ?

Cela doit se mettre en place et se décider par le biais des instances internationales. Je vois très mal la Chine et la Russie s’abstenir cette fois-ci. Toute résolution est compliquée à obtenir. Il faut avancer dans un premier temps pour les convaincre et isoler le régime. Appeler à une intervention militaire aurait l’effet inverse.

Ce qui s’est passé en Libye est un immense succès : c’est un signe extrêmement clair pour dire au régime d'el-Assad que ses jours sont comptés. C'est valable également pour l’Iran. Il faut continuer à mettre l'Iran au ban de la communauté internationale, poursuivre l'embargo et  continuer à isoler ce pays. On doit également faire confiance à ceux qui se révoltent, s’organisent et prennent appui sur ce qui se passe dans les autres pays.

La seule indignation n’est-elle pas contre-productive ?

Bien sûr, on préférerait tous que ça aille plus vite. On préférerait que les dirigeants syriens cessent leurs massacres, que la répression et les tortures soient dénoncées de manière beaucoup plus ferme. Annoncer dès maintenant une intervention militaire serait selon moi contre-productif. Elle doit rester une menace, tout en utilisant l’arsenal répressif (résolutions, tribunal pénal international, isolement, poursuites...).

La communauté internationale a déjà su le faire par le passé, dans d'autres pays - le Liberia par exemple. Il est nécessaire que les résolutions soient de plus en plus fermes, tout en laissant l’option militaire possible.

Affirmer qu’il n’y aura pas d’intervention militaire est contre-productif. Mais dire qu’il y en aurait une le serait tout autant. Malheureusement pour la population syrienne, pour l’instant, il faut se cantonner à exiger que nos gouvernements l’isolent le régime syrien. Et sur le plus long terme mettre, on doit mettre en place des menaces plus précises pour que ce régime arrête sa terreur et ses massacres envers sa propre population.

Vous qui étiez favorable à l'intervention en Libye, quel bilan en retirez-vous ?

On ne peut plus laisser, comme c’était le cas auparavant, les tyrans menacer et assassiner impunément. Le signe d’engagement au Conseil de sécurité a été fort. Il doit servir d’avertissement général pour tout le monde : la Syrie, l’Iran, la Birmanie, la Corée du Nord. Petit à petit, on doit comprendre qu’il n’y a plus d’impunité pour les assassins. Même si c’est long et lent, la liberté des différentes populations proches ou lointaines, nous importe. Je me demande comment le fonctionnement du pays après quarante ans d’autocratie va se mettre en place. Je conserve des interrogations mais je salue très bas le courage et j’appuie toutes les initiatives qui ont étés prises par le Conseil de sécurité, l’ONU, les frappes de l’OTAN, et la position courageuse de la France.

La France est-elle devenue un phare du monde libre ?

Si la France met en pratique ce qu’elle dit, oui. Il semble que les positions qui ont été prises contre l’immigration ou l’afflux de Tunisiens et Libyens étaient en début d'année un signal tout à fait négatif par rapport à ce qui se passait au début des révoltes. Donc on attend de la Communauté européenne des engagements à la hauteur d'un plan Marshall pour aider définitivement ces pays qui ne sont qu'au début de l’apprentissage d’un fonctionnement plus démocratique. Donc je suis partagé. J’appuie cette initiative, j’étais parmi les signataires aux cotés de ceux qui demandaient une intervention à Benghazi pour éviter que se reproduisent les bains de sang de la guerre de Bosnie. Cependant, dans les déclaration publiques et le fonctionnement du gouvernement de ces pays "libérés", je ne vois de politique ambitieuse ni pour la Tunisie, ni pour l’Égypte ou la Libye...

Vous voyez, dîtes-vous, une contradiction de la part de Sarkozy entre son intervention en Libye et son discours vis-à-vis de l'immigration ?

Il y a, en effet, quelque chose de tout à fait contradictoire et scandaleux. On ne peut pas penser qu’on a uniquement soutenu les Libyen pour des intérêts pétroliers. Au-delà de ça, on doit voir ces peuples qui souffrent. Nous devons mettre en place avec l’ONU et la Communauté européenne, des instruments pour que ces pays aient les moyens de se développer et de se donner des structures pour assurer l'enseignement, le commerce, l’alimentation et l’eau potable...

Pour l’instant, j’ai le sentiment qu’il n’y a pas de vision d’ensemble. On ne donne pas à la population les moyens de comprendre que quelque chose d'aussi fort que la chute du mur de Berlin est en train de se dérouler.  Quelle est la vision des gouvernements quant à ce changement fondamental dans les pays arabes ? Que faire avec ces régimes dictatoriaux ou avec l’Algérie ? Or, il n’y a pas de réponse. Ce silence me me semble bien petit et nullement à la hauteur de l’Histoire.

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