Sur quoi les Européens comptent-ils pour sortir de la crise ?<!-- --> | Atlantico.fr
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En Grande-Bretagne, la position hors de la zone euro apparaît comme une force historique.
En Grande-Bretagne, la position hors de la zone euro apparaît comme une force historique.
©Reuters

Série "Les Européens face à la crise"

Troisième volet de notre série "Les Européens face à la Crise". Comment les Européens jugent-ils les forces et les faiblesses de leur pays pour sortir de la récession – ou ne pas y entrer ?

Véronique  Langlois et Xavier Charpentier

Véronique Langlois et Xavier Charpentier

Véronique Langlois et Xavier Charpentier ont créé en mars 2007 FreeThinking, laboratoire de recherche consommateur 2.0 de Publicis Groupe.

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Dans les six pays étudiés dans l’enquête Ipsos menée en parallèle de l’étude quatitative FreeThinking, les deux acteurs qui trouvent grâce aux yeux des Européens ou en tout cas gardent un minimum de crédit pour aider à la sortie de crise sont les entreprises. 45% des Européens trouvent ainsi que les PME proposent des solutions constructives face à la crise. Un chiffre élevé, comparé aux 29% accordés aux gouvernements, un chiffre qui atteint même 53% en France, et 58% en Allemagne. Et, immédiatement après les PME, les grandes entreprises arrivent en seconde place dans ce classement. Mais derrière ces chiffres en apparence rassurants pour les entreprises, n’y-a-t-il pas des disparités qui se cachent ?

En réalité, si, elles sont considérables : de la part des cinq communautés qui se sont prêtées à l’exercice de la co-réflexion avec nous durant ces 10 jours de blog, l’analyse des forces et des faiblesses de leur pays face à la question de la sortie de crise est très divergente. Au-delà de ce que ces diagnostics divergents nous disent du niveau de confiance, des espoirs, et des aspirations des uns et des autres, ils confirment aussi de façon éclatante les relations très contrastées au collectif, à la question du lien social qui s’était déjà imposée lors de la discussion sur les acteurs du changement.

De façon très claire, trois modèles se dégagent :

Le modèle « sur-armé » – l’Allemagne.

Pour les Allemands que nous avons interrogés, se font jour une vraie confiance, une vraie fierté à parler d’une Allemagne forte. Avec l’idée d’une économie et d’une société débordantes d’atouts issus à la fois d’une politique gouvernementale efficace depuis longtemps et de points forts historiques :

  • la flexibilité du marché du travail comme une force indéniable et surtout reconnue comme telle par tous,
  • le dialogue social jugé performant, au global le pragmatisme et la non-conflictualité qui permettent d’avancer,
  • la qualité allemande, unique, favorisant la performance économique.

« Je pense que les entreprises sont bien armées surtout grâce à la possibilité de pouvoir recourir au chômage à temps partiel de temps en temps. (…) Les entreprises ont l'air de bien se porter, je suis très optimiste sur leur capacité à résister à une autre crise éventuelle » - Allemagne

« L'Allemagne est très forte sur le plan économique grâce à ses entreprises innovantes et ses syndicats très coopératifs » - Allemagne

« Les syndicats : ils ont eu des exigences modérées en ce qui concerne les salaires. Cela a certainement aidé l'Allemagne à sortir de la crise » - Allemagne

Seule ombre au tableau, rançon en quelque sorte du succès très souvent citée : la dépendance commerciale de l’Allemagne vis-à-vis du reste de l’Europe et l’incertitude à maintenir un niveau d’exportation élevé.

« La qualité des produits allemands et leur bonne réputation sont sûrement un gros avantage et donc une force. Mais l'Allemagne dépend de ses exportations ce qui pourrait également être une grande faiblesse. S'il y a encore des répercussions internationales sur l'économie, cela touchera l'Allemagne très fortement » - Allemagne

Ce qui ressort en fait en majeur de toutes ces contributions, et qui va contraster si ce n’est avec l’Angleterre, du moins très clairement avec les contributions issues d’Europe du Sud, c’est encore une fois le sentiment d’un collectif extrêmement fort fonctionnant harmonieusement, dans le cadre de négociations entre patrons et salariés.

« C'est le peuple qui est la base de notre force. Mais notre rapport à la politique est également un atout car c'est finalement ce qui fait que les gens et les entreprises se sentent bien en Allemagne » - Allemagne

Par opposition à…

« Très difficile de trouver une solution, parce que dans notre pays il y a trop de personnes, institutions, entreprises et autres qui se sont habituées à empocher des commissions, des pourcentages, des enveloppes, des sacs poubelles, bref tout l’argent qu’elles peuvent soutirer au reste des citoyens » - Espagne

Le modèle « bien-armé » - la Grande-Bretagne, la France, l’Italie.

Pour les Anglais, Français et Italiens que nous avons interrogés, un même diagnostic : des handicaps sévères mais aussi des atouts sérieux. Un diagnostic dont on peut se demander en particulier pour la France et l’Italie s’il n’est pas au moins en partie fantasmatique – certains atouts déclarés apparaissant sous un angle au final assez imprécis, et pouvant de ce fait résonner comme des « échappatoires fantasmatiques », là où les participants allemands peuvent citer des exemples très précis et les concernant directement quand ils parlent de flexibilité ou de chômage partiel.

Concernant les handicaps :

En Grande-Bretagne : une économie insuffisamment stimulée pour relancer le business et pour entreprendre (la frilosité des banques pointée du doigt), l’absence de coopération entre grandes entreprises et PME (le cas de Tesco souvent cité), l’immigration comme concurrence vis à vis des « British workers ».

« There are many companies who can’t do much because they cannot get any cash from the banks. They won’t go broke, but cannot expand. They just coast unproductively » - UK

En Italie : en tout premier lieu la corruption généralisée du monde des dirigeants politiques, et économiques, comme on l’a déjà vu. Mais aussi un déficit dramatique de sens civique dans l’ensemble de la population, qui prend des proportions considérables et uniques par rapport aux autres pays étudiés. Sur le plan macro-économique, une politique fiscale injuste qui accable les entreprises, en plus de l’inertie des banques.

« La situation pourrait s’améliorer s'il y avait plus de professionnels et moins d’amateurisme, si nous privatisions vraiment et encouragions les personnes qui le méritent pour leurs compétences et non pour leurs connaissances. Si les italiens se convertissaient à la mentalité de l'Europe du nord et arrêtaient de penser uniquement à la manière d’arnaquer les autres on irait peut-être dans la bonne direction » - Italie

En France, sont surtout cités :

  • le poids écrasant et finalement destructeur des charges qui pèsent sur les entreprises,
  • les 35h qui ont un effet néfaste pour beaucoup et participent de l’inefficacité du modèle économique français,
  • l’immigration vue sous un angle socioéconomique comme venant grever les comptes sociaux,
  • l’assistanat comme modèle quasi institutionnalisé, non seulement extrêmement coûteux à la collectivité mais aussi destructeur de valeur et du moral de ceux qui travaillent,
  • et enfin, des mesures récentes venant alourdir la liste des handicaps : l’immobilisme sur les dépenses publiques et les comptes sociaux à la dérive, la défiscalisation des heures supplémentaires qui vient impacter davantage le pouvoir d’achat de ces Français, l’hostilité affichée à l’encontre des dirigeants d’entreprises, risquant d’accroître les difficultés économiques et de porter un coup d’arrêt au désir d’entreprendre.

« Les entreprises ne peuvent pas survivre face à la crise, trop taxées par le gouvernement, elles ne peuvent assurer ! D’où le fait que beaucoup délocalisent ! C’est ainsi que l’Etat doit se bouger et enfin les aider!!! Les patrons ne sont pas tous des patrons à la recherche de l’énorme profit ! Certains veulent aussi faire vivre leur pays et ses habitants » - France

« Le problème est notre inertie aux changements. On tient trop a nos acquis, il est urgent de pouvoir réfléchir sur la viabilité du système des 35 heures, qui aujourd’hui n’a pas eu l’effet escompté sur la création d’emplois et qui a alourdi le fonctionnement des entreprises » - France

« Le gouvernement a été très créatif pour inventer de nouveaux impôts & taxes, pas du tout pour réduire les dépenses publiques (qui passent par une redéfinition des missions de l’Etat, et l’utilisation de moyens modernes tels que le prélèvement de l’impôt à la source). » - France

« Je suis contre toutes les sortes d’assistanat et d’abus divers qui ne font qu’aggraver les inégalités, le sentiment de frustration des gens honnêtes, et le déficit des caisses de l’état! » - France

« Ne plus permettre l’arrivée « massive » de personnes n’ayant rien à faire en France. Remettre le goût du travail aux gens, quitte à adopter des mesures impopulaires, mais efficaces. Et surtout, faire respecter notre pays, nos règles et nos lois. » - France

Concernant les atouts :

En Grande-Bretagne, la position hors de la zone euro est le pendant de ce qui apparaît à la grande majorité des interviewés comme une force historique plus actuelle que jamais : la force des relations avec les pays du Commonwealth et les US, l’Angleterre comme puissance résolument anglo-saxonne avant d’être européenne. Sur fond également de

« British Bulldog Spirit » comme trait de caractère distinctif et valorisé dans le business.

« The advantages are: pound instead of euro, island isolation, English language, economical links with commonwealth countries, strong presence in international relations » - UK

« The British bulldog spirit still exists, and we are usually at our best when seen as the underdogs or threatened » - UK

En France et en Italie : des atouts qui pourraient pour certains apparaître comme des échappatoires fantasmatiques : la créativité, l’innovation ou encore « la débrouillardise italienne ». Le savoir-faire qui donne au made in France et au Made in Italy la perception d’une réalité à défendre et à promouvoir. A côté d’autres atouts historiques et de l’ordre du patrimoine : le tourisme, la culture, l’histoire, l’art de vivre.

« L’un des points forts de notre pays a toujours été la capacité d’adaptation aux situations les plus extrêmes, notre fantaisie, notre créativité » - Italie

« Les principaux atouts de la France face à la crise sont avant tout les savoir-faire de pointe dans certains domaines (l’aérospatial, le nucléaire, les énergies renouvelable comme le solaire, les produits de luxe, le tourisme, l’agriculture, etc.). Ces savoir-faire devraient être mis plus en avant pour favoriser leur exportation » - France

« Le travail et la créativité. en France on n’a pas de pétrole mais on a des idées » - France

« La France possède une position géographique, une culture et un niveau de créativité qui ont depuis longtemps fait de ce petit pays un des grands de ce monde » - France

Enfin, le troisième modèle, celui du pays qui se vit comme  « désarmé » : l’Espagne.

Une perception très spécifique, et empreinte d’une forme de désespérance dans de nombreux posts : si nombre de participants évoquent encore comme une force le « made in Spain », voire une forme de « génie espagnol », ces évocations ne sont pas majoritaires. Ce qui l’est, en revanche, c’est la sensation exprimée de déclin irréversible. Avec une question souvent posée : que reste-t-il de l’Espagne ? Et pour beaucoup le diagnostic très dur d’un pays mort économiquement, tué par ses élites dirigeantes.

« Le principal problème c’est le manque de confiance de la population dans ses représentants élus, mais comment faire confiance à des personnes qui ne se sont pas lancées dans la politique pour aider les autres, mais dans le but de voler tout ce qu’elles pouvaient, de s’enrichir aux dépens des autres, en se contrefichant de savoir si nous pouvions boucler nos fins de mois. Pour sortir de la crise, il faut tout d’abord nettoyer la classe politique de ce pays » - Espagne

« Ce pays a besoin d’un grand mouvement comme le régénérationnisme de 1898. La perte de confiance dans les hommes politiques, la crise économique, la crise des valeurs (ce qui est sans doute pire) nous font perdre le cap. (…) Et aujourd’hui c’est la même chose, les socialistes sont rendus responsables de tout, on le voit dans les forces centrifuges qui font que nombre d’entre nous avons peur de bientôt vivre en Ex-pagne. Non, pas de solution possible si nous n’apprenons pas à marcher ensemble sur un même chemin. (…) Transformés en un pays fait de « royaumes de Taïfas », ce qui est un fléau chronique en Espagne, nous aurons rien de rien de rien.

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