Stromae, Poelvoorde, Nothomb... Pourquoi les artistes belges ont la cote en France<!-- --> | Atlantico.fr
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Le chanteur Stromae a la cote en France
Le chanteur Stromae a la cote en France
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Belge une fois !

Les Belges ont-ils une recette secrète pour réussir autant dans l'Hexagone ? Depuis Tintin, les outre-Quiévrains sont fortement représentés dans notre paysage artistique français.

Jacques Mercier

Jacques Mercier

Jacques Mercier est journaliste et écrivain belge. Il est l'auteur de "Belges en France" aux Editions Racine.

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Atlantico : Cette rentrée culturelle se fait sous le signe de la Belgique : Stromae, Amélie Nothomb ou encore Benoit Poelvoorde. Comment expliquer que les artistes belges aient la cote en France ?

Jacques Mercier : Les artistes cités en exemple ont des points communs qui peuvent se résumer à ce que l’auteure Colette (française mais qui fit justement partie de l’Académie Royale des Lettres et de Littérature en Belgique) écrivait à propos des artistes belges : “C’est l’esprit français marié à l’humour belge !” Cette mode belge a succédé à une période moins sympathique des “histoires belges”, où l’on se moquait de ce côté provincial, petit, lointain par rapport à Paris. Mais ce n’est plus une mode puisqu’elle dure avec comme grand point de départ : 1999 (nous disons donc “mille neuf cent nonante neuf” ! et non pas “quatre-vingt-dix-neuf” !) , année où les frères Dardenne reçoivent la Palme d’or au Festival de Cannes. Depuis le côté pittoresque et même les accents belges sont devenus synonymes aussi de réussite (Justine Henin, Maurane, Jean-Claude Van Damme, etc.) Si les Français s’y intéressent, mais plus qu’au reste de la francophonie et en particulier le Québec, c’est que précisément nous avons une belle proximité. Si l’on parle des “cousins québécois” on peut presque parler des “frères belges” !

Quelles sont les particularités de ces artistes belges connus, voire ultra- connus, en France ?

Avant tout, je dirais que c’est l’auto-dérision qui caractérise tous les Belges ! C’est un point commun que nous possédons par suite de la situation de minorité géographique et démographique. Mais aussi parce que c’est un excellent moyen de défendre son identité face à plus fort et plus puissant que soi. C’est pour cela aussi que nous avons souvent utilisé des secteurs moins en vue : la BD (Geluck, XIII, Schuiten, etc), le fantastique, l’imaginaire, la poésie... Notre identité bizarre toujours contestée (Wallon ? Flamand ? Bruxellois ? Belge ?) de ce pays formé pour d’autres raisons qu’un rassemblement d’une communauté a pour conséquence que l’individu est important, ce qu’il est et non pas ce qu’il représente. Du coup une autre particularité est la force de travail ! Des artistes comme Annie Cordy ou Philippe Geluck, à niveau égal avec des artistes français, travaillent beaucoup plus, sont bien plus professionnels je dirais. Enfin, il y a aussi une générosité, une humilité et une spontanéité. Nous sommes vrais.

Est-ce un phénomène nouveau ou bien la France et la Belgique ont toujours été très liées culturellement ?

La France et la Belgique francophone, en tout cas, sont liées depuis la naissance de la Belgique en 1830. Après avoir été d’ailleurs “napoléonienne” ! Mais on a toujours observé deux attitudes vis à vis de la France : de la méfiance et de la fascination. La méfiance car le Français a tendance, comme centre essentiel de la culture, à s’accaparer les talents (Simenon, etc.), à les intégrer. Méfiance aussi car plus puissante, elle peut imposer ses règles et raboter les différences. Mais fascination depuis toujours et ce n’est pas là de cesser ! On voudrait tous réussir dans son pays sans passer par Paris ; mais c’est quasi impossible. Aussi pour une question de territoire et donc de marché et de public. Tous les grands artistes reconnus chez nous sont passés par le couronnement de la France, passage obligé. Il faut dire que cette fascination s’exerçait (avec le net tout change) par les médias puisqu’un Belge francophone sur deux regarde les télés françaises le soir ! Aujourd’hui le TGV raccourcit les distances et nous avons donc un vaste espace culturel francophone sans trop de frontières, sinon celles de nos racines respectives et régionales.

Observe-t-on une réciprocité, c'est-à-dire des artistes français très populaires en Belgique ? Lesquels et Pourquoi ?

Les grands noms français sont aussi les nôtres (je parle toujours de la Belgique francophone en considérant que la Flandre a forgé sa propre identité et sa culture). Parfois ils le sont d’ailleurs de manière un peu bizarre : Depardieu récemment, ou Johnny Hallyday parce que son père était belge, ou Raymond Devos parce qu’il est né à Mouscron, à la frontière... L’aura des artistes français est intacte chez nous. Et l’accueil est souvent, en avant-première de leurs spectacles par exemple, plus chaleureux que dans dans leur propre pays. Ils le disent tous et ce n’est pas récent. Quand j’ai débuté dans les années 1960, j’ai vu Brassens, Barbara, Aznavour en avant-première à l’Ancienne Belgique de Bruxelles avant qu’ils ne se produisent à Paris ; ils testaient leur tour de chant devant un vrai public (ni acquis, ni snob). Les écrivains, eux, sont toujours étonnés qu’on ait lu leurs livres avant leur interview, car en France cela se fait peu ; on survole souvent les choses.

Propos recueillis par Manon Hombourger

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