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Stress, contraintes, enthousiasme, fierté : l’état d’esprit des professionnels et dirigeants de TPE-PME
©Reuters

Entrepreneurs ambivalents

Les dirigeants de TPE-PME, fleuron de la compétitivité économique, s'expriment à travers l'étude menée par IPSOS-American Express, sur leur vie au quotidien d'entrepreneurs. Partagés entre le stress et l'enthousiasme, ils ne perdent pas néanmoins la fierté d'entrepreneur. Portrait de ces combattants de l'entreprise.

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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Atlantico : Dans la dernière étude Ipsos-American Express, les dirigeants d'entreprise de TPE-PME ont exprimé leur stress dans leur quotidien, à quoi cela est dû principalement ? Un besoin d'accompagnement est clairement exprimé à plusieurs niveaux (juridiques, financières, recrutement...), est-ce un sentiment de dépassement qui nuit au développement de ces entreprises ?

Sophie de Menthon : En ces temps de crise, le dirigent de PME essaie de ne pas trop écouter la radio et de peu lire les journaux ! Il est clair que l’ensemble des médias aujourd’hui accentue considérablement la perception de la crise et le sentiment d’impuissance. On peut d’ailleurs considérer que les chaines d’information en continu sont les principales responsables de ce climat tendu de morosité par des annonces catastrophiques en série. Être en crise est un leitmotiv, se le voir asséner toute la journée est juste insupportable pour le moral. A cela s’ajoute l’accélération du temps des entreprises (de plus en plus rapide, alors que le temps de l’État semble ralentir en matière de réformes annoncées qui ne viennent jamais, sauf pour les impôts nouveaux !) L’utilisation généralisée et massive des nouvelles technologies contribue à amplifier le phénomène. Ne nous le cachons pas, nous sommes face à un problème de civilisation multisectoriel.

Par ailleurs, les exigences administratives pour un chef d’entreprise et les contraintes se multiplient chaque jour. Le sentiment d’être dans un carcan est très fort et d’un autre côté la demande est également plus exigeante ; le client veut une réponse tout de suite par retour de mail, le temps s’accélère et finalement au bout du compte pour rien. Les conditions de travail ne sont pas plus confortables, les choses ne se règlent pas mieux, la patience ne fait ni la rapidité ni l’efficacité et les erreurs se multiplient. Face à ces contraintes forcées, le dirigeant d‘entreprise a de moins en moins le temps de réfléchir.

Comment réfléchit et pense un dirigeant d'entreprise de TPE-PME en ces temps de crise ? Ils expriment le fait qu'ils manquent cruellement de temps et souhaitent pouvoir être déchargés des tâches complexes (administratives et financières), quelles mesures peuvent être mises en place ?

Il semble d’ailleurs que la société ne le lui demande pas. Le pré-pensé a remplacé la réflexion. Les différentes études et sondages prêtent à l’opinion publique des opinions qu’elle n’a pas, ou en tout cas qui sont beaucoup plus subtiles ; la standardisation de la vie professionnelle impose des schémas de plus en plus étroits, la créativité est finalement bridée.

En outre, les déplacements qui se font plus nombreux et plus facilement, délocalisent l’individu dans tous les sens du terme. Les chefs d’entreprise manquent de temps et ils sentent bien que cela nuit considérablement à leur entreprise car de plus en plus leur temps est consacré aux tâches subalternes frustrantes et sans intérêt ; l’administration se complexifie à loisir ainsi que la finance et les modes de calcul de la fiscalité.

Pour arranger tout cela, il y a bien sûr l’informatique de plus en plus sophistiqué ! Le bénéfice finit par en être diminué car se greffe à tous les problèmes du quotidien l’ordinateur qui bug, le réseau qui ne passe plus, le mail qui n’est pas arrivé, l’erreur des destinataires, l’incompréhension du nouveau logiciel, la mise à jour permanente des différentes versions, etc. Aucune entreprise ne peut se passer d’un informaticien qu’on appelle régulièrement en urgence. C’est donc une forme de modernité que les dirigeants d’entreprise subissent même s’il n’est pas question de souhaiter un impossible retour en arrière : toujours plus vite et pas forcément mieux voilà ce que nous vivons.

Finalement, aucune mesure pour pallier tout cela ne peut être mise en place face à cela sinon un process général de simplification. Aujourd’hui quand on dit "mesure", on dit complexité. Le découpage permanent des différentes missions de l’entreprise en tranche de saucisson rend les choses ingérables : les commissions, les comités qui se multiplient et sont supposés analyser les choses ne font que rendre le tout plus pesant.

Pour le Code du travail par exemple, on en parle depuis 15 ans, et rien ne se passe. Dans Atlantico on a publié un feuilleton extrait du "Code du travail pour les nuls" qui contient 450 pages supposé déjà être une synthèse. Nous sommes la risée du monde entier, le tout bien sûr avec 3 millions de chômeurs que l’on pourrait former pour aider les malheureuses victimes de la complexité… C’est ce qu’on appelle la politique de Gribouille !

Simplifier ne semble pas émaner d’une volonté réelle, nous nourrissons en France une machine infernale qui est l’administration.

Face à cela, les patrons se sentent effectivement très seuls et expriment le besoin d‘être aidés à tous les niveaux. Nous en sommes arrivés au stade où ce sont les experts comptables eux-mêmes qui se plaignent de la complexité et pourtant ils devraient être les premiers à se réjouir qu’on leur fournisse ainsi des clients grâce à une charge de travail de plus en plus lourde ! Même eux estiment ne plus pouvoir faire bien leur travail car ils sont noyés dans des détails et les contraintes qui poussent à l’erreur donc à la sanction.

Face à cette difficulté du quotidien, ils expriment encore de l'enthousiasme (27%) et de la fierté de créer des emplois (84%), comment expliquer cette schizophrénie ? En outre, ils sont 60% à être inquiets sur l'avenir en terme de perspectives de croissance, cette donnée peut-elle présager un désengouement  futur pour l'entrepreneuriat ?

Ainsi les chefs d’entreprise sont de plus en plus inquiets du fait qu’on leur mette des bâtons dans les roues en permanence ; inquiets et frustrés de ne pas être vraiment reconnus sauf à l’occasion des discours électoraux. Ils sont soucieux de voir toutes leurs libertés se réduire à peau de chagrin. Ils le sont également de la conséquence de la méfiance qui se traduit vis-à-vis d’eux par des contrôles incessants, ils sont découragés et écœurés que l’on méprise l’argent qu’ils gagnent et que l’on veuille aussitôt leur reprendre au nom de la justice sociale.

Cela donne une véritable schizophrénie, un enthousiasme qui baisse dangereusement (27% des patrons) or sans enthousiasme on ne fait plus rien, l’enthousiasme est le seul tremplin de la prise de risque et pourtant le plaisir d’aimer et développer sa boite

Heureusement cet état de fait s’il nuit considérablement aux patrons français ne déteint pas sur les nouvelles générations. Les jeunes ont toujours le feu sacré, simplement ils rêvent de partir ailleurs pour créer et entreprendre. Ils partent à l’étranger pour des stages et leurs études et il faut s’en réjouir, mais lorsqu’ils reviennent ils r et d’une classe politique dont aucun des dirigeant ne sait ce que c’est qu’une boite !

Toutefois, il reste l’enthousiasme "d’être patron" et j’emploie volontairement le mot patron. Celui qui emmène une équipe avec lui, celui qui recrute (un des plus grands plaisirs de l’entrepreneur), celui qui fait et voit progresser ses salariés, celui qui développe son chiffre d’affaires, celui qui voit l’équipe grossir, les clients se multiplier, ses produits appréciés… C’est  la nature de l’homme d’entreprendre, à quelque niveau que ce soit. On l’a oublié et on ne l’enseigne ni ne l’encourage suffisamment à l’école, pourtant un enfant dès l’âge de 4 ans rêve d’être le patron de son propre destin.

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Méthodologie de l’enquête :     

L’enquête a été réalisée par Ipsos du 24 au 31 mars 2014, auprès d’un échantillon de 401 dirigeants de TPE-PME (entreprises – unités légales – de 1 à 249 salariés). La représentativité de l’échantillon a été garantie par la méthode des quotas appliquée au secteur d’activités, à la taille de l’entreprise et la région d’implantation. 

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