Spécial 8 mars: livres, la relève des femmes<!-- --> | Atlantico.fr
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En cette journée du 8 mars placée sous le signe de la défense des droits des femmes, qu'en est-il de la place des femmes dans le monde des livres ?
En cette journée du 8 mars placée sous le signe de la défense des droits des femmes, qu'en est-il de la place des femmes dans le monde des livres ?
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Tribune

En cette journée du 8 mars placée sous le signe de la défense des droits des femmes, qu'en est-il de la place des femmes dans le monde des livres ? Une grande lame de fond a fait bouger les lignes. Écrits féministes, romancières à succès, essayistes de premier plan, éditrices audacieuses, grandes maisons qui choisissent des directions de femmes... le mouvement est lancé même s'il y a encore beaucoup à faire.

Olivia Phelip

Olivia Phélip

Olivia Phélip est rédactrice en chef de Viabooks.fr et coach professionnel. 

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Chaque année la journée internationale des droits des femmes est l'occasion de nous interroger sur la place des femmes dans notre société et en ce qui nous concerne dans le monde des livres. Cette année, nous avons l'impression que cet espace prend de l'ampleur. #me too est passé par là et la lame de fond commence à porter ses fruits.

Les femmes longtemps frappées d'invisibilité

Pourtant les femmes reviennent de loin. Comme nous le montre Sarah Sauquet, les femmes ont longtemps été frappées d'invisibilité. Son anthologie des écrits féministes oubliés, Un texte Une femme (LibriSphaera), a rassemblé sur plus de 900 pages les textes de femmes depuis l'Antiquité jusqu'au XXe siècle. De nombreuses plumes sont saisissantes de force et de clairvoyance. Et pourtant... il aura fallu attendre la deuxième moitié du XXe siècle pour que les femmes commencent à exister dans la cité.

Les autrices contemporaines en lumière

Les autrices femmes ne font plus figures d'exception. De Virginie Despentes à Delphine de Vigan en passant par Annie Ernaux, Leila Slimani, Chantal Thomas, Sylvie Germain,Camille Laurens ou Yasmina Reza, les écrivaines femmes sont entrées au panthéon de la littérature. Elles sont les dignes successeures de leurs aînées Marguerite Duras, Nathalie Sarraute ou Marguerite Yourcenar. Nous les retrouvons aussi sur le terrain de la recherche littéraire comme Chloé Delaume qui a reçu le prix Médicis 2020 pour Le coeur synthétique (Seuil) et qui n'a de cesse de réinventer l'objet d'écriture. Elles n'hésitent pas à poser la question de l'identité comme Marie NDiaye ( prix Goncourt en 2009 pour Trois femmes puissantes (Seuil) ou Leonora Miano (prix Femina 2013 pour La saison de l'ombre, Grasset). Audacieuses et créatives, ces autrices font bouger les lignes romanesques, comme Sophie Calle l'a fait avec les arts plastiques. Parfois, elles jonglent avec les frontières du récit entre le roman et le scénario de film comme Laetitia Colombani dans La tresse (Grasset) ou Tiffany Tavernier, qui vient avec son dernier livre L'ami ( Sabine Wespieser) de réaliser un magnifique exercice de style à partir d'un fait divers, transformé en voyage au cœur des psychologies et des émotions.

Les femmes savent aussi « vendre » des livres

Contrairement aux idées reçues, les autrices femmes font  « vendre » les livres. Amélie Nothomb incarne le paradoxe d'être abonnée aux grandes ventes commerciales alors qu'elle est aussi reconnue comme écrivaine. De nombreuses plumes féminines comptent de plus en plus dans le paysage des best-sellers : Aurélie Valognes ou Virginie Grimaldi, Valérie Perrin tout comme Tatiana de Rosnay, Katherine Pancol, Agnès Martin-Lugand, Agnès Ledig ou encore Raphaëlle Giordano, auteure de Ta deuxième vie commencera quand tu comprendras que tu n'en as qu'une (Eyrolles) sont abonnées aux gros tirages. 
Les femmes qui écrivent osent parler de leur combat et n'hésitent pas à revendiquer leur féminité. Sorcières et autres fées du désir ont pullulé ces dernières années pour parler du féminin sacré et révéler les clés d'une féminité longtemps cachée. Elles-aussi ont trouvé leur public, qui, contrairement à ce que les hommes ont longtemps pensé, existe. Les acheteurs de livres sont en majorité des lectrices : les éditeurs l'auraient-ils parfois oublié ?

Les femmes savent penser

Les femmes savantes existent et dans la droite ligne d'Hannah Arendt, Simone Weil ou Simone de Beauvoir, les livres leur donnent  l'occasion de le montrer. Les philosophes Elisabeth Badinter, Cynthia Fleury, Sylviane Agacinski, Barbara Cassin ou Camille Froidevaux-Mettrie sont incontournables aujourd'hui. Le temps où il fallait prouver qu'une femme pouvait occuper une place de choix dans la pensée contemporaine est révolu. Ce que cela change ? L'intérêt pour de nouveaux territoires de réflexion sur le genre, le lien, la nature... La question du sens intime, qui fait partie de la trame de réflexion du rabbin Delphine Horvilleur. Celle-ci nous éclaire toujours par ses écrits et apporte une problématique de réflexion qui n'hésite pas à entremêler l'expérience et l'exégèse comme dans son dernier livre Vivre avec nos morts (Grasset).

Du côté des maisons d'édition : la grande féminisation

La révolution la plus notable est probablement celle qui a été entamée depuis quelques années dans le monde de l'édition lui-même. Les Françoise Nyssen (Actes Sud), Isabelle Gallimard (Mercure de France), Sabine Wespieser, Liana Levi ou Héloïse d'Ormesson ont ouvert la voie. Pas un jour sans qu'une nouvelle nomination de femme ne soit annoncée. La plus spectaculaire étant l'arrivée de Michèle Benbunan en novembre 2020 à la direction du groupe Editis (Vivendi), deuxième groupe d'édition en France. Plusieurs autres maisons importantes ont maintenant des femmes à leur tête : Anna Pavlowitch chez Flammarion, Muriel Beyer chez L'Observatoire, Véronique Cardi chez Jean-Claude Lattès, Sophie de Closets chez Fayard, Sophie Charnavel, chez Robert Laffont et Nil, Eléonore Delair aux éditions Mazarine, Vanessa Springora chez Julliard. Citons aussi Marie Pic-Paris-Allavena qui dirige Eyrolles ou encore Karine Balli de Robien chez Leduc...  Ces femmes font souffler un vent d'air frais au sein d'un univers qui avait été longtemps l'apanage masculin dans ses hautes sphères. Ces directrices ne favorisent pas spécifiquement les femmes dans leur catalogue mais les entendent et les reconnaissent. C'est un grand pas.

Les nouvelles pépites féministes

Certaines veulent aller plus loin dans l'engagement féministe à la suite des historiques Éditions des femmes-Antoinette Fouque qui existent toujours. L'ex-directrice éditoriale de littérature étrangère de Buchet/Chastel, Juliette Ponce vient de lancer Dalvaune maison d'édition à la ligne résolument féministe. Ingrid Balazard et Marie Hermann ont fondé Hors d'atteinte dans le même esprit. Même les super stars de la littérature s'engagent. Ainsi, Svetlana Aleksievitch, l'auteure biélorusse, lauréate du Prix Nobel de littérature en 2015, va ouvrir prochainement une maison d'édition littéraire strictement réservée aux femmes. 

Parfois, ce sont des collections au sein d'une maison qui sont créées pour valoriser les femmes. Citons celle qui est très attendue et sera lancée le 8 avril chez Points avec quatre titres dont l’inédit Sororité, rédigé par un collectif de quatorze autrices dirigé par Chloé Delaume. De son côté, le groupe Leduc qui a créé la maison Charleston portée par Danaé Tourrand-Viciana lance sa collection Les Indomptéesqui propose des biographies subjectives de femmes. Beaucoup d'autres illustrations pourraient être citées car les éditeurs surfent tous plus ou moins sur la vague gagnante des femmes.

Femmes, éditrices et entrepreneuses

Aujourd'hui, la dynamique vient aussi des jeunes femmes qui ne trouvent pas la ligne qui leur convient dans les grandes maisons. Elles n'hésitent pas à se lancer et à créer leur structure comme Sophie Caillat qui avec les éditions du Faubourga imposé en peu de temps un style et un regard, avec quelques beaux succès à la clé, comme Corps public, une fiction féministe basée sur des témoignages signée Mathilde Ramadier et Camille Ulrich. Philippine Cruse fondatrice des éditions Herodios vient de souffler sa première bougie et a réussi la prouesse d'affirmer son éclectisme : d'un texte d'Ettore Sottsass à un inédit de VS Naipaul en passant par un livre de cuisine ou un beau-livre accompagné d'un récit poétique signé Serguei le dessinateur du Monde. Certaines osent même se lancer avec un modèle économique original comme Lisa Mandel qui a créé Exemplaire, une maison d'édition participative consacrée à la BD.  

En ce 8 mars, réjouissons-nous de cette grande transformation dans l'univers des livres. Les femmes y sont désormais bien visibles et audibles. Qu'on se le dise : en 2021, les femmes ne font plus de la figuration et leurs livres ne restent plus lettre morte.

Olivia Phélip

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