Sous le matelas ou à la banque : où vaut-il mieux garder son argent ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Savoir où placer son argent est une question que se posent beaucoup de ménages.
Savoir où placer son argent est une question que se posent beaucoup de ménages.
©Reuters

Décod’Eco

Les événements qui affectent Chypre soulèvent des questions plus larges, notamment pour tout ce qui concerne la sécurité et la garantie de vos dépôts bancaires.

Cécile  Chevré

Cécile Chevré

Cécile Chevré est titulaire d’un DEA d’histoire de l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) et d’un DESS d’ingénierie documentaire de l’Institut national des techniques de documentation (INTD). Elle rédige chaque jour la Quotidienne d'Agora, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.

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La taxe sur l'épargne initialement proposée par l'Union européenne pour le sauvetage de Chypre ne sera pas appliquée... mais les événements de ces derniers jours soulèvent un certain nombre de questions qui dépassent la petite île.

Outre le caractère légèrement brutal de la taxe sur les dépôts bancaires souhaitée par la Zone euro – imaginez votre quotidien si tout retrait ou virement vous était interdit du jour au lendemain et votre compte bancaire directement ponctionné par l’Etat… – ce qui a soulevé l’indignation généralisée c’est le non-respect de la règle des 100 000 euros.

En Europe, les dépôts sont garantis à hauteur de 100 000 euros. La taxe qui prévoyait un prélèvement de 6,75% sur les dépôts inférieurs à 100 000 euros mettait à mal cette garantie, et a fait craindre un mouvement de panique bancaire sur l’île… et des effets délétères à long terme pour tout le système bancaire européen. Car s’il y a bien une chose que personne ne souhaite, c’est que le citoyen européen se mette à avoir peur de confier son argent aux banques.

Mais au fait, qu’est-ce que la garantie de dépôts bancaires ?

Cette garantie a été inventée aux Etats-Unis, en 1933, pendant la Grande Dépression pour inciter les Américains à laisser leurs économies dans leurs banques. Il faut dire qu’un tiers des banques ne s’était pas relevé du Krach de 1929 et de la récession qui avait suivie.

Nombre d’Américains y avaient perdu leurs économies et préféraient conserver leur argent sous leur matelas plutôt que dans un coffre dont le contenu pouvait s’évaporer dans la nuit.

En 1933 est donc créé une agence fédérale, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), qui assure la garantie des dépôts et des principaux produits d’épargne. Elle garantit 100 000 dollars par déposant et par institution financière et se finance en achetant des bons du Trésor (oui, vous avez bien lu, la FDIC gagne de l’argent en en prêtant à l’Etat fédéral, rassurant, non ?) et grâce à des primes d’assurance.

En principe donc, l’Etat fédéral n’intervient pas directement dans le financement de la garantie des dépôts. C’est pourtant ce qui s’est passé lors de la faillite de la banque Indimac en 1998.

L’idée d’une garantie des dépôts, qui a permis de maintenir à flots le réseau bancaire américain pendant la Grande Dépression, a ensuite été reprise par la plupart des pays.

Une parenthèse au passage : pourquoi les banques ont-elles besoin de votre argent ?Une des principales activités des banques, c’est de transformer vos dépôts ainsi que votre épargne à court terme en des prêts à plus long terme (prêts immobiliers, assurance vie, etc.). Les banques ont donc besoin que vous leur accordiez assez de confiance pour leur confier votre argent. D’où la garantie des dépôts.

Et en France ?

En France, la garantie des dépôts est assurée par le Fonds de garantie des dépôts (FGD), créé en 1999. Il garantit vos dépôts (comptes bancaires) ainsi que les principales formes d’épargne (comptes bancaires rémunérés, plan d’épargne logement, livrets etc. mais pas vos SICAV) jusqu’à 100 000 euros par déposant et par établissement.

Quelques exemples concrets :

- imaginons que vous avez 90 000 euros sur votre compte chèque et 22 000 euros sur un autre compte dans une banque A, en cas de faillite de cette banque, vous ne récupérerez que 100 000 euros puisque le calcul se fait sur la totalité des dépôts que vous avez dans une banque.
- Par contre si vous avez 90 000 euros sur votre compte chèque dans la banque A et 22 000 euros  dans la banque B, et que ces deux banques font faillite (ce qui serait pas de chance), vous serez entièrement remboursé, puisque le plafond est fixé à 100 000 euros par établissement.
- Enfin, si vous possédez un compte-joint avec votre moitié, et que vous avez eu l’idée saugrenue d’y déposer 200 000 euros, chacun d’entre vous sera remboursé de 100 000 euros, puisque la garantie s’applique à chaque déposant.

Le FGD est financé directement par les banques qui, chaque année, lui verse une contribution obligatoire. Aujourd’hui, il dispose donc d’environ 2 milliards d’euros de capacité d’intervention, soit 20 000 dépôts de 100 000 euros.

Sachant que :
- 99% des Français ont un compte bancaire
- 85% des ménages possèdent au moins un livret d’épargne
- plus de 60 millions de Livrets A sont actuellement ouverts
- plus de 30% des ménages possèdent un produit d’épargne logement
- 42% d’entre eux possèdent une assurance vie
- et que selon la Banque de France, le total des dépôts atteignait 1 809,6 milliards d’euros en décembre 2012…

… que valent les 2 milliards du Fonds de garantie des dépôts ?

Un rapide calcul vous permettra de vous rendre compte que le FGD n’est pas calibré pour faire face à une importante faillite bancaire, ou à une succession de faillites de moindre importance.

Quel est le véritable danger ?

Une banque peut-elle faire faillite ? Oui… l’histoire récente nous l’a prouvé même si la faillite n’est pas toujours annoncée comme cela. Mais pensez à Lehman Brothers, à Dexia, aux banques irlandaises qui ont été nationalisées. Aux bad banks qui ont été créées dans tous les pays européens pour endosser les actifs pourris des banques. Aux banques espagnoles qui ont nécessité un plan de sauvetage européen. Aux banques grecques et chypriotes qui sont portées à bout de bras par l’Europe et les aides gouvernementales.

Le problème, c’est que ces dernières années, le bilan des banques a explosé. Le ratio entre leurs fonds propres (leur capital) et leurs actifs en cours (prêts aux particuliers ou entreprises, prêts à d’autres banques, obligations, produits dérivés, etc.) s’est envolé. Dans les années 20, les banques américaines détenaient 4,5 dollars à 5 dollars d’actifs pour 1 dollar de capital.

Dans les années 70, le ratio est passé à 10-12 dollars d’actifs pour 1 dollar de capital et en 2008, c’est en moyenne 30 dollars d’actifs qu’elles détenaient pour 1 dollar de fonds propres. Et la proportion était à peu près la même pour les banques européennes. Aujourd’hui encore, une banque réputée comme bien capitalisée comme JP Morgan affichait fin 2012 2 359 milliards de dollars d’actifs et seulement 146 milliards de capitaux. Soit 16,2 fois plus d’actifs que de fonds propres.

Qu’est-ce que cela signifie ? Que les banques se sont lancées dans des paris de plus en plus risqués qui les fragilisent. Vu les ratios fonds propres/actifs pratiqués aujourd’hui, il suffit que la banque encaisse une perte de plus de 3% sur son portefeuille de prêts pour que ses fonds propres soient détruits, qu’elle fasse faillite et que le système entier soit bouleversé. Et au vu des sommes en jeu, la garantie des dépôts ne suffira pas à protéger votre argent.

[Comment réagir face à de telles menaces ? Retrouvez les conseils de Cécile Chevré et son équipe tous les jours dans La Quotidienne d'Agora : il suffit d'un clic...]

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