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SOS storytelling : l’Europe peine à écrire le roman de son identité...
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Panne d'inspiration

Sans mythe fondateur, l'Union européenne n'a ni histoire, ni avenir. Absence de cohésion et de convergence forcent les 27 à faire du surplace... Si ce n'est à disparaître complètement si on ne réagit pas.

Jean-Luc  Sauron

Jean-Luc Sauron

Jean-Luc Sauron est professeur associé à l'Université Paris-Dauphine.

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La situation actuelle montre à l’évidence que les Européens n’arrivent à se projeter dans un avenir partagé. La simple lecture d’une carte de l’Union européenne suffit à discerner l’absence de cohésion ou de convergence des histoires nationales des 27 Etats membres de l’Union. Tout se déroule comme si, en dehors des Six Etats fondateurs, les différents élargissements n’avaient jamais réussi à donner corps à une communauté de destin. C’est sans doute pour cela qu’inconsciemment la Communauté européenne s’est transformée en Union européenne.

Après les rencontres entre le général de Gaulle et le chancelier Adenauer ou la poignée de mains Mitterrand-Kohl devant le mausolée de Douaumont, les réunions de « Merkozy » ou les « photos de classe » de fin de Conseil européen ne frappent pas autant l’imagination. Il n’existe ni roman fondateur, ni film mythique sur l’histoire européenne. Quel serait l’équivalent européen de Naissance d’une nation de D. W. Griffith ? Près de soixante années de "concubinage" n’ont pas permis aux nations européennes de se donner une histoire ou un avenir communs. Le logo choisi pour le cinquantième anniversaire du traité de Rome "together since 1957" est à l’évidence simplificateur, voir mensonger concernant les pays d’Europe centrale et orientale. Ne correspondant pas à la réalité vécue ou ressentie par les Européens, l’Union reste une structure bureaucratique sans accroche populaire. Pas d’aventure collective où chacun puisse se reconnaître comparable à l’arrivée du Mayflower ! A la place des bustes gravés des pères fondateurs dans le Mont Rushmore, l’Union européenne dessine sur les billets d’euro des monuments imaginaires, comme s’il fallait à tout prix éviter un enracinement quelconque. C’est une Europe sans identité spatiale à laquelle les institutions européennes et les gouvernements des Etats membres espèrent voir adhérer les Européens.

Qui pourrait écrire le roman de l’Europe en ce début de XXIème siècle ? Les visionnaires se font rares, remplacés par des intellectuels et des politiques à la recherche de "coups médiatiques", ayant peur de ne pas être de l’appel qui marquera le redémarrage de l’aventure ou de ne pas être le premier à avoir prononcé la formule féconde dont sortira l’Europe régénérée ! Mais aucun de ces appels n’a derrière lui de mouvement de masse. Or ce qu’un petit nombre d’hommes ont réalisé (Jean Monnet, Robert Schuman, Alcide De Gasperi, Paul-Henri Spaak, etc…) n’est plus aujourd’hui possible. Il ne suffit plus d’avoir raison à très peu pour entraîner nos concitoyens vers le bouleversement souhaité… par cette même minorité agissante. La complexité de nos sociétés et leur "émiettement" entre des centaines de "niches3 sociales et identitaires particulières rend impossible à une minorité de forcer le destin. Les pro-européens n’ont ni perspectives, ni troupes. Ils n’arrivent pas à mobiliser au-delà d’un cercle restreint. Le projet fédéraliste est réduit à un mécano institutionnel entre Bruxelles et les Etats membres sans contenu perceptible touchant à la vie quotidienne des Européens ou à l’avenir de leurs enfants.

L’Europe a-t-elle-même une identité ? La chose est moins évidente qu’il n’y paraît. Religieusement, elle n’a jamais été une. Les trois monothéismes sont associés depuis plus d’un millénaire à son histoire. Et quel rapport existe-t-il entre un luthérien suédois et un grec orthodoxe ? 23 langues officielles et autant de chemins culturels. 

L’Europe de 2012, celle d’institutions inadaptées et vieillies, n’a pas de projet d’avenir, c’est-à-dire mesuré à l’aune d’une génération. Beaucoup attendent la croissance, mais ni une communication de la Commission européenne, ni une résolution du Parlement européen ne suffiront à la faire venir. 

Le romancier de l’Europe, pour commencer à écrire son roman, doit savoir où il veut en venir et ce qu’il veut faire faire à ses personnages. Qui peut prétendre que l’Union européenne et ses Etats membres travaillent à un scénario sur l’avenir du continent ? Réduite à une succession de sommets de la dernière chance, l’aventure européenne survit plus qu’elle ne prépare son avenir. Les nations perdurent du fait de l’histoire passée qui les fondent. L’Europe, sans racines, tarde à écrire son futur. La mondialisation apprendra très facilement à fonctionner sans l’Union européenne. Ce ne sera pas la première civilisation que ce continent aura vu disparaître.

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