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SOS modèle social français en danger ? 2 doigts de raison, une dose de névrose collective
©Sameer Al-Doumy / AFP

SOS

Un récent sondage publié par ViaVoice explique que 7 français sur 10 sont inquiets pour l'avenir du système de santé. Pourtant, bon an mal an, il est toujours là. D'où vient cette inquiétude permanente des Français face au prétendu déclin du modèle sociale ?

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

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Atlantico : En quel état est notre système de santé actuel ? Comment redonner espoir en ce système ? Faites-vous parti de ces français inquiets ? Comment palier à ces inquiétudes ?

Guy-André Pelouze : Il n’y a pas de système de santé. La santé dans nos sociétés développées repose essentiellement sur nos comportements; en effet nous avons construit toutes les infrastructures de prévention qui permettent de vivre en santé: alimentation, eau potable, eaux usées, diminution de la pollution de l’air, sécurité et motorisation voire robotisation du travail, habitat sain et chauffé, infrastructures de loisirs. Nos comportements génèrent par contre des prises de risque (tabac, alcool, obésité, sédentarité) qui détériorent notre capital santé et sont à l’origine de nombreuses maladies.  C’est pourquoi il y a un système de soins. La maladie quand elle survient nous conduit à utiliser un réseau très sophistiqué qui produit des biens et des services qui ont trait à la médecine. Les français continuent à être correctement soignés, il serait démagogique de le nier comme il est erroné de dire que les hôpitaux n’ont rien pour soigner ou que les cliniques ne soignent que les riches. Il y a une différence entre être conscient des énormes difficultés et défis du système de soins français et prêcher l’apocalypse. Laissons cela à ceux qui n’ont comme objectif que d'augmenter les “moyens” sans se préoccuper des résultats. 

Mais voilà les classements métrologiques des systèmes de soins et les enquêtes d’opinion démontrent que nous régressons. Simplement parce qu’il y a différentes pénuries qui s’installent. Le temps médical, les délais d’imagerie ou de consultation spécialisée, le manque de  chirurgiens et d’anesthésistes, des tensions voire des ruptures d’approvisionnement sur quelques spécialités pharmaceutiques. Il y a aussi le déficit de management à l'hôpital, son endettement de 30 milliards, des financements à trouver en matière d’innovation organisationnelle et de nouveaux traitements.
Or pour toutes ces difficultés le système de soins français n’a aucune échappatoire, il faut passer par l’état. D’où les rigidités et, disons le, les mauvais choix. Ne compter que sur la contrainte réglementaire ou budgétaire et pas sur la concurrence et l’innovation organisationnelle est un frein insurmontable.

Dans ces questions qui touchent à la vie, à la qualité de vie et à la maladie il faut être responsable et factuel. Il ne sert à rien d’essayer de cacher sous le tapis que notre système bâti autour d’intentions nées au lendemain de la deuxième guerre mondiale ne correspond plus du tout au fonctionnement de la société actuelle. Il ne correspond pas plus aux modes de consommation ou d’évaluation des besoins en soins que les Français ressentent. On comprend dès lors que ceux qui s’arc-boutent ou qui sautent comme des cabris en répétant « conseil national de la résistance » alors qu’ils ne l’ont jamais connu sont les pires conservateurs et en réalité ceux qui ont naufragés le système pendant les quatre derniers mandats présidentiels. Il est urgent de consacrer les moyens de l’assurance maladie à s’adapter pour mieux soigner. Dans ce contexte on peut observer que l’état ne peut pas tout faire et en particulier tout rembourser, tout administrer et en même temps être l’arbitre et le garant.  En revanche il ne sert à rien d’être alarmiste, des français souffrent et demandent des soins, il faut les respecter en disant la vérité mais aussi affirmer que nous avons des soins de grande qualité. 

Supprimer le numerus clausus est une décision importante et courageuse

Le président Emmanuel Macron a tenu sa promesse électorale de suppression du numerus clausus; sur ce point il aura fait beaucoup plus que tous les plans passés et jamais évalués. Toutefois, compte tenu de la structure très verticale de la société française, un énorme handicap à notre époque, il faut se méfier des effets pervers de droite ou de gauche visant à empêcher que cette liberté de formation soit appliquée. C’est là que le rôle d’un ministre technicien de l’application des réformes est important. C’est aussi une question de responsabilité des facultés de médecine. Ainsi Emmanuel Macron a libéré la médecine d’une oukase technocratique qui a nui au pays. 

Mais pourquoi ne pas appliquer cette recette aux autres maillons de la chaîne de soins? 

300 hôpitaux sur 1304 accumulent 30 milliards de dette, il ne faut pas les récompenser! 

Il eut fallu aller plus loin pour que par exemple la crise de gouvernance des hôpitaux puisse trouver une solution. Les hôpitaux ont besoin d’une autonomie totale, de leadership et d’un statut d’entreprise publique qui les mettent dans des conditions favorables à leur développement mais aussi face à leurs responsabilités financières. Sans cela les rallonges budgétaires ne produiront que plus de demande sans aucun retour. Les cliniques, commerciales ou non, sont beaucoup mieux gérées que nos hôpitaux, coûtent moins cher, atteignent un dialogue social apaisé et produisent des soins de qualité. En grande partie parce que leur management est en responsabilité.

L’assurance-maladie de la sécu est un monopole figé et technocratique qui mérite des concurrents. 

Tiraillée entre l’État, les syndicats et son idéologie native de redistribution elle n’arrive pas à entrer dans le monde de ses cotisants. Celui de la consommation de soins, celui de l’innovation permanente, celui du nécessaire équilibre financier. Et les pisse froid qui nous ont annoncé avec arrogance tous les ans que le système de soins ne pouvait pas être en excédent financier sont bien marris que les pays dont les comptes sociaux sont en excédent, notamment ceux de l'assurance maladie d’état, nous doublent allègrement dans les classements. Il y a des solutions simples et efficaces. L’autonomie des caisses régionales (nous avons maintenant des régions de taille suffisante), la mise en concurrence des caisses et des assureurs mutualistes ou commerciaux permettront aux français d’être mieux soignés grâce à une révolution de l’offre comme cela a été prouvé dans tant d’autres domaines. La gabegie diminuera et la solidarité sera renforcée par la baisse des coûts. De surcroît l’assurance maladie sécu se réformera toute seule.

La solution n’est pas plus d’état c’est plus de concurrence pour que l’innovation organisationnelle et les nouvelles technologies améliorent l’accès aux soins. Or il n’y a plus de mécanisme de marché dans le système de soins. Le résultat est devant nous, inadaptation de l’offre et de la demande, pénurie et baisse de la qualité des soins. 

Les français reprendront confiance quand ils verront des résultats. Il faut faire confiance aux professionnels du soin, de l’assurance et aux gestionnaires des entreprises c’est à dire ouvrir le système à la dynamique d’une économie sociale de marché. C’est la voie étroite mais efficace entre solidarité, efficacité et équilibre économique choisie par nos voisins européens, l’Allemagne, les Pays Bas, la Suisse et d’autres. Personne n’est laissé sur le bord du chemin et l’état doit en être garant mais il ne peut pas être l’opérateur du système car il n’y parvient tout simplement pas.

Capital santé et système de soins
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La santé individuelle est d’abord un capital personnel que l’on détériore plus ou moins en fonction des conditions de vie.

Les infrastructures collectives ont permis de prévenir les grandes causes de mortalité. 

Eau potable, traitement des eaux usées, diminution de la pollution de l’air, production agricole, sécurité alimentaire, habitat sur et chauffé, sécurité et mécanisation du travail ont éradiqué la famine, les épidémies, la mortalité néonatale, les accidents et morts dus aux risques du travail et le décès précoce des personnes âgées. Ce sont les causes directes de l’extraordinaire allongement de la vie depuis le début de l’industrialisation. 

Dans un pays développé, aujourd’hui, les décès prématurés ou évitables sont déterminés largement par notre choix de prendre des risques. Tabac, alcool, drogues, obésité, sont à l’origine de nombreuses maladies dont certaines ne sont pas encore curables. C’est la principale raison du ralentissement de l’espérance de vie.

Le système de soins est un ensemble de producteurs de biens et services médicaux qui permettent le diagnostic d’une maladie et son traitement quand c’est nécessaire
ou tout simplement possible.

De nombreuses maladies guérissent spontanément grâce à nos défenses naturelles, par exemple le rhume, qui peut être causé par plus de 200 virus. Le système de soins est aussi confronté à des maladies que l’individu n’a nullement provoqué comme les maladies génétiques.

L’histoire de la médecine est l’histoire de l’innovation thérapeutique, c’est pourquoi l’investissement est le moteur de l’amélioration du système de soins. L’individu soigné revient à un niveau de santé acceptable quand l’innovation thérapeutique permet de le guérir. Pour autant le soin a toujours une vertu essentielle celle de soulager et d’accompagner. Dans tous les cas au delà de la guérison la santé dépend à nouveau principalement des choix de vie.

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Y a-t-il de réelles raisons de s'inquiéter ? D'où vient cette inquiétude permanente ? Qu'est-ce qui l'alimente?

Jacques Bichot : L’inquiétude vient d’abord de la difficulté rencontrée par beaucoup de personnes lorsqu’elles cherchent à obtenir un rendez-vous chez un médecin, généraliste ou spécialiste. Les Français sont victimes du numérus clausus délirant instauré à une certaine période par les pouvoirs publics. Que l’on ne veuille pas laisser accéder en seconde année de médecine tous les étudiants ayant suivi les cours de première année est normal : le pays a besoin de bons médecins, et la sélection est le moyen dont disposent les autorités pour avoir presque uniquement des professionnels compétents. Mais de 8 500 étudiants admis en seconde année de 1972 à 1978, on est passé à des effectifs compris entre 3 500 et 4 000 de 1988 à 2 001 ! Une erreur magistrale !

Heureusement, ce numérus clausus est ensuite remonté, et depuis 2006 le nombre de 7 000 étudiants en seconde année de médecine est atteint et dépassé. Mais le déficit, c’est-à-dire le nombre des médecins qui auraient raisonnablement dû être formés pendant le quart de siècle 1980-2005, et qui ne l’ont pas été, se situe dans une fourchette de 70 000 à 100 000. On a dénombré en France 226 000 médecins en activité au 1er janvier 2018 ;  si nos gouvernements n’avaient pas fait une sottise monumentale, nous en aurions largement 300 000, et la difficulté qu’éprouvent nos concitoyens à se faire soigner n’existerait pas.

La pénurie organisée par les sortes de bolchevicks de droite comme de gauche qui nous ont trop longtemps gouverné est en fait encore plus importante que ces chiffres, pourtant spectaculaires, ne le donnent à penser. En effet, en 1972 la France était peuplée de 51,5 millions d’habitants, avec une forte proportion de jeunes du fait du baby-boom des années 1945 à 1969, tandis qu’aujourd’hui elle compte 69 millions d’habitants, dont une proportion nettement plus importante de personnes âgées, lesquelles ont davantage besoin de soins que des personnes de 20 ou 30 ans. 

Ajoutez à cela que la profession médicale s’est fortement féminisée, et qu’en moyenne une femme médecin souhaite consacrer à son métier moins d’heures qu’un médecin de sexe masculin, et vous comprendrez pourquoi la France, qui devrait envoyer une partie de ses médecins dans les pays sous-développés qui en manquent cruellement, fait exactement l’inverse : ses hôpitaux, notamment, font venir des praticiens du Tiers-monde, accentuant la pénurie qui existerait déjà naturellement dans bon nombre de ces pays. 

Certes, notre honneur est un peu sauvé par des associations de médecins généreux. Pour ne pas se limiter à la plus connue, Médecins sans frontières, citons une petite association, Action Mongolie, composée de médecins français bénévoles qui prennent sur leurs vacances pour aller améliorer le système de soins de ce pays encore largement peuplé de nomades. Mais ces beaux exemples ne suffisent pas pour supprimer le scandale de notre dépendance aux médecins importés, notamment de l’Afrique francophone et d’Europe de l’Est. Il y a là une vraie déficience de la France, dont ne pouvons qu’avoir honte.

Guy-André Pelouze : Dans l’univers des peurs qui s’est installé en France à la faveur d’une très faible croissance économique et de l’incapacité de l’État à assumer ses fonctions régaliennes, les Français constatent certains dysfonctionnements dans leur vie quotidienne. Les dysfonctionnements du système de soins sont relativement récents mais ils touchent à l’essentiel c’est-à-dire la capacité à guérir d’une maladie. C’est donc une inquiétude légitime.

À côté des inquiétudes basées sur des faits il y a chaque jour les prédictions que peuvent faire des experts (ou des activistes) sur différents sujets, l’énergie, le climat, l’espérance de vie, l’économie.

Il n’est pas simple, de faire le distinguo entre ce qui relève de faits observables et ce qui relève de modèles prédictifs. Souvent les prédictions sont présentées comme des faits! C’est un réel problème qui aggrave la perception des français. 

Pour autant il y a un effet cumulatif qui provoque inquiétude, peur et même dépression.

Les français observent que l’état faillit dans sa mission concernant le système de soins par exemple en étant incapable d’assurer un service public des urgences ou bien d’avoir dans un délai raisonnable un rendez vous avec un médecin ou bien de se procurer certains médicaments. Or l’état est aux manettes de tout le système de soins depuis l’étatisation complète des ordonnances Juppé. C’est la réalité.

Voyons ce qui est observable dans les dysfonctionnements du système de soins.

Le fait observable le plus significatif est la diminution du temps médical. 

Les causes sont multiples et elles ont été décrites à plusieurs reprises dans Atlantico. La première est l’obstination planiste du gouvernement pendant plus de 40 ans à maintenir un numerus clausus des étudiants en médecine dans le but hypothétique de limiter les dépenses de soins. Cette obstination incroyable est un des grands échecs de l’administration française et de la classe politique. Il y avait pourtant de meilleurs choix possibles, à portée de main. Les dépenses inutiles ou les dépenses non essentielles abondent dans la liste incroyable des biens et services remboursables par l’assurance maladie de la sécu. Renvoyer tout ce qui n’est pas essentiel à des choix personnels aurait conduit à maintenir un niveau de fonctionnement correct du système de soins. 

Comment la réduction des dépenses inutiles et la liberté de former des médecins aurait amélioré la qualité des soins?

– sans numerus clausus  le nombre de médecins formés auraient partiellement ou totalement compensé la féminisation et la diminution du nombre d’heures travaillées par un médecin généraliste 

– une partie de l’argent dépensé dans les cures thermales, les indemnités journalières extravagantes, les transports dits médicaux et tout un tas d’autres biens et services remboursables qui n’ont aucun intérêt, aurait pu être investi dans la technologie et en particulier l’imagerie médicale (Scanners,IRM) qui permet de soigner plus vite et mieux, de faire moins d’erreurs et au final d’améliorer l’efficacité du système.  

– l’assurance-maladie aurait aussi pu consacrer des dépenses à la modernisation du fonctionnement interne évitant aux professionnels la prise en charge consommatrice de temps de procédures qui n’ont rien à voir avec leur rôle médical. La bureaucratie a envahi le fonctionnement médical et ces procédures dont l’assurance-maladie est auto prescriptrice n’ont aucune efficacité. En revanche un dossier électronique “qui marche” permettrait de sauver des vies en urgence et de mieux soigner en ambulatoire et en hospitalisation. 

Bien évidemment il y a d’autres causes à ces dysfonctionnements.

L’inquiétude des Français est par ailleurs renforcée par les messages lénifiants de toute la classe politique qui considère à l’unisson que notre système de soins est le meilleur du monde ce qui est faux et trompeur. Comme d’habitude, ne pas dire la vérité pour juste gagner quelques voix aux élections, conduit à des faux-semblants et aggrave la crise de confiance des Français vis-à-vis du pouvoir politique. En réalité les Français ont raison de s’inquiéter de l’évolution du système de soins car depuis quatre mandats au moins les plans adoptés ont abouti à une poursuite de la détérioration.

Est-ce un problème lié à l'Etat providence ? A notre système politique qui s'essouffle ? Quelle est la responsabilité des élites politiques et technocratiques là-dedans ?

Jacques Bichot : La mauvaise gouvernance de l’Etat providence français porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Des technocrates plus idéologues que gestionnaires ont impulsé des politiques malthusiennes dans divers domaines comme dans celui des effectifs de médecins. Prenons l’exemple du nombre des lits d’hôpitaux : pendant plusieurs décennies, ces technocrates et les politiciens pas très intelligents qui les appuient ont eu une marotte : la diminution du nombre de lits dans les hôpitaux. Ils croyaient dur comme fer que chaque lit représente un coût important, indépendamment de son utilisation, et qu’en fermant des lits on ferait des économies. Cette croyance est une des origines de la crise des urgences, avec ses myriades de personnes malades ou accidentées installées dans les corridors et les salles des pas perdus, soumises à un passage incessant et à une promiscuité affolante. 

Certes, ce n’est pas le président de la République ni le Premier ministre qui doit être en première ligne pour améliorer la gestion du système sanitaire. Mais c’est à eux, avec les ministres en charge de la santé et de la sécurité sociale, et en s’appuyant sur l’expertise de la Cour des comptes et des corps d’inspection, de regarder si la gestion d’un secteur aussi important pour la vie des Français ne laisse pas trop à désirer, et si le rapport qualité/prix du système de santé est satisfaisant. 

L’édition 2019 des comptes de la santé chiffre à 203 Md€ la dépense de santé dans notre pays. Cette dépense reste très peu à la charge directe des ménages : l’assurance maladie de la sécurité sociale en finance 78 %, et les complémentaires santé (mutuelles, institutions de prévoyance, compagnies d’assurance) en prennent en charge 13,4 %. Cela fait de la France le pays de l’OCDE où la part de la dépense publique dans la « consommation de soins et de biens médicaux » est la plus importante. Dans un sens, c’est très bien : en France, il n’est pas nécessaire d’être pécuniairement à son aise pour être soigné et, dans la majorité des cas, correctement soigné. Mais toute médaille a son revers : la pression des consommateurs de soins sur le rapport qualité/prix des dits soins est assez faible. Si nos frais de déplacement étaient remboursés par la sécu, n’aurions-nous pas tendance à y aller gaîment ? Un point d’équilibre doit être trouvé entre l’impératif d’accès de chacun aux soins dont il a besoin, et la nécessité de ne pas gaspiller. 

Comment lutter contre cette perception ? Etes-vous optimiste quant à l'avenir ?

Jacques Bichot : Eviter les dérives de l’Etat-Providence n’est pas chose facile en matière de santé. Ce n’est pas comme l’assurance vieillesse : pour les pensions, une vérification de l’existence du retraité est nécessaire et possible, si bien que le « coulage » qui existe en la matière est inadmissible. Pour l’assurance maladie, en revanche, il est impossible de vérifier que toute personne qui va chez le médecin a une bonne raison de le faire. De plus, un check-up régulier peut éviter de ne découvrir que trop tardivement des pathologies qui auraient été bien mieux traitées, et de manière moins onéreuse, si le dépistage avait été précoce. Il faut donc trouver un point d’équilibre raisonnable entre le traitement du moindre bobo par un médecin ou un infirmier ou un kinésithérapeute, et le recours trop rare à la médecine, qui peut déboucher sur de graves affections. Une partie importante de la solution passe probablement par l’éducation sanitaire de la population : une bonne culture dans ce domaine pourrait éviter bien des appels inutiles à l’institution médicale, et aussi éviter des non-recours qui se révèlent en définitive désastreux pour la personne malade ou blessée et très coûteux pour la sécu. 

En somme, la formation de tout un chacun aux questions de santé est, non pas la solution miracle, mais probablement un moyen efficace pour maximiser le rapport efficacité/coût des actes médicaux et paramédicaux. Nous avons collectivement entre nos mains la responsabilité de la santé et du coût des actions à réaliser pour la protéger et la rétablir. Comme chacun, à de rares exceptions près, souhaite rester en bonne santé aussi longtemps que possible, c’est un domaine dans lequel l’appel à la responsabilité personnelle, appuyé sur des méthodes de formation efficaces, devrait pouvoir porter pas mal de fruit. L’hygiène de vie et la culture sanitaire des citoyens pourraient bien être les meilleurs alliés des comptes de la sécu !

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