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Sortir la politique française de la préhistoire : leçon 5 - Faire participer les foules
©Reuters

Série militantisme

Face à l’essoufflement des stratégies de campagne classiques, les partis doivent réinventer le sens du militantisme. Voici le cinquième volet de notre série sur les expériences américaines qui pourraient nous inspirer.

Amélie de Montchalin

Amélie de Montchalin

Amélie de Montchalin  diplômée d'HEC et de la Harvard Kennedy School. Elle participe au groupe de réflexion la Boîte à idées.

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 La Boîte à idées

La Boîte à idées

La Boîte à idées est un groupe de réflexion. Composée de hauts fonctionnaires et d'experts du secteur privé, elle émet régulièrement des propositions afin de peser sur la ligne politique de l'UMP.

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Lire les autres épisodes :

Sortir la politique française de la préhistoire : leçon 1 - A quelle heure irez-vous voter ?

Sortir la politique française de la préhistoire : leçon 2 - Être ou ne pas être électeur

Sortir la politique française de la préhistoire : leçon 3 - Big brother is watching you

Sortir la politique française de la préhistoire : leçon 4 - La force de l’habitude

En France, comme dans la plupart des pays occidentaux, la force de frappe des partis politiques est souvent évaluée à l’aune du nombre de militants ou d’élus « encartés ». On sait pourtant que les stratégies de campagne gagnantes ne sont pas celles qui se contentent de mobiliser des militants déjà acquis, mais plutôt  celles qui permettent de gagner les voix d’électeurs indécis dans des zones stratégiques.

Les deux stratégies ne sont bien entendu pas exclusives. Mais pour toucher ces indécis, les partis doivent repenser leurs priorités. Puisque désormais, le seul nombre de « cartes » ne gage plus de la capacité à monter en puissance lors de scrutins clés, et encore moins de la possibilité de répondre aux besoins très localisés de tel ou tel candidat, c’est la notion même de militantisme qu’il faut réinventer, pour sortir du cercle des fidèles, et organiser des réseaux de volontaires et sympathisants prêts à agir lors de phases électorales à fort enjeu.

Les Etats-Unis illustrent bien le recul des formes traditionnelles d’engagement politique. Les partis ne font plus le plein : là où, en 2004, près de 70% des Américains sondés s’identifiaient clairement à l’un des deux grands partis – Républicain ou Démocrate – ils sont moins de 55% à le faire encore en 2014. De même, la participation aux élections primaires est sur le déclin : quand près de 20% des Républicains autorisés à participer aux primaires votaient dans les années 1960, ils n’étaient plus que 8 % en 2010. Paradoxalement, c’est pourtant dans ce contexte que semblent se développer d’autres formes d’engagement très puissantes.

Du crowd-funding au crowd-militanting

Témoin de ce renouveau, l’ampleur prise par le crowdfunding – littéralement : « financement par les foules » - lors des campagnes de Barack Obama en 2008 et 2012. En 2012, tous partis confondus, 2,5 millions d’Américains ont fait un chèque de moins de 200 dollars pour participer à la campagne de leur candidat favori : un record historique. Un phénomène qu’Obama a réussi à bien mieux exploiter que ses opposants. Ainsi, ces « petits donateurs » ont représenté près du tiers de la levée de fonds du Président sortant en 2012 auprès des particuliers ($233 millions de dollars sur un total de $715 millions), contre 17% du total pour Mitt Romney ($79 millions sur $443 millions).

Mais le crowdfunding est plus qu’un simple moyen de financement. La deuxième force du procédé, souvent méconnue, est de permettre la constitution de bases de données et d’un vivier de sympathisants prêts à se mobiliser pour la victoire.

Obama aurait ainsi gagné en 2008 grâce à une hausse inédite de la participation électorale de pans entiers de la société qui ne se rendaient habituellement pas aux urnes (avec en particulier, par rapport à 2004, + 2 point chez les Afro-Américains – lesquels ont voté à 96 % pour lui, et + 1 point chez les jeunes, qui l’ont soutenu également à 54 %). Cette mobilisation est le résultat d’un redoutable bouche à oreille local, animé par des armées de volontaires, souvent identifiés après qu’ils ont fait un don en ligne.

Ces volontaires se sont ensuite auto-organisés, grâce à  des outils accessibles en ligne (argumentaire, scripts pour faire du porte-à-porte, plans de quartiers à démarcher, zones de tractages etc.) Ils disposaient d’un guide pour agir de façon autonome, sans que ne soit nécessairement identifié un responsable de zone. Le succès de la campagne d’Obama a ainsi démontré la puissance des foules, mais aussi la pertinence d’une stratégie de campagne participative, en rupture avec les stratégies traditionnelles, établies en secret et reposant sur la mobilisation d’un appareil militant fidèle et rompu à l’exercice.

Identifier les swing states

En France, si les méthodes de campagne ont relativement peu évolué jusqu’à maintenant, les partis politiques auraient tort de ne pas tenter de mobiliser beaucoup plus activement leurs « sympathisants » dans des zones clés à forts enjeux.  

Pour ce faire, il leur faudrait opérer plusieurs changements radicaux dans leur stratégie. Première révolution : l’identification par les QG de campagne de zones clés à cibler prioritairement – pour savoir par exemple où se trouveront les « swing states » en France en 2017.

Deuxième révolution à mener, celle de l’implication des sympathisants dans la campagne. Celle-ci passerait notamment par le partage du plan de bataille, pour leur donner une vision des objectifs à atteindre dans les zones cibles (par exemple : nombre d’électeurs indécis à rencontrer par jour, rues à cibler, type de messages à diffuser)

Mieux informé, chaque volontaire pourrait accéder à des outils en ligne, et trouver en 3 clics une réponse concrète à la question « que puis-je faire pour faire gagner mon candidat ? ». Plus ouverte, plus confiante, une telle démarche aurait de meilleures chances de soulever les foules que les placides « ça se passe près de chez vous » affichés sur les comptes Facebook des dernières campagnes en France. Plutôt que d’appeler les sympathisants à grossir les rangs d’événements déjà organisés, sans laisser beaucoup de place à leurs initiatives personnelles, pourquoi ne pas les laisser libres ? Peut-être verrons-nous alors en France des « volontaires » faire campagne en organisant des soirées politiques chez eux, ou des dîners de quartier pour lever des fonds, se transformant en autant d’acteurs de l’élection, plus proches, plus accessibles et surtout plus attrayants pour les électeurs.

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