Sobriété énergétique : et au fait, les Français ont-ils consommé moins d’essence et d’électricité cet été ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Peut-on attribuer la baisse de la consommation de produits énergétiques à la crise ukrainienne ?
Peut-on attribuer la baisse de la consommation de produits énergétiques à la crise ukrainienne ?
©FRANCK FIFE / AFP

Pouvoir d'achat et inflation

Les livraisons de carburants routiers sont en baisse de 6,2% en juillet et la consommation des produits pétroliers connaît un ralentissement de 2,6% par rapport à juillet 2021, selon le Comité professionnel du pétrole (CPDP). Quel est l'impact de l’élasticité des prix du carburant et de l'électricité sur la consommation des Français ?

Frédéric Gonand

Frédéric Gonand

Frédéric Gonand est professeur d'économie à l'Université Paris Dauphine-PSL.

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Atlantico : Selon les derniers chiffres de la CPDP, les livraisons de carburants routiers sont en baisse de 6,2 % en juillet et la consommation des produits pétroliers connaît un ralentissement de 2,6 % par rapport à juillet 2021. Dans le même temps, les livraisons de gazole ont accéléré leur trend à la baisse (-8,2 % par rapport à juillet 2021 et -14,7 % par rapport à juillet 2019 avant la crise sanitaire). Peut-on attribuer cette baisse de la consommation de produits énergétiques à la crise ukrainienne ?

Frédéric Gonand : En ce qui concerne les produits pétroliers, la baisse de la consommation reflète de très nombreux facteurs. Il y a des facteurs conjoncturels et des facteurs structurels, liés à la transition bas carbone par exemple. Ainsi, la demande mondiale de pétrole a globalement tendance à se maintenir alors même que la croissance continue.  

Généralement, la demande d’énergie n’est pas très sensible à son prix. Il faut savoir que l’élasticité prix de la demande d’énergie est d'environ -0,1 à court terme, en moyenne. Ainsi, à court terme, quand les prix augmentent de 10%, la demande de carburants pétroliers baisse de 1%. A moyen terme, la demande baisse de 4%. 

 En somme, on ne peut pas dire que les prix actuels du baril de pétrole sont susceptibles de peser beaucoup sur la demande de carburant.  

En 2021, les prix du gaz avaient déjà été multipliés par 4 voire 5.  

L’augmentation des prix de l’électricité est en partie aussi imputable à la situation nucléaire française. De nombreux réacteurs sont à l’arrêt et si Fessenheim avait continué à produire, les prix seraient un peu plus bas. Nous payons quotidiennement les conséquences de cette fermeture. On peut également citer l’envolée des prix des quotas de CO2, qui ont quadruplé en deux ans. 

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Certaines analyses micro, comme une étude de Laurence Levin, font état d’une élasticité prix non négligeable dans certaines situations. Y a-t-il des situations où l'élasticité prix est plus forte que d’autres ?

L'exemple de l'année 2008 aux États-Unis, au moment de la Driving Season, période de l’année ou les individus consomment beaucoup de carburant, est parlant. On a pu constater un effet de morsure des prix sur la demande. À cette époque, le baril était monté à 148 dollars. À ce moment, en juillet/août, la demande de carburants liquides avait beaucoup baissé et on a attribué ce phénomène à l'envolée des prix à la pompe. 

Il y a de très nombreux travaux universitaires à ce sujet, sur toutes les périodes et dans de nombreux pays. Mais généralement, puisque le carburant est une dépense contrainte, l’élasticité prix de la demande est faible à court terme. 

L’élasticité des prix est évidemment cruciale pour savoir à quel point les Français vont réduire ou non leur consommation. Ces premières données nous donnent-elles des indications sur le scénario qui pourrait advenir cet hiver ?

Au cours des vingt dernières années, le baril a souvent dépassé le niveau actuel des 95 dollars. Quand les prix sont dans une gamme habituelle comme aujourd’hui, l’élasticité est faible. Elle peut devenir élevée si les prix à la pompe atteignent des niveaux historiquement élevés, ce qu’on appelle une élasticité non-linéaire. 

Une question qui se pose aujourd’hui est de savoir si le marché mondial peut couvrir les 4 millions de barils que la Russie exportait chaque jour avant le conflit ukrainien. Les producteurs peuvent-ils fournir cette quantité ? D’ici la fin de l’année, ce n’est pas impossible mais comme il y a un doute, il va quand même y avoir des tensions entre l’offre et la demande, ce qui va sans doute favoriser le maintien des prix à un niveau élevé. Un certain nombre de producteurs de pétrole devraient pouvoir prendre la relève, surtout du côté de l’OPEP. Pourtant, ces pays ne veulent pas être en froid avec les Russes. De son côté, l’Iran sait qu’en cas de levée des sanctions, le pays pourrait exporter à nouveau son pétrole. Les États-Unis et le Canada pourraient produire davantage et ils devraient être bénéficiaires de la crise d’un point de vue économique. En somme, pour l’instant, il n’y a pas de raison majeure de penser que le prix du baril va exploser, même s’il devrait rester à un niveau élevé. 

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Nous sommes partis dans une course contre la montre pour ne plus être dépendants des Russes dans le domaine du gaz, même si les Allemands sont plus à plaindre que nous. La priorité devrait être de rouvrir nos centrales nucléaires, sans quoi l’hiver pourrait être compliqué : nous pourrions faire face à des délestages et des prix très élevés. En somme, soit les ménages paient directement, soit on crée de la dette publique pour repousser le problème à plus tard. Ce qui est sûr, c’est que dans le secteur de l’énergie, ce sont toujours les ménages qui paient.  

Certaines entreprises allemandes arrêtent leur activité plutôt que de payer la hausse des prix de l'énergie. Comment le comprendre ? Quelles conséquences cela peut-il impliquer pour l'économie au sens large ?

Il s'agit d'une décision qui reflète une logique économique: si l'on produit à perte, pourquoi le faire? Je pense actuellement notamment au secteur du verre. Il est alors moins onéreux à court terme de recourir à des périodes de chômage technique. C'est l'un des aspects de la contagion défavorable de la crise actuelle: dans les industries énergo-intensives, si les prix de l'énergie restent très élevés, le moment arrivera où les usines s'arrêteront. 

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