Simplification de la vie des entreprises : s’il ne fallait prendre que trois mesures <!-- --> | Atlantico.fr
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Le Parlement commencera à présenter mardi 22 juillet son projet de loi destiné à impulser un "choc" de simplification de la vie des entreprises.
Le Parlement commencera à présenter mardi 22 juillet son projet de loi destiné à impulser un "choc" de simplification de la vie des entreprises.
©Reuters

Droit au but

Le Parlement commencera à débattre des 50 mesures du projet de loi de simplification des entreprises le 22 juillet. Voici celles qu'il faudrait faire passer en priorité.

Richard Thiriet

Richard Thiriet

Richard Thiriet est diplômé de l'École Supérieure des Travaux Publics (ESTP) et titulaire du master Entrepreneur d’HEC. Président du groupe CNI (Chaudronnerie Navale et Industrielle) qui compte 70 collaborateurs dans le secteur de l'industrie métallurgique, il est membre du Centre des jeunes dirigeants d'entreprise, mouvement patronal destiné à mettre en oeuvre un "libéralisme responsable" depuis 2004 et en est actuellement le président national.

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Leonidas Kalogeropoulos

Leonidas Kalogeropoulos

 

Léonidas Kalogeropoulos est Président du Cabinet de lobbying Médiation & Arguments qui défend la liberté d’entreprendre, l’innovation, le pluralisme et la concurrence dans les domaines de l’audiovisuel, des télécoms, du sport, d’Internet, de l’énergie, de la presse…
 
Il est le fondateur du site libertedentreprendre.com, qui milite pour l’inscription de liberté d’entreprendre dans la Constitution française et est Vice-Président du mouvement patronal Ethic. Il est également le porte-parole du collectif David contre Goliath, lanceur d'alertes concurrentielles

 

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Atlantico : Le Parlement commencera à présenter mardi 22 juillet son projet de loi destiné à impulser un "choc" de simplification de la vie des entreprises. Quelles seraient, d'après-vous, les mesures qu'il faudrait garder si on devait en choisir trois ? Pourquoi ?

Leonidas Kalogeropoulos : Il faut toujours saluer les initiatives qui vont dans la bonne direction, et depuis les lois de simplification confiées au Député Wartsmann (sous Chirac), en passant par les initiatives lancées par la Direction Générale de la Modernisation de l'Etat (sous Sarkozy), ou l'actuel "choc de simplification" sous Hollande, toutes ces initiatives vont dans le bon sens. Cela fait quinze ans que le diagnostic est partagé par tous les gouvernements successifs, sauf que dans le même temps que des Commissions et des Directions travaillent à la simplification de la vie des entreprises, législatif et exécutif rivalisent d'ingéniosité pour élaborer des textes de plus en plus alambiqués ou pour épaissir le code du travail. 

Mais il est louable de constater que l'Etat est enfin conscient qu'il convient d'alléger l'écheveau des normes dont il emmaillote les entreprises, freinant leur dynamisme et leur agilité.

A cet égard, la transposition du principe du "one-in, one-out", qui consiste à compenser systématiquement toute charge nouvelle qui pèserait sur l'entreprise par une charge en moins, permet d'espérer enclencher un processus vertueux dans la durée. Mais on peut se demander si ce principe ne devrait pas être déjà mobilisé pour compenser la mise en oeuvre du compte pénibilité, dont l'effet sur l'emploi risque d'être dévastateur.

Par ailleurs, la non-rétroactivité des lois fiscales est également un principe qui doit être gravé dans le marbre. Mais depuis le temps que les Gouvernements successifs font la promesse d'abandonner cette pratique condamnable, on finit par douter. D'ailleurs, n'est-ce pas la même majorité qui a imposé la rétroactivité de la taxe à 75% qui s'attèle désormais à prohiber pour demain ce qu'elle s'est autorisée à faire hier.

Enfin, l'extension du rescrit au domaine social, alors qu'il n'était cantonné qu'au domaine fiscal, va permettre de sécuriser des organisations du travail que les entreprises peuvent mettre en oeuvre en fonction de leurs contraintes spécifiques, en obtenant une validation de l'administration, pour ne plus vivre avec une Epée de Damoclès au dessus de leurs têtes. C'est une mesure vertueuse.

Richard Thiriet : Enfin une démarche de simplification dans un pays classé 126ème sur 143 pour sa lourdeur administrative ! Nous sommes au CJD (Centre des jeunes dirigeants d'entreprise ndlr) bien évidemment favorables à cette démarche qui répond aux attentes des dirigeants d'entreprises de simplifier leur quotidien. Le choc de simplification doit avant tout servir l’enjeu national actuel : l’emploi. Je ne sais pas si c’est 50, 100 ou 300 mesures qu’il faut engager tant il a été accumulé de contraintes depuis plus de trente ans.

Aussi pour servir l’emploi je retiendrais trois grandes simplifications : Celle du code du travail pour enlever dans la relation employé employeur des zones d’incertitudes qui ne favorisent pas la confiance. Un code du travail de 3000 pages ne peut pas être compris et assimilé par des PME qui pourtant offrent les principales solutions pour l’emploi.

Celle du droit social et des charges pesant sur les entreprises. Dans un contexte économique mondial, qui est un fait, que l’on s’en réjouisse ou que l’on s’en désole, nos entreprises doivent rester compétitives. Elles ne peuvent donc pas supporter à elles seules toutes les charges sociales nécessaires à l’équilibre de notre modèle français.

Celle de la simplification des bulletins de salaires. Car elle illustrerait une vraie volonté de simplification, immédiatement visible par tous. Pourquoi pas arriver comme en Angleterre à 4 lignes pour un bulletin de salaire ? Simplifier le bulletin de salaire pour une meilleure compréhension entre les acteurs de nos entreprises qui amènerait plus de confiance réciproque. Au delà de ce signal, les économies de frais de fonctionnement liées à cette simplification du bulletin de salaire peuvent servir l’investissement des entreprises, indispensable à la compétitivité qui génère des emplois. Pour répondre par rapport aux 14 propositions discutées le 22 juillet je retiens : l’harmonisation de la notion de "jour" dans le code du travail, le rescrit social, la déclaration sociale dénominative. Sans pour autant voir immédiatement les conséquences en terme d’emploi.

Le gouvernement a annoncé que le projet de loi comporterait au total 50 mesures. Seront-elles vraiment toutes efficientes ou applicables ? Lesquelles sont pour vous davantage du ressort de la "cosmétique" que de la volonté de vraiment simplifier la vie des entreprises ?

Leonidas Kalogeropoulos : Le nombre de 50 mesures, tient à l'effet d'annonce ; il n'est pas véritablement pertinent. Entre la mise en oeuvre du principe "dites-le une fois" qui concerne toutes les entreprises, et qui consiste à éviter d'exiger la multiplication de déclarations redondantes qui noient les entreprises sous la paperasse, et des mesures ultra-spécifiques, comme celles concernant les certificats d'économie d'énergie, toutes les mesures ne vont pas avoir le même effet de souffle sur l'économie. 

Il y a une dizaine de mesures de portée générale (le chèque emploi pour les TPE, la simplification des obligations de publication des comptes pour les PME, la simplification des déclarations…), qui sont très positives, et qui sont d'ailleurs à l'étude depuis plusieurs années. Elles ne peuvent qu'être saluées par toutes les entreprises et par toutes les forces politiques. 

Richard Thiriet : L’adoption de diverses dispositions visant à accélérer et à simplifier la réalisation des projets d’aménagement et de construction est une bonne nouvelle pour le marché du bâtiment. Mais si je reviens à l’entreprise, les projets de cette envergure (construire un bâtiment) sont des actes importants certes, mais isolé et souvent unique dans la vie d’une entreprise. Il y a a contrario une idée importante qui aiderait les entreprises à mieux vivre avec la complexité administrative actuelle. L’abandon de la rétroactivité fiscale en est l’illustration. Et plus généralement instaurer la règle suivante serait rapidement applicable et efficace : Lorsque l’administration n’a pas répondu dans un délai rapide (15 jours maximum), elle est tacitement d’accord et non l’inverse.

En quoi le projet de loi est-il incomplet malgré ses 50 mesures ? Qu'y manque-t-il selon vous ?

Leonidas Kalogeropoulos : Il y a une coïncidence frappante entre l'arrivée de ce texte sur la simplification et la préparation des décrets d'application de la loi ALUR sur l'immobilier. C'est en sociologie politique un phénomène fascinant de constater cette schizophrénie de l'Etat, qui a accepté pour des raisons politiques de faire voter un texte qui engonce le secteur de l'immobilier dans un carcan de complexité destiné à prévenir le moindre dérapage dans les relations entre propriétaires et locataires, et la volonté affichée aujourd'hui de laisser respirer l'économie. Ce que l'on constate dans l'immobilier, on le vit également avec le code du travail.

Les plus de 4000 articles qui sont supposés protéger les salariés des abus potentiels des employeurs ont comme principal effet de scléroser le marché du travail. Ces tables de la loi qui encadrent le monde du travail condamnent notre courbe du chômage à continuer à progresser. Et face à ce monument de complexité et de rigidité, les mesures de simplification annoncées sont sans effet.

Peut-on craindre pour certaines mesures que ce soit l'effet inverse qui se produise, et qu'elles alourdissent la complexité administrative des entreprises ?

Leonidas Kalogeropoulos : Peut-être y aura-t-il de mauvaises surprises, mais ce n'est pas une raison pour ne pas avancer. Par ailleurs, l'annonce d'une structure de suivi des nouveaux textes législatifs constituée de chefs d'entreprises pour évaluer leur impact sur le monde économique peut avoir un rôle bénéfique pour prévenir les effets pervers.

Avec ces dispositions en matière de simplification, l'Etat s'attaque à défaire ce qu'il inflige tout au long de l'année depuis des décennies, toutes tendances politiques confondues, aux acteurs économiques, pour leur plus grand bien! C'est un travail de longue haleine, et la difficulté ou le caractère limité de l'effort ne doit pas dissuader de se mettre au travail. C'est un peu un travail de Sisyphe, mais Camus ne nous a-t-il pas appris "qu'il faut imaginer Sisyphe heureux"?

Richard Thiriet : Non, mais il ne faut pas s'arrêter en chemin, maintenir la concertation et favoriser des circuits de décision court en limitant les commissions, et autres structures, qui sont un frein à l'innovation. Il faut favoriser une concertation efficace en amont, le CJD habitué à l'agilité est disposé à maintenir sa participation et à créer les conditions nécessaires à la réforme pour plus d'oxygène à l'entrepreneuriat. Car le temps de l’entreprise n’est pas celui de l’administration. Nous proposons et le CJD est précurseur pour cela, de favoriser le droit à l'expérimentation dans les entreprises. Par exemple, ne pas voter de texte instaurant des charges supplémentaires sans avoir expérimenter la proposition de loi dans des PME. Le mieux étant de ne pas créer de charges supplémentaires bien évidemment…

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