Simplification administrative et réglementaire : l’OCDE a quelques idées faciles à mettre en œuvre, qui les entendra en France ?<!-- --> | Atlantico.fr
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"Ce rapport montre que dans la pratique, la réglementation, et en particulier en France, n'est pas mise en œuvre de la même manière que celle qui est suggérée", affirme Alexandre Delaigue.
"Ce rapport montre que dans la pratique, la réglementation, et en particulier en France, n'est pas mise en œuvre de la même manière que celle qui est suggérée", affirme Alexandre Delaigue.
©Flickr/bareknuckleyellow

Solutions proposées

Un rapport de l'OCDE propose des solutions pour la simplification administrative et réglementaire.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Un rapport de l'OCDE propose des solutions pour la simplification administrative et réglementaire. En quelques mots, quels sont les principaux enseignements du rapport pour aller vers cette simplification administrative et réglementaire ?

Alexandre Delaigue : L'idée de ce rapport de l'OCDE est de mettre en œuvre une check-list comme au moment de faire décoller un avion. Toute une série de choses sont vérifiées avant d’essayer d'améliorer le processus de mise en œuvre de la réglementation par les gouvernements.

Le constat est qu'il y a de plus en plus de réglementations qui ne semblent pas toujours être mises en place de la meilleure manière possible. L'idée ici est d'offrir une espèce de mode d'emploi pour savoir comment mettre en œuvre une réglementation.

La difficulté est de savoir ce que l’on veut traiter avec la réglementation ? Est-ce que la réglementation est justifiée ? Est-ce qu'il y a besoin d'une action du gouvernement ?

Est-ce qu'il faut qu'il y ait une action gouvernementale ? Est-ce que c'est la réglementation qui est la meilleure solution ? Est-ce que la réglementation est légale ? Il y a aussi une réflexion sur le coût et le bénéfice de la réglementation et le fait de savoir s’il y a plus d'avantages que d'inconvénients à la réglementation ?

Il est aussi important de s’interroger sur de potentielles conséquences distributives négatives, s’il n’y a pas des gens qui vont être très lourdement perdants lorsque l'on va mettre en œuvre cette réglementation. Ces recommandations sont de bon sens.

L'OCDE est dans son rôle. Elle est censée fournir des préconisations et des recommandations au gouvernement pour mieux accomplir les politiques publiques. Ce genre de check lists correspond au rôle de l'OCDE.

L'application des mesures du rapport permettrait-elle de faire sauter plus de 80 % de la production législative depuis 50 ans ? Est-ce que cela ne serait pas une bonne nouvelle pour justement aller vers cette simplification ?

Ce rapport et ces recommandations sont censées s'appliquer à des nouvelles réglementations. Cela concerne l'avenir. Ce n'est pas quelque chose qui est là pour vérifier et changer les réglementations telles qu'elles ont été faites dans le passé. Il ne serait pas envisageable de reprendre l'intégralité de la réglementation existante et de la passer à l'aune de ce genre de recommandations. Dans la pratique, c'est une tâche de très longue haleine quand bien même on voudrait le faire. Dans la pratique, il faut voir cela plutôt comme un guide pour l'action future que véritablement comme une manière de changer. Comment en pratique est-il possible d’appliquer la réglementation ? L'OCDE donne dans ce rapport des préconisations de bon sens. La vraie question qu'on devrait se poser est de savoir comment la réglementation est-elle élaborée dans la pratique ? Entre ce qui devrait être du bon sens et la manière dont les réglementations sont mises en œuvre, il y a un décalage énorme qui explique en partie au moins la raison pour laquelle la réglementation est un tel objet de critique.

Comment est-il possible de s'inspirer de ce rapport pour être plus efficace dans la réglementation ?

Ce rapport montre que dans la pratique, la réglementation, et en particulier en France, n'est pas mise en œuvre de la même manière que celle qui est suggérée. La réglementation n'est pas le produit d'une sorte de calcul d'optimisation dans laquelle une réflexion est menée afin de savoir quel est le problème exact que l’on souhaite résoudre. L'approche de l'OCDE est une approche très technique dans laquelle un problème est identifié et la réglementation intervient pour le régler. Or, la réglementation est le résultat d'un processus qui est purement politique, qui ne vise pas à traiter les choses sur le marché politique, sur le marché économique et ne vise pas à résoudre réellement un problème.

Or, ce n'est pas toujours le cas. Lorsque vous regardez la manière dont est mise en œuvre la réglementation en France, on voit que c'est un pur processus de réaction politique dans lequel la réglementation est utilisée car d'abord cela ne coûte pas cher.

Si vous voulez traiter le problème des gens qui consomment trop de drogue, il est possible de faire des politiques publiques très élaborées visant à aider, à accompagner les consommateurs pour les soigner et trouver des solutions. Cela coûte cher et cela demande des moyens. Si par contre vous faites une loi qui explique que la drogue c'est mal, qu’il ne faut pas consommer de drogue, cela va beaucoup plus vite.

Le Premier ministre Gabriel Attal a récemment déclaré qu'il fallait débureaucratiser la France et réduire les quantités de réglementations pour annoncer dans la foulée que l’on allait mettre en œuvre une réglementation interdisant l'usage de termes liés à la viande pour les produits de substitutions comme les steaks de soja et autres produits de ce type. Or, si vous regardez bien, c'est l'exact inverse de ce qui est indiqué dans cette logique. Pourquoi est-ce que l’on fait cette réglementation ? Est-ce qu'elle est utile ? Est-elle faite uniquement pour faire face à la pression posée par les agriculteurs. Annoncer quelque chose comme ne coûte pas cher et cela permet de dire aux agriculteurs regardez, on vous écoute, mais cela ne coûte pas cher du tout. Cela rajoute un poids de règles et de réglementations supplémentaires. Ce poids de réglementations supplémentaires n'est pas fait pour traiter un problème, il n’est fait pour satisfaire un lobby contre un autre. Il est possible de discuter sur le fond de l'opportunité afin d’essayer de classifier ce type de produits mais interdire le terme de grillades pour un produit à base de soja qu'on peut utiliser sur un barbecue, par exemple, est ridicule.

Pour rester sur les questions de l'OCDE, est-ce qu'il y a une base légale ? Le Conseil d'Etat a déjà retoqué des propositions de ce style auparavant. D'un côté, il y a des recommandations qui sont des recommandations de bon sens et de l'autre côté, il y a la pratique de la réglementation qui est un processus purement de réaction politique dans lequel on fait quelque chose pour satisfaire une pression politique à un moment donné. Lorsque l’on constate que cela ne fonctionne pas, soit on ne l'applique pas ou soit on fait machine arrière. On le voit en particulier pour les réglementations environnementales.Il y a énormément de réglementations en France qui existent et qui ne sont pas appliquées. Quand on se rend compte que peut-être en 2025, 80 % du parc automobile de Seine-Saint-Denis sera interdit de circulation à Paris, on imagine bien que cela va causer un tel tollé que personne ne va l'accepter.

Cette étude permet de se rendre compte à quel point nous sommes loin de ce processus, que l’on cherche à élaborer la réglementation et que l'on est plutôt dans un processus dans lequel la réglementation est utilisée pour satisfaire des pressions politiques sans se poser à aucun moment la question de l'aspect pratique de l'utilité du coût.

C’est la raison pour laquelle nous avons l’impression actuellement d'un poids de la réglementation extrêmement élevé avec de l'autre côté des gens qui expliquent que l’on a besoin d'une réglementation sanitaire pour les aliments. On a besoin d'une réglementation, mais on voit bien à quel point maintenant on se trouve dans un débat autour de la réglementation qui est devenue totalement stérile car la réglementation n'est plus qu'un objet de débats politiques et de satisfactions de divers lobbies les uns après les autres.

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