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Si McKinsey écrivait à Emmanuel Macron, voilà ce que le président pourrait lire ce matin...
©AFP

Atlantico Business

La lettre ne vaut pas un milliard d’euros, mais vaut le prix de dire à un de ses clients quelques vérités, au lendemain des résultats d’une campagne difficile. Et ce bilan du premier tour dresse le portrait d’une France au mieux indifférente, au pire allergique à la gouvernance

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

Voir la bio »

Monsieur le président, 

Nous avons bien noté les résultats du premier tour de la présidentielle qui rendent la situation un peu compliquée pour l’avenir. 

Nous avons, nous, société internationale de conseil en stratégie, une part de responsabilité dans cet échec relatif. Vos adversaires, relayés avec gourmandise par les médias, ont évidemment exploité et profité de nos maladresses. Croyez-bien que nous en sommes marris. Bien que nous n’ayons pas à nous excuser de fautes qui n’ont pas été commises, il est évident que notre nom, notre origine américaine, notre influence et notre réputation d’efficacité à comprendre les mécanismes de l’économie de marché et surtout la confiance que vous nous faites depuis des années, tout cela, a été utilisé pour vous nuire. 

Par conséquent, et bien que nous n’en ayons pas été missionné, nos équipes ont cru bon de se pencher sur les raisons de ces difficultés électorales et nous sommes très heureux de vous communiquer, à titre gracieux, les grandes lignes de notre diagnostic et de nos recommandations. 

1er point : Ne revenons pas dans le détail de ce qui s’est passé au cours de ce premier tour, vous en êtes parfaitement informé par la presse qui s’en délecte depuis 24 heures et nous ne pourrions faire qu‘un copier-coller des analyses qui passent en boucle sur les chaines d’infos et qui toutes, inspirent des cours que certains de nos collaborateurs enseignent dans beaucoup d’universités françaises et de grandes écoles. D’abord, le taux d’abstention marque un recul de l’intérêt que certaines catégories de Français accordent à notre démocratie. Mais surtout, vous avez affronté une vague de courants populistes qui ont formé une sorte de conjuration contre votre personne en s’opposant à tout ce que vous aviez essayé de faire.

Vous avez été dépassé par tous ceux qui sont contre tout : l’Etat de droit qui régit le fonctionnement de notre démocratie tout comme les principes de l’économie de marché. Les contre-tout se sont agglomérés. Et comme vous êtes « tout en même temps », c’est vous qui avez été visé et sanctionné. 

 Beaucoup de ceux qui vous conseillent doivent actuellement vous rassurer en vous expliquant que ces protestataires se nourrissent de promesses irréalisables et se complaisent dans les fantasmes complotistes. Tous ces prestataires ne sont pas capables de s’entendre pour offrir ensemble une gouvernance cohérente et alternative pour affronter le mur des réalités. Ça n’est pas faux, mais ça ne facilite pas votre travail. 

2 points : Monsieur le président, vous ne pouvez pas continuer de dénoncer l’incompétence technique de vos adversaires. Le problème, c’est que, même quand vous restez courtois et discret, vous le pensez tellement fort que ça se sent. Et ce qui passe pour de l’arrogance ne fait que renforcer tous ces opposants. 

3e point : dans ces conditions, nous ne serions pas loin de vous recommander ce que nous recommandons à beaucoup de chefs d’entreprise qui sont en difficulté : 

D’abord, il vous faut reconquérir votre part de marché, non pas en cherchant à attaquer les autres, mais en renforçant ce que vous avez à proposer. 

Il faut donc améliorer la « désirabilité de votre produit » en le simplifiant sur l’essentiel, le noyau dur de votre ADN, et l’essentiel, c’est évidemment le nerf de la guerre, à savoir la puissance économique. Vos clients-électeurs sont inquiets, il faut les rassurer sur votre capacité à affronter les tempêtes et leur apporter des résultats. Vous savez faire ça. La gauche vous l’a assez reproché. La gauche est morte, desséchée. Dans la réalité, vous n’avez que des obligations de moyen à mettre en œuvre pour corriger les disfonctionnements dont les causes sont très souvent exogènes. Malheureusement, le ressenti de la situation vous donne une obligation de résultat.    

Ensuite, il faut légitimer vos collaborateurs. Vous ne pouvez pas continuer de penser que vous pouvez faire tout, tout seul. Il vous faut déléguer. C’est le b.a.-ba du management. Faire faire par les autres ce que pourriez faire vous-même certes, et ça vous libère du temps pour écouter les autres. 

Donc, il faut vous rendre disponible. Vous avez l’expertise technique, mais cette expertise est mal reçue. Prenez le temps de relire Machiavel, il a tout dit sur le management du pouvoir. Mr le Président, vous aviez toutes les qualités pour conquérir le pouvoir et d’ailleurs vous l‘avez gagné. Mais vous n’aviez pas toutes les qualités pour exercer le pouvoir. Faut dire que le destin ne vous a pas gâté. 

Mais relisez Machiavel, le livre qui est sur votre table de chevet, dit-on : « le prince qui gouverne n’habite pas la campagne. Il n’a pas à le faire tant qu’il n’oublie pas que les campagnes existent. Parce que, s’il les oublie, les campagnes sauront le lui rappeler assez violemment ».  

Souvenez-vous, c’est déjà arrivé en France et vous paraissiez très surpris et inquiet. Ce que nous vous avions conseillé à l’époque n’était pas de répondre en espèces sonnantes et trébuchantes, mais plutôt d’écouter les rond-point. Les rond-point d’alors n’étaient rien d’autre que les campagnes de Machiavel. 

Monsieur le président, nous sommes à votre disposition, recevez l’expression de notre respectueuse considération…. 

PS : cette lettre est évidemment totalement imaginée, peut être imaginaire et toute ressemblance avec la réalité ou les acteurs de cette réalité serait purement fortuite. 

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