Si la France ne réussit pas à alléger le poids de ses dépenses publiques, elle se met au ban de la société mondiale<!-- --> | Atlantico.fr
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"Bruno Le Maire va obtenir aux forceps une économie supplémentaire de 1 milliard d'euros, mais pas en baissant les dépenses, il va diminuer les crédits d'impôts, donc il va augmenter la pression fiscale", écrit Jean-Marc Sylvestre.
"Bruno Le Maire va obtenir aux forceps une économie supplémentaire de 1 milliard d'euros, mais pas en baissant les dépenses, il va diminuer les crédits d'impôts, donc il va augmenter la pression fiscale", écrit Jean-Marc Sylvestre.
©Bertrand GUAY / AFP

Atlantico Business

La discussion budgétaire a démarré en montrant que la représentation nationale était incapable de comprendre que si le pays n'acceptait pas de baisser le poids de ses dépenses publiques et sociales, il perdait à jamais les chances de rester un pays mondialement puissant.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La discussion budgétaire pour 2024 a montré d'emblée son incapacité à engager l'inflexion à la baisse de ses dépenses publiques. La responsabilité est certes politique, mais la gouvernance ne peut pas aller contre la grande majorité de la représentation nationale, sauf à prendre le risque d'une crise grave.

C'est plus qu'un problème politique, c'est un problème culturel, dans la mesure où le choix d'un budget aussi peu dynamique, est celui de la France entière, et cette posture ne date pas d'hier.

Le budget discuté n'a certes rien de catastrophique. C'est un budget qui permet de répondre à des injonctions contradictoires : une conjoncture en berne, c'est-à-dire avec peu de croissance, le choix de maintenir une économie en respiration en aidant certains secteurs et surtout en soutenant, par une redistribution des revenus sociaux très généreuse, une consommation qui reste le moteur le plus puissant de l'activité. Sur le terrain social, ce budget maintient un haut niveau de solidarité qui devrait permettre d'échapper à des accès de fièvre qui dégénèrent parfois en émeutes de quartier.

La situation économique qui ressort de cette équation budgétaire donne une apparence de prospérité. Le système de production et de création de richesse est tiré par le dynamisme de quelques secteurs très bien installés sur les marchés étrangers : l'industrie du luxe, l'aéronautique et la construction navale, l'automobile, l'agroalimentaire, mais avec comme locomotives de grosses entreprises installées dans le monde entier.

À partir de ces leaders, il existe une foison de PME et quelques ETI, sous-traitantes ou fournisseurs, et beaucoup d'activités de service (tourisme, finances, digital...). Voilà comment fonctionne le système de production de richesse et d'emploi.

Ce système-là, qui a été magnifiquement protégé pendant le Covid, crée beaucoup d'emplois, mais pas assez pour faire tomber le taux de chômage, qui est encore à 7% de la population active.

On pourrait se satisfaire d'un tel modèle, sauf que les richesses créées ne sont pas suffisantes pour permettre de payer le train de vie de ce pays, de l'État, de ses collectivités locales et d'une bonne moitié de la population. D'où la nécessité de s'endetter, environ 260 milliards par an pour couvrir les dépenses courantes (fonctionnement des administrations et financement des couvertures sociales), soit un endettement global de 3000 milliards d'euros, l'équivalent d'une année de production.

Cet endettement est très lourd, surtout maintenant que les taux approchent les 4 et 5%, mais on trouve à s'endetter parce que la France est encore considérée comme un pays sérieux et donc crédible. A priori, personne n'a de raison de crier ou de pleurer.

Il n'y a pas le feu à la maison, sauf que la capacité d'emprunt n'est pas éternelle, et surtout qu'il ne reste pas un sou pour financer des investissements. Les entreprises réussissent à investir, surtout les grandes, parce qu'elles ont des marges et des accès aux marchés financiers.

Mais l'État, qui aurait grand besoin d'engager des travaux d'infrastructure, grand besoin de financer la mutation énergétique (le nucléaire, par exemple) et la recherche qui tient les clés de l'avenir, l'État, comme les entreprises publiques ou les collectivités locales, n'ont pas un sou pour lancer des travaux sérieux qui éviteront la fin du monde. L'État cherche à sauver la fin du mois avec des crédits à court terme, mais on est là dans la dépense courante.

Le budget présenté cette semaine tient compte de toutes les contraintes techniques et politiques, mais ce qui est gravissime, c'est que l'ambition de Bercy, et de Bruno Le Maire, ne rencontre aucun soutien dans la classe politique pour engager une baisse des dépenses publiques et sociales et dégager de la marge pour investir à long terme.

Bruno Le Maire va obtenir aux forceps une économie supplémentaire de 1 milliard d'euros, mais pas en baissant les dépenses, il va diminuer les crédits d'impôts, donc il va augmenter la pression fiscale. Ce blocage-là n'appartient pas à un parti politique en particulier, ce blocage est tenu par l'ensemble de l'échiquier. Les discours sont différents, mais le résultat est le même : on ne touche pas à la machine administrative, on ne touche pas à l'énorme machinerie qui redistribue la moitié de la richesse nationale en revenu d'assistance.

Ce qui fait que dans ce pays, la moitié des Français vivent avec des revenus de redistribution, donc les Français n'ont pas plus d'intérêt à travailler pour leur compte qu'à chercher des revenus de la solidarité. Dans certains cas, ils ont même plus intérêt à toucher des revenus d'assistance que des revenus du travail.

Quant à l'investissement, il n'en est pas question. L'investissement immobilier est bloqué et l'épargne est soigneusement placée en compte d'épargne de précaution, dont le livret A et l'assurance-vie. Au total, 6000 milliards d'euros sont stérilisés et mis de côté. Une partie est investie dans les emprunts d'État que l'État utilise pour financer son budget de fonctionnement. La boucle est bouclée. Ces assurance vie n’assurent pas l’avenir.

Avec une machine aussi infernale, la France perd sa compétitivité, son industrie, sa technologie, ses talents qui ne trouvent pas d'optimum personnel à travailler en France. Tout le monde se plaint qu'on ait perdu une partie de l'industrie pharmaceutique, mais il faudrait se féliciter que les grands labos internationaux soient dirigés par des Français. La classe politique est fière d'avoir deux prix Nobel de physique de nationalité française, mais la classe politique a oublié de signaler qu'ils avaient fait toute leur carrière à l'étranger.

Cette habitude d'un État providence qui a le génie de vivre à crédit est un problème culturel. Le budget 2024 est un budget pragmatique, le pays aurait besoin d'une révolution de ses structures. Personne dans la classe politique actuelle n'en a les moyens. Beaucoup critiquent le ministre actuel de l'économie, y compris ses amis du MoDem ou d'Horizon d'Édouard Philippe, mais aucun n'a de solutions alternatives.

Beaucoup disent qu'il faudrait un budget avec moins de dépenses, mais personne ne propose de solutions, qu'elles soient de réorganisation, de privatisation, de mise en concurrence des secteurs publics entiers... Édouard Philippe, justement, qui s'était fait le chantre du sérieux budgétaire à l'image de son mentor Alain Juppé, en arrive à proposer une baisse des impôts sur le revenu de 3 à 4 milliards qui seraient, dit-il, financés par des économies sur les dépenses, mais il ne dit pas lesquelles. En politique, tout est possible.

Le MoDem lui plaide pour une augmentation de la fiscalité des entreprises, comme si le bilan de la baisse d'impôts au début du premier quinquennat n'avait pas apporté la preuve que la baisse des taux provoque une hausse des rendements, donc de l'activité. "Les bas taux d’impôts font les totaux", avait montré Laffer, et c’est vrai. Mais l'inverse est vrai aussi.

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