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Shooté d’entrepreneuriat ? Envie de planer sur la croissance ? Investissez dans le cannabis
©Don MacKinnon / AFP

Les entrepreneurs parlent aux Français

Denis Jacquet évoque cette semaine le développement du business du cannabis récréatif et thérapeutique à l'échelle planétaire.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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J’ai honte, dans ce siècle où feindre d’être cool, suppose d’ingérer des produits pour y parvenir, je n’en consomme aucun. Je n’arrive pas à me persuader que l’apparence et l’artificiel l’emportent sur le naturel. Peut-être parce que le naturel que l’on se fabrique soi-même, et qui vous rend heureux suffit largement ! Être naturellement « cool » semble échapper à nos sociétés, envahie par le stress, les « burn out » (un comble au pays des 35H et des RTT), dans lesquelles la peur de l’avenir, l’incertitude du quotidien et la réalisation indicible de la fragilité de ce que l’on pensait acquis, poussent à une amertume, qui avec le temps devient agressivité. Elle devient générale, c’est désarmant et consternant. Et pourtant, ce conducteur Parisien prêt à vous tuer pour une priorité concédée à regret ou pour une place de parking subtilisée, aimerait tellement être cool. Mais plutôt que méditer sur la bêtise de son agressivité quotidienne, et affronter sa réalité, il semble, à Paris, comme ailleurs, préférer s’évader dans un Paradis artificiel, où l’introspection n’existe pas, où la remise en cause n’est pas au programme. 

Le monde adopte ainsi le cannabis, récréatif ou semi-thérapeutique, avec engouement, nourrissant ainsi une troisième branche, une extension, au pain et aux jeux promis aux peuples pour les tenir en laisse, et y ajoutant, la drogue, cet opium, pour assouplir et abrutir un citoyen qui l’est déjà pourtant assez souvent à l’état naturel. C’est un moyen de l’abrutir, mais sans en subir les conséquences….

C’est ainsi, que dans de nombreux pays, qui ont décidé de dépénaliser ou légaliser le cannabis, vous pouvez désormais entendre à la radio ou à la TV, des publicités vous proposant de devenir entrepreneur « dans un secteur en croissance et à forte rentabilité ». Un « shoot » de croissance au bout du « pétard » de vos clients ! 

Le discours thérapeutique, passe la plupart du temps, bien loin derrière le discours économique. C’est alors que l’on voit poindre les véritables motifs de cette légalisation. Les politiques doivent trouver à tous prix, de nouvelles activités économiques, des jobs et de la croissance, quel que soit le prix à payer. Tirer sur un pétard emmènera l’entrepreneur qui fait de la « ganja » au « nirvana » de la croissance, en cherchant, par la différenciation, à « fumer » sa concurrence, et ainsi « planer » sur des croissances à 2 chiffres.

Chaque pays a fait ses choix. Très différents. Aux USA (certains États seulement, mais les autorités pensent certainement, que, bien shooté, les américains armés shooterait moins ?), en Hollande, qui ne fume pas que le fromage. Mais aussi en Suisse, eh oui ! Le chocolat qui a pourtant des vertus euphorisantes ne semblent plus suffisant à la dose de bonheur de notre helvète (pourtant le revenu par habitant le plus élevé au monde, comme quoi l’argent et le chocolat ne font pas le bonheur). Ou encore l’Espagne ou l’Italie. Tout le monde y a mis son grain de pavot, améliorant le slogan de la France de 68, en décrétant que « sous les pavots il y a la plage ».

Les USA ont choisi la voie business direct, sans étape. Avec des succès divers. Les gros entrepreneurs du secteur sont déjà multimillionnaires, et on parle d’entrer le pavot en bourse, ce qui va sembler bien fade aux traders, plus habitués -selon la légende- à des drogues plus dures. Je ne passerai pas en détail, les dérives, le recyclage de la mafia en commerce légalisé, les produits non contrôlés et frelatés, les addictions développées et l’impact sur les ados, mais mes amis les entrepreneurs semblent de loin les plus gagnants dans cette opération. Le consommateur lui... reste un pigeon à fumer...

L’Espagne a choisi un modèle radicalement différent. Ce business ne peut être exploité que sous forme associative. Vous faites dès lors un « don » à l’association, et non un achat, et l’on vous donne en échange, en contrepartie de votre « cotisation », un kit pour réaliser un objet à fumer de forme conique. Bien évidemment c’est la vente qui est organisé sous forme associative, mais toute la chaîne de valeur en amont (à part la terre qui est, elle, soumise à un régime complexe), permet, je vous rassure, de réaliser de copieux profits. La crêpe et la pizza, champions de la marge, trouvent là un produit qui les dépasse totalement et les ridiculise. Le business promet d’être super prospère, et n’est pas soumis à la TVA, ce qui provoquerait une crise cardiaque immédiate, à Bercy. Droguer les gens sans les fiscaliser, vous n’y pensez pas !!

Que faut-il en penser ? La sagesse exige le recul, mais les USA restent un bon exemple du côté clair et obscur de la force, dont nous devrions nous inspirer avant de nous aussi, champion du prozac, nous y lancer et ainsi concurrencer nos bons vieux produits pharmaceutiques ou notre vin rouge national (voire Ricard national).

Quelques remarques, rapides, mais je dis cela, je dis rien..

On nous a persuadé, (à raison) que l’un des fléaux du siècle était le tabac (pas loin devant le glyphosate que notre ami Laurent Alexandre doit prendre au petit déjeuner car il le trouve inoffensif). Au moment où Philip Morris abandonne le tabac en faisant son mea culpa, pour avoir contribué à la mort de millions de personnes, un Hitler en costume cravate au final, nous devrions légaliser le cannabis. La logique m’échappe. Est-ce à dire, que ne succombant pas assez vite aux drogues douces, nos ados notamment, devraient attaquer directement les drogues plus dures ? Quelqu’un peut m’expliquer ?

On nous indique que le cannabis a des vertus thérapeutiques. Elles sont réelles. Et permettent souvent aux malades du cancer, d’échapper à des douleurs insupportables avec des effets moins dévastateurs que nos antidouleurs médicamenteux. Dès lors, pourquoi ne pas en faire une filière, régulée et autorisée, qui garantissent la composition et la consommation normale, plutôt que de laisser cela au premier investisseur venu ? Est-ce que l’acceptation de la version thérapeutique devrait entraîner automatiquement la légalisation de la partie récréative ? Je ne vois pas pourquoi. Et qui a inventé ce terme de « récréatif » ? Est-ce une récréation que de laisser une drogue entre les mains de millions de personnes incapables de contrôler leurs addictions, notamment les jeunes, et de les entraîner ainsi vers une potentielle montée en « gamme » vers des drogues plus dures, une fois que le cannabis ne leur semblera plus assez fort ? La prochaine étape, dans 20 ans, serait donc logiquement la légalisation de la coke ?

Ensuite, il y a une question de conscience, mais chacun verra midi à sa porte et le pétard au coin de son âme. Est-ce bon de gagner de l’argent sur le dos d’une addiction potentielle ? Nombre de conglomérats ont répondu longtemps « oui, pas de problème » mais nous devrions peut-être là aussi en tirer les conséquences. Pourquoi ce qui a été un désastre avec la cigarette ferait un « tabac » (pardon du jeu de mot) avec le cannabis ? Pourquoi serait-ce mieux ? Parce qu’il est plus cool de ressembler à Bob Marley qu’aux beaufs, gitane au coin du bec, que dessinait Cabus ? 

S’il s’agit de faire rentrer dans l’économie informelle, une filière qui y échappe, et qui alimente les caisses de nombre d’États (Maroc en tête), et fiscaliser un pan entier d’une grosse économie, est ce que cela signifie qu’il y aura une déduction fiscale pour son utilisation, comme pour les services à la personne ? Est-ce qu’il y aura des distributeurs dans les lycées à côtés des autres tueurs de santé (barres chocolatées, boissons caloriques et autres sucres destructeurs) ? Ferons-nous une place de plus dans les casiers, à côtés des smartphones des ados, pour le kit à pétard ?

Nombre de ceux qui militent pour la dépénalisation savent le consommer avec modération. Ils en prennent quand ils en ont envie, et n’en n’ont pas envie tout le temps. Ils gèrent et peuvent passer des semaines sans y toucher. Ce sont ceux qui veulent changer la législation. Car ils n’en voient pas le danger. Je pourrais, si j’étais « cafteur » vous donner le nom de 2 anciens Ministres, qui sont en train d’investir en Espagne sur cette filière. Mais qu’en est-il pour les autres, et notamment les jeunes. Leur présenter comme un produit légal sans conséquence est-il une bonne idée ? Vraiment ?

La vérité c’est que je suis entrepreneur, je rêve naturellement, comme certains sportifs de haut niveau qui ont un niveau naturel d’hormones au-dessus de la moyenne, mais manifestement pas assez « aware » ou « open ». Je m’amuse et me relaxe sans psychotrope, je suis définitivement ringard. Je fais de la croissance sans provoquer d’addiction, c’est nul. Je m’excuse. Je vais, c’est promis, regarder ce secteur avec cynisme, et pour sa partie médicale seulement, car je pourrais peut-être utiliser mes profits pour sortir des drogués « dur » de leur addiction. L’économie circulaire, pour des produits qui donnent le tournis, après tout…

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