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SeylmarGate : et le Parlement européen préféra fermer les yeux
©FREDERICK FLORIN / AFP

Cachez cette nomination que je ne saurais voir

Le dossier controversé de la désignation express du secrétaire général de la Commission européenne a été débattue ce mercredi 18 avril au Parlement, à Strasbourg. Les députés ont approuvé son maintien, tout en critiquant largement la nomination en elle-même.

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton est actuellement professeur à l'Université catholique de Lille. Il est également auteur de notes et rapports pour le think-tank GénérationLibre.

 

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Atlantico : Le Parlement européen a pu se prononcer, ce mercredi 18 avril, sur la question du #SelmayrGate -sur la nomination contestée de Martin Selmayr au poste de Secrétaire Général de la Commission européenne- et a approuvé son maintien, tout en critiquant largement la nomination en elle-même. Dans quelle mesure le #SelmayrGate est-il en mesure de perturber les prochaines élections européennes, en donnant du "grain à moudre" aux différents partis eurosceptiques qui ont déjà pu pointer la problématique ?

Raul Magni-Berton : Pas tant que ça. Déjà parce que les institutions européennes sont largement méconnues par l'électorat, et qu'il faudrait expliquer l'affaire dans les détails pour pouvoir dénoncer ce qui est arrivé. D'autant plus que cela pourrait se retourner contre ceux qui le dénoncent. Après tout, en France, la nomination des ministres et des hauts fonctionnaires ne se fait pas de manière pas si différente. De plus, les détails de procédure n'apportant pas tant que ça aux argumentaires critiques à l'égard de l'Union Européenne, qui sont traditionnellement basés sur des enjeux plus visibles et plus importants: le pouvoir d'achat, le chômage et la perte de souveraineté. Enfin, les élections européennes se jouent principalement sur des enjeux nationaux. C'est surtout le bilan de Macron et son gouvernement qui, à mi-mandat, sera décisif pour expliquer le score de ses opposants, parmi lesquels il y a les partis eurosceptiques. Pour ces trois raisons, je pense que l'avenir du  #SelmayrGate n'est pas radieux, même chez les partis eurosceptiques qui n'ont vraiment pas besoin de cela pour monter encore.  

Faut-il voir dans cette solution hybride une forme de choix raisonné des parlementaires pour éviter d’entraîner la chute de Jean Claude Juncker derrière le cas Selmayr, qui produirait finalement une crise plus grave que son maintien ?

Je ne dirais pas cela. La solution qui a été trouvée nécessitait l'appui et le concours du Parti Populaire Européen, le parti de Juncker. L’événement est donc que Juncker ait été attaqué par son propre parti. Mais le message est plus de dire: "attention, la formation qui te soutient te contrôle aussi. Ne pense pas pouvoir agir sans nous consulter". Bien sûr, l'opposition aurait voulu un message plus fort, mais on peut comprendre que cela ne soit pas du tout à l'agenda du PPE. Au final, il ressort un texte qui est une forme d'avertissement, rien de plus. 

Il faudrait ajouter qu’une éventuelle chute de Juncker n'est pas vraiment un signe de crise. Au contraire, un parlement qui enlève la confiance à son gouvernement est, dans les systèmes parlementaires, chose normale. Je dirais même, le signe d'une bonne santé démocratique. Mais on est très loin de ce cas de figure. 

Dans une tribune récente publiée par ProjectSyndicate, le politologue allemand (Université de Princeton) Jan Werner Muller écrit, à propos du populisme européen :  " Si l'on croit vraiment que les électeurs sont incompétents ou intolérants, la prochaine étape évidente consiste à leur enlever encore plus de pouvoir décisionnel. Mais, plutôt que de se replier sur la technocratie, nous devrions nous attaquer aux problèmes structurels spécifiques qui ont favorisé le triomphe des politiciens populistes." En quoi le calcul à court-moyen terme fait par les parlementaires européens pourrait-il avoir des conséquences plus importantes à l'avenir, non pas sur les électeurs, mais sur les instances européennes qui pourraient "renouveler" le précédent Selmayr ?

Il est désormais évident qu'il y a une tendance des centres de pouvoirs à vouloir se rendre autonomes des électeurs. Et il est tout aussi clair que ce qu'on appelle "politiciens populistes" qui ne font que s’engouffrer dans cette brèche en dénonçant cette perte de contrôle de l'électorat, ont de ce fait, un succès croissant. Il n'y a jamais eu autant de méfiance vis-à-vis des compétences de l'électorat - du moins depuis l'après-guerre - alors que les électeurs n'ont jamais été aussi compétents qu'aujourd'hui. Le niveau d'instruction et l'accès à l'information a augmenté, si bien que les électeurs deviennent moins manipulables et plus décisifs. Dans le même temps, les partis traditionnels ont de moins en moins de militants, parce qu'ils ont trouvé d'autres moyens de financement. L'éloignement croissant des élites politiques et de l'électorat fait que les démocraties européennes sont en difficulté. 

Du coup, pour revenir à votre question, c'est au sein des systèmes nationaux que se trouve la solution, et non pas au niveau européen. L'UE est un système basé sur le consensus et l'équilibre des nations qui le composent, et il est normal que toute manœuvre un peu autoritaire, comme la promotion de Selmayr, produise des protestations.

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