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Services publics paralysés et pression fiscale record : tous les symptômes d’une faillite programmée du système français
©Thomas SAMSON / AFP

Paroxysme

Alors que la protestation contre la réforme des retraites s’amplifie et se généralise, l’OCDE nous rappelle que la France reste championne du monde de la pression fiscale.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La situation française est arrivée à un paroxysme de contradictions assez incompréhensibles qui donne tous les signes d’une faillite prochaine.

Incompréhensible, parce que la France reste le pays où les prélèvements obligatoires (impôts) sont les plus lourds, mais où l’État et les services administratifs apparaissent détériorés et inefficaces, et où les personnels de la fonction publique apparaissent comme les plus mal traités et les plus mécontents.

La gouvernance française est donc devant un problème extrêmement grave. Les impôts n‘ont jamais été aussi élevés et la machine administrative donne l’impression de n’avoir jamais fonctionné aussi mal avec des personnels aussi en colère.

Le blocage de la France depuis jeudi est le fait principalement des contingents de fonctionnaires dans trois secteurs qui sont au cœur du système français : les services publics de transports (Sncf et Ratp), l’éducation nationale et la santé. Trois secteurs qui épongent l’essentiel du produit des prélèvements obligatoires.

1er point, les chiffres ont été en partie occultés par l’actualité des mouvements sociaux, sauf qu’ils sont têtus. L’OCDE nous dit que, malgré les baisses d’impôts au début du quinquennat, la France est restée championne du monde des prélèvement obligatoires avec plus de 46% du PIB. Exactement comme en 2017. Les baisses d’impôt n’auraient donc pas eu d’effet dans la mesure où ces baisses ont été compensées par la hausse de la CSG et des fiscalités écologiques. La France est toujours en tête de gondole, devant le Danemark, la Belgique, la Suède, la Finlande et l‘Italie où le taux de prélèvement est de 42%. L’Allemagne réussit à rester à 38%, les Etats-Unis ont 24%, la Grande-Bretagne à 33%.

Historiquement, la France a toujours été située parmi les pays où la pression fiscale est la plus élevée. Elle était déjà championne du monde dans les années 1960. C’était évidemment le prix à payer d’un choix politique fondé sur un rôle important dévolu à l’Etat avec une dépense publique très élevée.

Actuellement, le poids des impôts est très lourd, mais le comble est que cette recette fiscale ne suffit pas pour couvrir les dépenses publiques, puisque l’Etat est obligé de s’endetter dans des proportions difficilement supportables si jamais les taux d’intérêt venaient à se retourner.

2e point. Le contribuable a le sentiment vérifié que les services publics ne fonctionnent pas correctement, alors que le fonctionnement de l’État et de ses administrations coute très cher. Les services de transport publics, Sncf ou RATP, ne donnent pas satisfaction. Les services de santé sont débordés et asphyxiés. Quant à l’Education nationale, toutes les enquêtes montrent que les objectifs ne sont pas atteints et que la France perd sa place dans la concurrence mondiale en « produisant » des élèves qui ne correspondent pas aux besoins de la modernité. Or, ces trois secteurs sont ceux qui absorbent le plus de dépenses publiques. D’où le sentiment partagé que les impôts payés sont mal utilisés ou gaspillés.

3e point, les personnels des services publics sont les catégories sociales les plus mécontentes de la société française. Ce sont eux qui forment les troupes les plus nombreuses dans les grèves et les mouvements sociaux. Actuellement, l’opposition contre la réforme des systèmes de retraites vient de ces catégories de fonctionnaires qui sont pourtant considérées par une partie de la population française comme assez protégées par leur statut et leurs conditions de travail. Emploi à vie, avec une protection sociale très confortable et des régimes de retraites particulièrement généreux par rapport au droit commun.

Entre les impôts payés, le cout des services publics et la grogne des fonctionnaires, la France a là tous les symptômes d’une faillite de son système avec des conséquences socio-politiques qui peuvent être violentes. La France est véritablement coupée en deux. Avec d’un côté, un secteur public qui ne délivre pas de résultats mais qui coutent très cher et un secteur privé qui affronte la concurrence, les innovations et la modernité et qui produit une richesse qui semble trop souvent gaspillée par l’Etat.

Alors, un tel diagnostic appellerait des opérations chirurgicales d’envergure mais apparaissent impossibles à développer.

Ce diagnostic s’explique par différents facteurs que l’on connaît bien.

D’abord, un excès de centralisme qui rend le service public incapable de répondre aux besoins de proximité. Ça n’est pas nouveau. La France est héritière de son histoire et de sa culture politique, mais les choses se sont aggravées à un moment où on aurait dû avoir besoin d’une plus grande décentralisation. A un moment aussi où tous les outils digitaux le permettaient.

Ensuite, il est apparent que la gestion du capital humain est devenue désastreuse dans l’administration. Le statut a exonéré les responsables de tout effort dans les RH. Alors que dans la plupart des entreprises privées, le directeur des relations humaines a un rôle et une responsabilité stratégique. Le résultat, c’est que 9 fonctionnaires sur 10 se plaignent de leur travail, de leur salaire et de la façon dont ils travaillent. Donc ils baissent les bras et se replient sur l’acquis : les horaires, les grilles de salaires et les conditions de retraite.

Enfin, une des raisons majeures de ce désastre administratif est évidemment l’absence de concurrence qui a débouché d’ailleurs sur une véritable aversion. Les services publics jouissent d’un monopole de droit et de fait et le protègent comme la prunelle de leurs yeux. Or, la concurrence est évidemment facteur de progrès. Le Benchmark, la comparaison, le choix sont facteurs de progrès.

Dans l’éducation, les enquêtes montrent que dans les régions où les écoles privées sont très implantées comme en Bretagne, le système public, très challengé a de meilleurs résultats que dans la moyenne française.

Dans la santé, la publicité faite autour des résultats ou des performances a motivé les équipes. Et qu’on ne vienne pas dire que le système privé de la santé serait réservé aux riches. Une chirurgie à l’hôpital Montsouris ne coute pas plus chère qu’à Pompidou. Et si l’hôpital Américain a la réputation d’être réservé aux vrais riches, c’est plus pour ses équipements hôteliers que pour ses performances médicales.

Dans les transports, la SNCF est ce qu’elle est dans l’hexagone, mais remarquable quand elle répond à des appels d’offre internationaux et qu‘elle les gagne parce qu’elle sait travailler. Les équipes qui vendent l’expertise SNCF à l’étranger ne sont pas en général sous statut public. Cherchez l‘erreur...

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