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Services publics de proximité : cet exemple qui montre que la collaboration entre services public et privé a de l’avenir (mais sous certaines conditions)
©JOEL SAGET / AFP

Révolution

Des buralistes de cinq régions vont commencer à vendre des billets de TER avant la fin juillet, selon la SNCF et la Confédération des buralistes. Cette convention prévoit la mise à disposition pour les bureaux de tabac d’un nouvel outil de vente.

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Atlantico.fr : D'après le patron de la SNCF, 4% des voyageurs qui utilisent un TER partent d'une gare où il n'y a pas de solutions de vente, ni guichet ni automate. Les solutions proposées par les services publics sont-elles à la hauteur des enjeux auxquels ils sont aujourd'hui confrontés ?

Laurent Chalard : Les solutions proposées par la SNCF de permettre aux buralistes de vendre des tickets de TER ou de TGV, que l’on pouvait, jusqu’ici, uniquement se procurer dans les guichets ou les bornes en gare ou par internet/téléphone, relèvent du bon sens et sont à saluer. Il convient d’ailleurs de s’interroger sur le temps qu’il aura fallu à la SNCF pour amorcer cette évolution, témoignant des lourdeurs de son fonctionnement. Si l’entreprise avait su suivre les évolutions sociétales, cette solution aurait du être proposée aux utilisateurs depuis plusieurs décennies déjà ! 
Cependant, si cette mesure est positive, il n’en demeure pas moins qu’elle ne peut résoudre à elle seule tous les problèmes de bon exercice du service public par la SNCF, c’est-à-dire le maintien d’une offre de servicessatisfaisante sur une large partie du réseau secondaire très faiblement fréquenté du fait d’une offre inadaptée à la demande dans les territoires faiblement densément peuplés, dans un contexte de concurrence extrêmement défavorable avec les transports routiers au maillage incomparable avec celui ferroviaire. Il ne faut donc pas que la SNCF s’imagine qu’elle va pouvoir grandement renforcer la fréquentation de ces petites lignes par une simple facilitation de l’achat de billets, le problème principal relevant avant tout de l’infrastructure. Nous avons donc affaire à une demi-mesure, nécessaire, mais qui n’est pas à la hauteur des enjeux.

Depuis la crise des Gilets jaunes, le service public a multiplié les demi-mesures et les effets d'annonce pour apaiser les tensions sociales. Y a-t-il, derrière cette initiative de la SNCF, une volonté réelle de résoudre le problème de la marginalisation de certains territoires et de certaines personnes ?

Oui et non. 
Oui, dans le sens qu’à l’heure de la généralisation du commerce en ligne, les personnes qui n’effectuent pas leurs achats de billets de train sur internet pour diverses raisons, bien souvent liées à l’âge, vont voir leurs moyens de s’en procurer grandement faciliter, à une époque où de plus en plus de communes se trouvent éloignées d’une gare et donc d’un guichet ou d’un automate, rendant indispensable un déplacement en automobile, qui peut s’avérer long pour les personnes n’achetant pas leurs billets en ligne. 
Non, dans le sens que la SNCF ne propose aucune mesure visant à améliorer la desserte ferroviaire des territoires peu ou mal desservis, alors que chaque année des lignes sont fermées au trafic voyageur. Nous sommes donc face à une demi-mesure, qui ne répond pas aux enjeux du problème, tout en gardant en tête qu’il n’est pas sûr que la lutte contre la désertification d’une partie du territoire hexagonal passe prioritairement par un renforcement de la desserte ferroviaire. En effet, le problème principal de cette France profonde relève plus de la disparition de l’emploi, des habitants et des services publics (poste, maternité, tribunal…) que d’un problème de desserte ferroviaire, dont les fermetures de ligne apparaissent plus comme une conséquencede la concurrence routière que du déclin des territoires concernés, ce dernier élément ne faisant qu’accentuer le processus. Ne demandons donc pas à la SNCF de résoudre des problèmes d’aménagement du territoire dont elle n’est pas à l’origine !

"On peut tout faire par internet mais il manquera toujours la relation humaine" affirme Frank Lacroix, directeur général TER à la SNCF. Comment les services publics de manière générale (la Poste et la SNCF notamment) peuvent-ils concilier l'impératif d'efficacité, dans une économie largement dématérialisée, avec une dimension humaine et locale propre au rôle d'un service public ?

Le problème actuel n’est pas tant que tout peut se faire par internet que le fait que rien ne se fait en-dehors d’internet, c’est-à-dire que la dématérialisation, qui est, rappelons-le, quelque chose de positif puisqu’elle permet de limiter les déplacements de la population pour effectuer des démarches administratives, s’avère total. Il n’est désormais plus possible d’avoir accès à une personne en chair et en os lorsque les individus ont besoin de résoudre un cas particulier, ce qui arrive bien plus souvent que ne veulent bien le penser les promoteurs du tout internet. En conséquence, il convient de laisser la possibilité à la population de pouvoir contacter des personnes à l’échelon local en cas de besoin, ce qui passe par le développement de maisons de services publics suivant un maillage serré sur l’ensemble du territoire, où chaque citoyen peut venir exposer une situation complexe ne correspondant pas aux situations de base proposées par internet. Il est nécessaire que chaque français puisse avoir accès en un laps de temps raisonnable à un interlocuteur pour résoudre ses éventuels problèmes qui peuvent être difficilement résolus sans contact humain. En effet, dans le cas contraire, la dématérialisation est purement et simplement synonyme de désengagement de l’Etat. 

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