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Séminaire de rentrée LREM : qui est encore capable d’audace au sein de la macronie ?
©LUDOVIC MARIN / AFP

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A Tours, près de 230 députés sont en séminaires avant l'arrivée des ministres. Il doivent désigner le Président de l'Assemblée national qui remplacera François de Rugy.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico : De la nomination de François de Rugy en remplacement de Nicolas Hulot, à l'élection de Richard Ferrand à la présidence de l'Assemblée, la macronie semble se recroqueviller sur ses bases, par opposition à son expansion des débuts qui se caractérisait par des "prises de guerre" au sein d'autres partis. Ne peut-on pas y voir un signe d'une normalisation de LREM, ou même d'une attitude défensive de la majorité ?

Christophe Boutin : La situation n’est pas la même et, effectivement, on peut penser à des réflexes défensifs, dus en partie à la situation actuelle et en partie à une estimation assez juste des combats à mener.

 La situation actuelle d’abord. Un peu plus d’une année après le début de son mandat, Emmanuel Macron fait moins rêver en France, où il est qualifié de « Président des riches » par la gauche – ce qui n’empêche pas d’amicales retrouvailles sur le Vieux Port –, et où la droite n’a guère de peine à relever, par exemple, les dysfonctionnements en termes de politique sécuritaire, quand bien même les médias rendraient-ils compte avec une pudeur de vierge des quelques excès commis par des « déséquilibrés ».

L’image du leader s’est brouillée : est-il le « maître des horloges », restaurant la verticalité du pouvoir, ou le « teufeur » des backstages élyséens ? De plus, comme le sparadrap du capitaine Haddock, l’affaire Benalla risque de lui coller quelque temps à la peau. Mais l’image des disciples n’est pas plus claire : cette société civile qui allait révolutionner le parlement semble se transformer bien vite en parti de godillots menée par des politiciens retors, et ses représentants accumulent les bourdes tandis que la République paraît de moins en moins « exemplaire ».

Dans ce cadre, on comprend que les potentielles « prises de guerre » soient moins enclines à sauter le pas. Mais Emmanuel Macron en a-t-il vraiment besoin aujourd’hui ? C’est une autre question. Son positionnement sur l’échiquier politique est en effet clair : parti du centre-gauche, contribuant à l’effondrement du PS, il s’est ensuite étendu au centre-droit, non seulement par captation du MoDem, mais aussi par débauchage de quelques produits LR.

Peut-il encore progresser ? Ce n’est pas évident à gauche, où Mélenchon fédère les principaux opposants et est à même, au vu des sondages, de leur proposer des points de chute électoraux. Intégrer les ultimes débris du PS ? À quoi bon ? Les écologistes ? Ils manquent cruellement de figures identifiables. Ce n’est pas le cas à droite, qui fait au contraire le plein avec Raffarin, Juppé, Bertrand ou Pécresse, mais ces figures sont peut-être cette fois trop identifiables. S’ils se ralliaient, apporteraient-ils vraiment un plus en termes d’image à la macronie, ou ne s’agirait-il pas seulement d’autant d’egos difficiles à gérer, ce qu’Emmanuel Macron ne souhaite pas ? Quant à piocher dans la liste des « personnalités préférées des Français », ce marronnier des rédactions, pour rejouer l’ouverture au monde réel, les tentatives passées n’ont pas été probantes. Autant d’éléments qui expliquent donc partiellement la volonté actuelle de renforcer la colonne vertébrale de LaREM plutôt que de s’étendre encore.

Mais les combats à venir conduisent sans doute à la même conclusion. Les élections européennes seront placées sous le signe du clivage, défini par le Président lui-même, entre « progressistes » et « populistes » ou « nationalistes ». On rappellera la thématique qui prévalait il y a peu encore : « Mutti » Merkel ayant fait son temps, un brillant « young leader » devait lui succéder, après avoir fait, balayant tout sur son passage, une OPA sur un des partis européens, pour redéfinir les contours d’une Union européenne plus intégrée en même temps que plus ouverte, terrassant définitivement les spectres du monde ancien.

Mais les choses semblent se présenter moins bien, et même Christophe Castaner se rend compte que souffle en Europe comme un vent de scepticisme envers l’Union. D’où, là encore, la nécessité de constituer une équipe en plein accord avec les choix du Chef de l’État. Les autres « européistes » ou « europhiles », de gauche et de droite, seront de toute manière, dans cette campagne clivée, plus ou moins obligés de se rallier à Macron contre les « souverainistes »… sans qu’il en coûte une place sur une liste ou un poste dans l’appareil d’État.

Dans un tel contexte, quelles sont encore les personnalités de LREM ou affiliées qui pourraient encore représenter une forme de recours pour Emmanuel Macron ? Qui sont ceux qui pourraient encore donner un second souffle dans cette période sombre du quinquennat ?

Difficile de trouver des personnalités pour donner un second souffle quand l’ombre portée du maître recouvre tout. On pourrait citer des noms, comme Le Drian, sous-utilisé comme ministre des Affaires étrangères – mais parce que Jupiter seul peut représenter la France sur la scène internationale -, ou Édouard Philippe qui, même pénalisé par son 80 km/h, pourrait être plus présent - mais, là encore, il pourrait prendre trop de place. François Bayrou ? Cela permettrait d’être certain du soutien du MoDem, mais à quel prix !!

Reste à piocher parmi les obscurs qui, mis en lumière par une campagne médiatique adéquate, pourraient faire quelques passages sur les écrans et apporter la sensation d’un souffle frais. Certains visages nouveaux, et si possible divers, pourraient ainsi émerger lors de la campagne des européennes, une montée en puissance qui ne serait pas gênante puisqu’une élection à Bruxelles les maintiendrait ensuite suffisamment loin…

Quel pourrait être l'effet produit d'un tel contexte sur les élus de LREM ? Ceux-ci pourraient-ils commencer à vouloir adoucir les clivages induits par le président ?

Adoucir les clivages, ce ne sera certainement pas le mot d’ordre de l’année qui vient, car ces derniers semblent nécessaires pour les élections européennes. Gageons que, d’un côté, on nous présentera la lutte des lumières contre les ténèbres, du savoir sur l’inculture, et, surtout, de la sécurité financière contre la ruine des épargnants ; et, de l’autre, celle du peuple contre les oligarchies, des libertés contre le totalitarisme, et, surtout, de la défense de l’identité contre la disparition d’une civilisation.

Dans un tel contexte, les discours modérés seront sans doute peu audibles, ce que l’on perçoit bien dès maintenant. Les élus LaREM ne vont donc pas adoucir ces clivages mais respecter la ligne fixée par l’Élysée, à la fois par discipline interne et par choix stratégique. On l’aura compris, les choix actuels conduisent à avoir une force de frappe cohérente pour l’année qui vient.

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