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Sécurité et défense : pourquoi les succès d'Emmanuel Macron sur la scène internationale masquent un départ compliqué sur le régalien en interne
©Odd ANDERSEN / AFP

De flou en gaffes

Placer des néophites aux ministères régaliens, le choix d'Emmanuel Macron paraît très osé. Entre un Gérard Collomb qui laisse sceptique les forces de police et Sylvie Goulard qui laisse les militaire dubitatifs, rien n'est gagné pour le gouvernement Macron.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Atlantico :  Contrairement aux domaines économiques et financiers où Emmanuel Macron a su s'entourer de professionnels ayant l'expérience du terrain, il a placé aux ministères régaliens des personnes sans expérience de la fonction comme Gérard Collomb à l'Intérieur ou Goulard à la Défense (qui remplace Le Drian, qui lui, avait de l'expérience). Comment expliquer ces choix en la matière ? L'Elysée peut-il vraiment avoir la main sur tous ces postes clés ? 

Xavier Raufer : Stratégie, sécurité et défense : il est clair désormais que le "rebelle" M. Macron n'a en tête, là-dessus, que les banalités médiatiques d'usage. Ce qu'en philosophie (matière méprisée à l'ENA et dans les cénacles financiers chers au président et à son entourage) on appelle "sphère des évidences courantes". Dans lesdits cénacles, la souveraineté est secondaire, limite futile. Au gouvernement, on y affecte qui bon semble au chef, selon des considérations médiatico-administratives. Or là - ça passe mal. Je puis vous révéler que l'armée est vent-debout contre l'arrivée de Mme Goulart - qui semble ne pas même savoir par quel bout tire un fusil. Au point que le président a dû, à la dernière minute, emmener M. le Drian au Mali, la révolte des militaires locaux n'étant pas moindre.

Et cette task-force, qui sent l'improvisation métiatique ! Le 21 avril sur les Champs-Elysées, on a vu le pathétique éparpillement de notre antiterrorisme. Karim Cheurfi est aisément passé à travers TOUTES les mailles du filet : renseignement, police, gendarmerie, justice. Alors, 22 services contribuaient à l'UCLAT, plus un échafaudage de structures de tête dont l'EMOPT, lubie de M. Cazeneuve. Désormais, la task-force encore au dessus. Avec une DGSI qui n'a pas encore saisi ce qu'est un hybride terreur-crime. A quoi bon "réagir dans la demi-heure" si le diagnostic est nul ? On ajoute la précipitation à la confusion - dans un domaine où la sûreté de vue et la rapidité des échanges sont tout.

Même s'il se défend d'avoir été trop bavard, Gérard Collomb a divulgué des informations sur la tuerie de Manchester que les autorités britanniques souhaitaient garder sous silence. Un faux pas qui n'a rien d'anodin donc. Est-ce que Gérard Collomb ne perd pas là  toute crédibilité pour exercer sa fonction ? Faut-il compter sur le fait qu'il doive encore se former au poste ou son siège doit-il être remis en question par l'Elysée ? 

Le ministère de l'Intérieur est séculairement le plus dur de la République. Il faut pour le conduire une santé de fer et des nerfs d'acier. Bon maire de Lyon, M. Collomb ne semble vraiment doté ni de l'un, ni de l'autre. Au premier contact avec lui, ses grands barons police-renseignement, un peu inquiets, l'ont trouvé fatigué et ne débordant pas de projets ni d'idées, hormis sa marotte de la police de proximité - typique idée de maire. Or la police de proximité, certes, mais face à des fanatiques harnachés d'explosifs truffés de boulons type Manchester ; ou aux Kouachi-Abdeslam et leurs kalachnikov, c'est franchement léger.

Concernant les renseignements, hasard du calendrier, tous les directeurs des services (DGSE DGSI, DRM) s'en vont (départ à la retraite, passage dans le privé...) et nous sommes dans une période de flottement quant à la succession. Quels sont les risques de cette période qui conjugue amateurs et absents ? 

Imaginez le DRH d'une société importante laissant partir en même temps tous les directeurs les plus sensibles de sa boîte : il serait viré sur le champ. Cette histoire est incroyable - et encore, vous oubliez le crucial directeur du renseignement de la préfecture de police de Paris - la sécurité de la capitale face au terrorisme et au crime organisé, rien que ça - qui est lui aussi parti. Nous payons là l'attitude "après moi le déluge" de M. Hollande. Il a prolongé ses favoris du renseignement jusqu'à son propre départ, car ça le gênait de changer de tête. Vient un âge où l'on  tient à ses habitudes. Dans ces favoris, ceux qui n'avaient rien prévu de la vague terrible de terreur de 2015 (239 morts...) ; mais comme M. Hollande s'était fait à eux - qu'importe. Nul n'a été viré ou remplacé. Sous Hollande-Cazeneuve, depuis Charlie-Hebdo et l'Hyper-Cacher, rien n'a été changé des structures de l'antiterrorisme.

Voici la situation dont hérite le président Macron. Or ce qui se profile derrière le morbide et sanguinaire Etat islamique - les marionnettistes, si l'on veut - est des plus inquiétant. Nous sommes face à un ennemi redoutable qui nous perçoit, nous, bien mieux que nous le comprenons, lui. Cet ennemi commence à voir que désormais, sur l'échiquier français, on lui oppose des amateurs ou des politiciens aimables, mais fatigués. Ce, en plein tourniquet des chefs du renseignement. Gare à sa réaction. 

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