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Sécheresse :
la stratégie de l'autruche
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A l'eau ?

Alors que l'on annonce déjà une canicule pour cet été, Jean-Paul Bravard, géographe et spécialiste des fleuves, s'interroge sur les politiques mises en oeuvre pour endiguer ce phénomène.

Jean-Paul Bravard

Jean-Paul Bravard

Jean-Paul Bravard est spécialiste des fleuves. 

Professeur à l’Université Lumière-Lyon 2 et agrégé de  géographie. Ses recherches sont consacrées principalement à la morphodynamique fluviale, la géoarchéologie des plaines alluviales et la gestion de l’eau. Médaille de bronze du CNRS en 1989, il a reçu la médaille d’argent en 2004.

 

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Atlantico : pourquoi manquons-nous d’eau certaines années ?

Jean-Paul Bravard : j’ai l’impression que l’on se contente de la réglementation en place depuis 30 ans. Elle sème des arrêtés préfectoraux interdisant l’utilisation de l’eau, enfin selon certaines conditions, mais quel que soit la gravité du risque.

On préfère régler le problème au niveau départemental car cela fait moins de bruit qu’au niveau national ?

Oui j’ai l’impression. Jusqu’à présent les arrêtés préfectoraux remplissent leur rôle par une limitation drastique de la consommation. Cela se fait par étapes en juillet et en août au moment où la situation est un peu grave et cela permet de moduler spatialement les mesures. On a un territoire extrêmement varié, avec certains endroits où la limitation n'a pas à s’appliquer et certains endroits où les arrêtés peuvent être modulés a l’échelle interdépartementale.

L’utilisation des arrêtés préfectoraux est-elle une bonne façon de régler le problème ?

Si on ne le règle pas au niveau départemental, il faut le régler au niveau supérieur. Au niveau supérieur, il y a un débat récurrent qui se joue : comment constituer des réserves ? Je n’ai pas le sentiment qu’on ait une politique de réduction de la demande, on l’impose quand le moment est venu, sinon on a une liberté quasi complète de consommer. Sur les terrains agricoles l’eau est bon marché et par conséquent il y a localement des surconsommations, ce sont les arrêtés préfectoraux qui règlent ça au cas par cas. Quant à la question d’augmenter l’offre, elle est taboue. Car Il y a des mouvements locaux forts contre les barrages.

Est-ce un problème récurrent et normal au vue de la configuration de l’hexagone ?

C’est normal mais le problème est la récurrence. La sècheresse de référence reste 1976. Les cas de figure qui se présentent en France sont de type 1976. C’est le cas en 2003, un peu en 2005 et on nous annonce de nouveau cette année une forte sécheresse. Ce sont des choses normales. Elles se produisent car il y a un déficit de précipitations hivernales en raison de situations météo qui font qu’on a des anticyclones sur la partie occidentale de l’Europe, ce qui fait que les pluies ne passent pas ou peu. On sait depuis plusieurs mois qu’il va y avoir des problèmes. Maintenant ils arrivent et on ne communique pas trop dessus. Entre 1976 et 2003, il n’y a pas eu de problèmes sérieux maintenant on parle de la récurrence. Première hypothèse, est-on dans un changement climatique ? Je ne sais pas. En revanche ce qui est admis depuis 15 ans, c'est que vous avez une interférence du changement global avec l’oscillation nord atlantique, la position des masses d’air qui varie en altitude selon les années. Lorsque qu’elle est positive comme en ce moment, on a des anticyclones donc peu de précipitations. C’est cyclique, pas une tendance.

Pourtant on a l’impression qu’il a beaucoup neigé…

C’est une impression, ce n’est pas cela qui fait les stocks.

La sécheresse est-elle inévitable ?

Quand il y a des précipitations normales en hiver, elles s’infiltrent ou ruissèlent, car l’hiver il n’y a pas d’agitation pour capter les précipitations et les utiliser. A partir du mois de mars, les prairies poussent, les arbres pompent dans le sol et les précipitations qui s’infiltrent sont interceptées par la végétation. Par conséquent l’eau qui tombe ne va pas dans les nappes. Les nappes servent pour la consommation estivale…

Pour voir une amélioration, il faudrait avoir de fortes pluies, supérieures à la normale, régulières et non violentes, pour qu’elles puissent pénétrer dans le sol, au-delà de la saturation, pour qu’il y ait un excèdent par rapport à ce que la végétation a consommé et ça c’est très difficile au mois de juin. Ce n’est pas fait pour, il y a un effet tampon des sols à cette période.

L’été "pourri" durant lequel il fait gris, pas très chaud et où il pleut, sauve-t-il les choses ?

Oui, dans la mesure où en fournissant directement de l’« eau verte », de l’eau utilisable par l’agriculture, il peut dispenser de pomper et d’irriguer. Encore que l’on voit très fréquemment sous la pluie, les irriguants de maïs faire tourner leur système. L’été "pourri" résout partiellement le problème pour certains types de serres agricoles mais pour le fonctionnement des rivières, cela sera perdu.

Quel est le scénario de la sécheresse 2011 ?

Selon uneprévision à long terme de météo France, dont je ne sais pas si elle a été confirmée, le scénario serait une canicule pour cet été, dès le mois d’août. Il y a déjà des départements où l’arrêté a été pris.

On passe l’été en économisant l’eau et on arrive à l’hiver…

On a très rarement deux hivers consécutifs secs. Après 1976 et 2003, les pluies étaient revenues à la normale, les nappes s’étaient rechargées dès l’automne. Évidemment rien n’empêche statistiquement un autre hiver sec.

L’agriculture en France en 2011 n’est pas celle de 1976…

Après 2003, on a observé une adaptation surprenante des agriculteurs. Il y a eu une adaptation des cultures au manque d’eau et une réduction de conversion pour du maïs au profit du blé. Cela a limité la consommation, c’est une capacité de réaction intéressante.

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