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SEB, une industrie qui a changé la vie
©Capture d'écran // France 3

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Cet été sur Atlantico, Jean-Marc Sylvestre retrace la saga des grandes marques françaises. De leur naissance à leurs mutations forcées, ce sont des histoires d’hommes et de femmes, de rencontres, de trahisons mais surtout de succès. Aujourd’hui, l’entreprise SEB. Comment la « société d’emboutissage de bourgogne » a révolutionné l’électroménager… De la cocotte minute des années 50 à la friteuse sans huile, de Moulinex à Calor? Découvrez comment cette marque née il y a 160 ans est devenue un champion mondial.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le succès de SEB est incontestable : la petite entreprise lyonnaise a aujourd’hui fait le tour du monde. Et ça marche parce qu‘on utilise du SEB comme Mr Jourdain faisait de la prose. Sans le savoir. SEB est partout. Dans la cuisine mais pas seulement, dans la salle de bain aussi !   

Moulinex, et ses robots c’est du SEB, Krups, Tefal c’est du SEB, Calor, les séchoirs à cheveux, Rowenta, Lagostina, toutes ses marques appartiennent à la même famille.

150 pays où SEB est présent sous près de 30 marques différentes. Il n’y a pas d’autres exemples de mondialisation aussi aboutie.

Depuis 160 ans et 5 milliards de chiffre d’affaires plus tard, on s’aperçoit que c’est une famille qui a toujours piloté la fusée. La famille Lescure. Dans sa province d’origine, avec ses habitudes et sa culture de la discrétion.

Dans les années 1850, Antoine Lescure, rétameur ambulant venant d’Auvergne, parcourt la région au milieu du XIXème siècle. Un jour, il s’arrête à Selongey et s’installe dans le village comme petit artisan, il fabrique des sceaux, des arrosoirs, des entonnoirs et fait vivre sa famille, modestement.

Il crée une entreprise, dès 1857, avec un journal de caisse et un 1er employé.

 On ne roule pas sur l’or quand on est ferblantier, mais on est indépendant.

Quelques années plus tard, en 1865, son fils, Jean, reprendra l’atelier et perpétue la tradition familiale. Mais en 1900, la France a déjà beaucoup changé, le chemin de fer, l’industrie, l’école. Jean se rend à Paris, visiter l’exposition universelle. Jean débarque, gare d’Orsay au pied de la tour Eiffel, il découvre que Paris est dans le 20e siècle.

Le passe-lait

A l’expo universelle, Jean tombe sur une machine bizarre, c’est une presse à emboutir. L’emboutissage c’est le travail du fer à froid, sans fusion.

La presse à emboutir, c’est de la science fiction, parce que jusqu'à maintenant, il travaillait le fer à chaud en tapant dessus avec un marteau, à la main. Ca représente un gros investissement, cette machine, mais Jean Lescure, sait qu’elle va bouleverser son destin. Il sera le premier dans la région. C’est le début de la mécanisation de la production. Du coup, le petit atelier de son père va grossir, il emploie 60 ouvriers.

Après la Grande guerre, les 3 frères Lescure repartent de zéro. Ils se creusent la tête et vont développer un premier produit vedette. C’est le passe-lait embouti avec tamis interchangeables. Ce coup de génie, est d’avoir perfectionné et fabriqué un ustensile, très simple, facile à utiliser et pas cher. Ce produit a complètement disparu mais à l’époque la France est encore très rurale, on consomme du lait qui vient directement de la ferme. Le passe-lait permet de l’écrémer et de récupérer le beurre.

De bouche à oreille, le passe-lait va entrer dans toutes les familles.

La cocotte-minute

En 1944, le petit atelier de l’arrière-grand-père va devenir la société d’emboutissage de Bourgogne. SEB c’est plus simple.  Après la guerre, on reconstruit à tout va. L’eau courante arrive partout, le gaz, l’électricité, les voitures automobiles, les maisons poussent comme des champignons. La première préoccupation du général de Gaulle sera de sécuriser les approvisionnements en produits alimentaires. Les Français ont maintenant de quoi faire manger les enfants nombreux du baby-boom, ils commencent même à vouloir cuisiner et manger plus sainement. Plus sainement ça veut dire. Avec moins de graisses, moins de beurre. 

A la SEB, comme on dit en Bourgogne, on a tout compris. SEB va fabriquer un produit qui va lui apporter, non seulement la fortune, mais la notoriété partout en France. C’est la cocotte minute. Et cette cocotte, c’est la poule aux œufs d’or. Seb en a vendu à ce jour plus de 60 millions dans le monde.

Comme souvent, le succès commercial n’est pas arrivé par hasard. Cette cocotte a tout pour plaire.

D’abord, elle offre une cuisson à la vapeur, sans graisse. C’est important

Ensuite ça va vite ; donc ça consomme moins de gaz. Alors bien sûr, cuire un civet de lapin en 20 minutes c’est peut être moins glamour que de le laisser mijoter 4 heures, mais ca permet de gagner du temps. La famille mange mieux et madame a plus de temps pour travailler ou s’occuper d’elle, c’est tout bénéfice.

Avec la Super Cocotte, SEB fait aussi ses premiers pas dans la publicité sous l’impulsion d’Emmanuel Lescure, fils aîné de Frédéric Lescure.

Emmanuel va introduire avec succès les méthodes du marketing moderne et il va innover dans la création publicitaire : slogans, concours de décoration de vitrine, véhicules publicitaires qui sillonnaient les routes, affichage, etc.

A la fin des années 1970, la crise pétrolière a changé la donne et la cuisine des Français commence à déborder d’appareils électro ménagers.

Ce marché a aiguisé les appétits. Beaucoup de marques ont fleuri. SEB va s’intéresser aux fers à repasser, au chauffage, aux sèche-cheveux, puis aux aspirateurs en rachetant des marques existantes. Calor va permettre à SEB de sortir de la cuisine et de s’occuper du ménage et de la personne.

Du coup, tout va très vite, SEB va occuper l’Europe toute entière, l‘Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie, l’Espagne mais l’Europe ne lui suffit plus.  SEB va s’étendre en dehors de l’Europe, dans des pays matures plus éloignés, aux Etats-Unis, au Canada, au Japon.

Ensuite, dans les années 90, les potentiels de croissance sont ailleurs, le monde émergent rêve de basculer lui aussi, dans la consommation de masse.

Devant cette mutation géopolitique, le Groupe va partir à la conquête du monde qui se réveille : la Russie et les pays de l’Est, l’Amérique du Sud, avec le Brésil et la Colombie.  Partout, il va implanter soit des filiales commerciales, soit acheter des acteurs locaux. Et SEB va respecter l’identité de ces marques parce que ces marques collent aux  habitudes locales. Au rituel.

Les marchés d’avenir sont là-bas mais ils sont fragiles. A la fin des années 90, c’est l’effondrement de la Russie, les dévaluations sud-américaines et asiatiques. Pour SEB le choc est rude car ces marchés qui s’étaient développés à toute vitesse, s’effondrent les uns après les autres, mais SEB tient car ses bases sont solides. Pour d’autres entreprises, plus fragiles, c’est plus difficile et notamment pour Moulinex

Moulinex, c’est le concurrent historique de SEB, son outil industriel est en Normandie. L’entreprise va mal. Créée et gérée pendant un demi siècle par Jean Mantelet, Moulinex a connu son triomphe pendant les années 60 avec la même thématique, Moulinex libère la femme disait la pub… un peu comme la cocotte minute mais avec un moulin à légumes électrique

Mais un jour pour mieux la libérer encore, Jean Mantelet découvre le four à micro-ondes et investit comme un malade, l’erreur fatale. C’est un autre métier. Le produit est parfait. Mais Daewoo, le Coréen, débarque en Europe et réussi à fabriquer des micro-ondes deux fois moins chers. Et puis Moulinex n’est pas compétitif par rapport aux produits asiatiques.

Moulinex dépose son bilan. La basse Normandie est saignée, plus de  5000 personnes perdent leur emploi.

Seb va racheter et sauver ce qui pouvait l’être. Les marques Moulinex et Krups.

Au  passage de l’an 2000, s’est donc installé un nouveau Président, Thierry de la tour d’Artaise. Il est de la famille lui aussi, enfin presque. Il a épousé une descendante Lescure, Bénédicte.

Thierry de la Tour d’Artaise a tiré les leçons de l’affaire Moulinex, avec  deux convictions : la première, l’avenir de SEB va passer par l’innovation dans les pays matures car on ne peut lutter contre les produits chinois par les coûts et il faut spécialiser les usines européennes sur les produits à forte valeur ajoutée ; la deuxième, l’avenir de SEB va également se jouer au grand large. SEB n’a pas d’autres choix possibles.

En Chine, SEB n’existe pas, la marque phare, c’est SUPOR, en Colombie c’est IMUSA. Au total, près de 30 marques différentes pour la cuisine, l’aide au ménage et le soin de la personne. On garde les marques locales pour ne pas perdre les consommateurs.

Respecter le client, mais l’étonner, le surprendre en permanence. Du coup SEB est une énorme machine à déposer des brevets. Plus de 100 par an, dans tous les pays du monde.

L’innovation est imposée par la révolution numérique. Internet s’est imposé dans la cuisine.

Non seulement, SEB nous vend des appareils et des ustensiles de cuisine, mais SEB va nous dire comment les utiliser. Seb va aussi nous dire ce que nous devons cuisiner compte tenu de notre poids, de notre activité.

La révolution est là : la relation avec le client consommateur va pouvoir devenir quotidienne. Chez SEB, des centaines d’ingénieurs travaillent sur ces questions en liaison avec les ténors mondiaux de la high Tech, les Facebook ou les Google.

Dans très peu de temps, on jettera le fer à repasser et la cocotte minute, pour les remplacer par le robot ménager. Lui sera capable d’aspirer la poussière, de nettoyer les vitres et de préparer le repas . Il ne remplira pas le frigo, mais on lui demandera de passer les commandes.

SEB travaille sur cette cuisine connectée et autonome, comme Renault travaille sur la voiture sans chauffeur, sauf qu’il fait moins de bruit.

Seb a fait l’objet d’un documentaire, produit et réalisé par JMS Prod et Redtime, disponible sur YouTube.

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