Saurons-nous nous adapter face au défi du changement climatique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un important trafic automobile sur les routes de France.
Un important trafic automobile sur les routes de France.
©GERARD JULIEN / AFP

Bonnes feuilles

François-Marie Bréon a publié « Réchauffement climatique » aux éditions HumenSciences. En distinguant clairement les certitudes scientifiques et les simples hypothèses, le physicien François-Marie Bréon nous donne les moyens d'avoir une opinion éclairée sur le réchauffement climatique, ses causes, ses impacts et les possibilités d'actions. Il souligne l'importance des citoyens que nous sommes tous, pour gagner la bataille du climat. Extrait 2/2.

François-Marie Bréon

François-Marie Bréon

François-Marie Bréon est chercheur physicien au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement. Il a participé à la rédaction du 5ème rapport du GIEC. Il est spécialiste de l'utilisation des données satellitaires pour comprendre le climat de la Terre. Membre du conseil scientifique de l'Association française pour l'information scientifique (Afis).

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Prédire l’avenir est un art difficile et pas plus que quiconque, je n’ai de boule de cristal à ma disposition. Si je peux prétendre anticiper l’avenir lorsqu’il est question de climat parce que les lois de la physique sont relativement bien connues, je reste très prudent quand il s’agit de prédire l’évolution des comportements humains. Ici mes réflexions sont donc personnelles.

Tout d’abord, je ne crois absolument pas, même en supposant des scénarios catastrophes, que l’humanité va s’éteindre à cause du changement climatique. Les espaces raisonnablement habitables vont probablement se réduire significativement, mais ils ne vont pas disparaître pour autant. L’Homme a montré une capacité d’adaptation remarquable puisque des communautés ont pu vivre en relative autarcie, dans des climats aussi divers que les forêts tropicales, les oasis du désert saharien, les côtes du Groenland ou les hauts plateaux du Tibet.

En revanche, je suis personnellement dubitatif sur la capacité de la planète à accueillir une population toujours croissante et qui dépasse déjà les sept milliards d’habitants. Je suis même fortement inquiet à ce sujet. Notre planète n’a jamais accueilli une telle population ; la pression sur l’environnement devient extrême et il est clair que l’on puise aujourd’hui à un rythme effréné des ressources non renouvelables. Cette pression sur l’environnement est désormais popularisée par le concept « jour du dépassement », auquel je n’adhère pas totalement car il me paraît trop réducteur (la vitesse d’extraction, en regard du stock disponible ou son renouvellement, est très variable suivant la ressource considérée). Cet indicateur a néanmoins un intérêt pédagogique, celui de nous montrer le caractère non durable de notre civilisation. Il montre que nous utilisons le stock des ressources de la Terre à un rythme beaucoup plus rapide que les capacités de remplacement, ce qui conduit naturellement à un épuisement des réserves. Bien évidemment, si nous étions beaucoup moins nombreux, les problèmes ne seraient pas du même ordre. La pression sur l’environnement est le résultat, d’une part, d’une population croissante et, d’autre part, de l’empreinte de chaque individu.

Le changement climatique va aggraver cet impact et les conditions de vie des humains vont nécessairement se dégrader. Parce que les zones favorables vont se réduire et parce que c’est l’énergie fossile, produite par la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz fossile* , qui permet la subsistance des populations. En effet, elle rend possibles la fabrication des engrais et l’agriculture intensive, elle transporte les aliments d’une région à une autre, elle permet le chauffage et la climatisation… Avec moins d’énergie, il sera beaucoup plus difficile de créer l’environnement nécessaire à la subsistance de milliards d’êtres humains.

Or, cette énergie, il va falloir s’en passer. Que ce soit par choix (celui de limiter le changement climatique en le cantonnant à un niveau considéré comme supportable) ou par obligation – tout simplement parce que les ressources fossiles ne sont pas infinies. Certes, on peut imaginer une société fondée sur des ressources non fossiles (c’est l’objet des derniers chapitres de ce livre), mais je crains que cela soit insuffisant.

Ainsi, l’adaptation de l’Homme au changement climatique va être particulièrement difficile parce qu’il faudra y arriver tout en vivant progressivement avec beaucoup moins d’énergies fossiles que celles qui sont à notre disposition aujourd’hui. Pour certains pays (je pense à la France en particulier), se passer de ces hydrocarbures me paraît nettement plus ardu que la seule question de l’adaptation au changement climatique. Pour d’autres, en particulier ceux, très nombreux, en voie de développement, qui utilisent beaucoup moins d’énergie que nous, c’est bien le réchauffement du climat qui est la première menace.

Je crains donc que la concomitance des impacts du changement climatique et de la diminution (choisie ou contrainte) des énergies fossiles, entraîne des perturbations considérables, partout dans le monde. Il est souvent dit que les migrations importantes auxquelles on assiste aujourd’hui sont, pour certaines, liées au climat. C’est probablement un des facteurs, mais je ne suis pas persuadé qu’il soit déjà dominant. À l’inverse, il paraît certain que, dans le futur, certaines régions ne pourront plus nourrir leur population, voire subiront parfois des températures difficilement supportables par les organismes, ce qui conduira à des départs massifs. La grande question est donc de savoir comment seront acceptées ces migrations. Seront- elles coordonnées ou combattues ? Et les territoires de destination, pourront-ils supporter cet afflux de population ? Je ne prétends pas avoir la réponse, mais les événements passés ne poussent pas à l’optimisme ; la générosité de l’humain a montré qu’elle atteignait vite ses limites.

S’ADAPTER AU CLIMAT, OUI, MAIS À QUELLE ÉCHÉANCE ?

Lorsque l’on pose la question des possibilités humaines d’adaptation à un environnement climatique chamboulé, on oublie souvent de préciser à quelle échéance on se situe. Parle-t-on des trente prochaines années, période que vont vivre ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir et qui ont la possibilité de modifier les trajectoires, ou à plus long terme, ce qui concerne les plus jeunes, voire tous ceux qui ne sont pas encore nés ?

À court terme, le changement climatique restera modéré ; nous vivrons des canicules plus intenses et plus fréquentes, quelques événements extrêmes, dans le sens où ils se produiront là où ils ne sont pas attendus, mais cela sera gérable, dans la grande majorité des cas. Puisque les conséquences resteront modérées, les adultes d’aujourd’hui ont peu d’incitation personnelle à modifier leur comportement. Les impacts surviendront surtout dans la seconde moitié du XXIe siècle et au- delà ; ils affecteront des populations qui ne sont pas encore nées, ou qui n’ont actuellement aucun ou très peu de pouvoir de décision. Certains l’ont compris et c’est ce qui explique, je pense, les révoltes des jeunes incarnés par la militante Greta Thunberg.

Soyons clairs, il n’y a pas de lien immédiat entre les efforts faits à court terme pour diminuer les émissions et le climat des toutes prochaines décennies. C’est pourquoi la lutte contre le changement climatique ne peut être qu’un choix altruiste, que l’on fait en pensant aux générations futures plus qu’à soi- même. C’est sans nul doute l’un des plus grands défis et peut-être même le principal frein à la mise en place des mesures nécessaires : le coût est immédiat alors que le bénéfice est lointain et ne sera pas ressenti du vivant des décideurs…

Bien évidemment, l’adaptation au changement climatique deviendra plus difficile au fur et à mesure que son amplitude ira en augmentant. À un moment, il sera quasiment impossible de revenir en arrière. Ainsi, une hausse du niveau des mers de plusieurs mètres est déjà écrite. Même si l’on arrive à stabiliser le climat à 1,5 ou 2 °C de hausse de température (ce qui est déjà très ambitieux), la chaleur supplémentaire va pénétrer progressivement dans l’océan et le faire gonfler, conduisant inexorablement à l’élévation de sa surface. De même, le Groenland va continuer de fondre progressivement, apportant de l’eau à l’océan et faisant monter le niveau des mers. Ces processus sont lents, mais inéluctables. Les générations futures vont devoir s’y adapter et ce sera de plus en plus difficile pour elles.

Ce qu’il faut retenir

Les changements climatiques à venir seront majeurs et leurs conséquences ne vont aller qu’en s’amplifi ant. Ces dernières ne seront pas identiques partout et impacteront des communautés humaines qui n’ont pas la même vulnérabilité ni les mêmes ressources d’adaptation.

Il sera d’autant plus difficile de faire face que l’humanité devra, dans le même temps, diminuer son usage des énergies fossiles. Le monde entre clairement dans une période dangereuse, même si le pire n’est jamais certain.

A lire aussi : Réchauffement climatique : les impacts déjà visibles sont les prémices de ce qui nous attend

Extrait du livre de François-Marie Bréon, « Réchauffement climatique », publié aux éditions HumenSciences

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