Sans la participation des électeurs de gauche, François Fillon aurait probablement remporté la primaire dès le premier tour<!-- --> | Atlantico.fr
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Nous pouvons constater que les électeurs considèrent que Alain Juppé est le meilleur pour pouvoir incarner la fonction présidentielle, beaucoup plus que François Fillon, en tout cas d’après les sondages de la semaine dernière.
Nous pouvons constater que les électeurs considèrent que Alain Juppé est le meilleur pour pouvoir incarner la fonction présidentielle, beaucoup plus que François Fillon, en tout cas d’après les sondages de la semaine dernière.
©JEAN-FRANCOIS MONIER LOIC VENANCE / AFP

Et si la gauche ne s'était pas déplacée

Après ce premier tour de la primaire de la droite et du centre, la victoire de François Fillon aurait pu être encore plus importante si les électeurs de gauche ne s'étaient pas mobilisés. Mathématiquement le désaveu de la droite envers Alain Juppé aurait pu avoir comme conséquence la victoire de François Fillon dès le premier tour. Cependant, le débat de cette semaine peut encore avoir un impact sur les résultats de dimanche prochain.

Frédéric Dabi

Frédéric Dabi

Frédéric Dabi est directeur général adjoint de l'Ifop et directeur du pôle Opinion et Stratégies d’entreprise.

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Jean-Daniel Lévy

Jean-Daniel Lévy

Jean-Daniel Lévy est directeur du département politique & opinion d'Harris Interactive.

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Atlantico : Comment peut-on mesurer et interpréter l'impact qu'ont pu avoir les électeurs de gauche sur le résultat finalement réalisé par Alain Juppé ? Si ces derniers n'avaient pas voté, quel aurait été le résultat de l'élection ?

Frédéric Dabi : Dans les enquêtes de l'Ifop faites avant le scrutin ou celles de confrères faites le jour du vote, on voit que les sympathisants de gauche sont un électorat minoritaire mais pas marginal. Environ 12% d'électeurs se disant de gauche ont voté ce dimanche. Quand on ramène ce chiffre à la participation - qui dépasse les 4 millions -, ça fait 480 000 voix qui se sont implémentées dans le rapport de force électoral.

Il est très difficile de dire exactement comment ces voix se sont réparties : on peut imaginer qu'elles sont allées majoritairement chez Alain Juppé, mais elles ont pu aller chez Nathalie Kosciusko-Morizet, chez Bruno Le Maire, voire chez François Fillon. Les enquêtes qualitatives et les questions ouvertes ont mis en évidence que l'anti-sarkozysme a été le moteur des électeurs de gauche ayant voté à la primaire : un sondage Ifop pour L'Obs a montré que les deux motivations majeures du vote de ces électeurs à la primaire étaient premièrement faire battre Nicolas Sarkozy et deuxièmement éviter un second tour Nicolas Sarkozy- Marine Le Pen.

Si Alain Juppé a fait des scores meilleurs que ceux de Fillon dans des territoires marqués à gauche (l'est parisien, la Seine Saint-Denis, Mantes la Jolie etc.), attention aux contre-sens : en 2011, Manuel Valls a eu des scores plus élevés dans les 16e et 7e arrondissements de Paris, des territoires marqués à droite. Est-ce parce que des gens de droite ont voté pour lui ou parce que malgré tout il y a des gens de gauche dans le 7e, le 16e qui sont allés voter ? Par ailleurs, dans l'est parisien, la gauche n'est pas hégémonique et la droite existe (elle a même progressé, en dehors du 20e arrondissement, lors des élections municipales). Attention donc à ne pas sur-interpréter même si on peut avoir une intuition : dans la dernière enquête électorale de l'Ifop auprès des sympathisants de gauche, Alain Juppé obtenait 58% des voix. 58% de 480 000, ça fait 250 000 électeurs de gauche qui auraient voté Juppé. Alain Juppé est certes majoritaire mais il n'est pas hégémonique. 

Le fait majeur de la primaire de ce dimanche, par homothétie avec la primaire socialiste d'octobre 2011, est que l'électeur type, majoritaire, est un électeur de droite et du centre, plutôt de droite d'ailleurs.

Jean-Daniel Lévy : Près d’un électeur sur deux qui a voté pour Alain Juppé provient effectivement de la gauche et du centre, ce qui n’est pas négligeable. Si cet électorat ne s’était pas déplacé pour voter pour le maire de Bordeaux, il aurait donc probablement réalisé un score deux fois inférieur. Mathématiquement si les électeurs de gauche ne s’étaient pas déplacés, François Fillon aurait pu gagner dès le premier tour.

Cela étant cette hypothèse doit être regardée d’un point de vue politique. Si nous soustrayons les électeurs, nous considérons l’intérêt que certains ont à aller voter et que d’autres n’ont pas. Si François Fillon a réalisé ce score là c’est aussi parce qu’il a réussi à parler à un électorat qui était promis à Nicolas Sarkozy.

Cette hypothèse est intéressante politiquement, même s'il s’agit d’une hypothèse d’école : la campagne d’Alain Juppé correspond au rassemblement d’électeurs qui ne sont pas de droite. Il faut néanmoins aussi considérer le fait que si les électeurs de gauche ne s’étaient pas déplacés, la campagne aurait été différente et son discours aurait pu toucher d’autres personnes, des électeurs de droite. 

En réalité, Alain Juppé a bénéficié d’un apport de voix important de la gauche et du centre car mais cet électorat là s’est mobilisé autour de thématiques de campagne ; si ces thématiques avaient été différentes, des électeurs de droite ou même d’extrême droite auraient pu se retrouver derrière Alain Juppé. Cependant, ces résultats sont révélateurs d’une absence d’engouement à l’égard du maire de Bordeaux.

Qu'est-ce que cette participation en faveur du maire de Bordeaux peut nous dire sur sa capacité à incarner la droite ? Qu'est-ce que cela dit, à l'inverse, du rapport qu'entretiennent les électeurs de droite vis-à-vis d'Alain Juppé ? Dans ces conditions, a-t-il une chance de l'emporter dimanche prochain lors du second tour de la primaire de la droite ?

Quand nous observons les différentes enquêtes et notamment celle que nous avons réalisée pour LCP, nous pouvons constater que les électeurs considèrent que Alain Juppé est le meilleur pour pouvoir incarner la fonction présidentielle, beaucoup plus que François Fillon, en tout cas d’après les sondages de la semaine dernière.

Il va y avoir un débat cette semaine, potentiellement sur des thèmes de société. La question de fond majeure qui sera certainement posée est : faut-il des mesures radicales ou non dans notre pays ? Si les électeurs pensent qu’il faut des mesures radicales alors ils voteront pour François Fillon, s’ils veulent des mesures moins radicales, plus rassembleuses, ils se dirigeront vers la candidature d’Alain Juppé.  

Mathématiquement, aujourd’hui, une victoire d’Alain Juppé paraît très difficile. Le seul aspect qui nous est inconnu est que les électeurs de gauche, du centre et même d’une partie de la droite ne connaissent pas les orientations portées par François Fillon. Tous n’ont pas identifié les mesures en matière sociale, en matière économique et en matière de société portées par François Fillon. L’issue de ce débat va donc être fondamentale.

La significative représentation des sympathisants de gauche (15%), sans oublier ceux du FN (8%), qui se sont déplacés pour voter dimanche 20 novembre ne permet-elle pas de considérer ce premier tour de la primaire, et la primaire d'une manière générale, comme une élection présidentielle avant l'heure ?

En analysant la composition du corps électoral, nous pouvons constater que toute une partie de la gauche, du Front national et même du centre ne se sont pas déplacés. Nous ne pouvons pas considérer que les 4 millions d’électeurs de cette primaire s’apparentent à 44 millions de Français. Les enjeux de cette primaire sont des enjeux propres à la droite. La raison pour laquelle la plupart des électeurs de gauche et du Front national ne sont pas allés voter c’est qu’ils ont considéré que c’était une élection de la droite qui ne les concernait pas.

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