Sanctions contre la Russie : les premiers effets boomerang ? Voilà ce qui se passe vraiment sur les marchés de matières premières<!-- --> | Atlantico.fr
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Une photographie prise le 4 mars 2022 à Zoug montre le signe de la société de projet de pipeline, Nord Stream 2.
Une photographie prise le 4 mars 2022 à Zoug montre le signe de la société de projet de pipeline, Nord Stream 2.
©Fabrice COFFRINI / AFP

Alerte au canari dans la mine ?

S’il paraît contrintuitif de s’inquiéter pour un marché sur lequel les prix s’envolent, il ne faut pas mésestimer l’énorme impact déstabilisateur de la volatilité de ces mêmes prix sur des opérateurs dont une grande part de l’activité repose sur des paris à terme comme le révèle une lettre alarmiste de la Fédération européenne des négociants en énergie.

Alexandre Baradez

Alexandre Baradez

Alexandre Baradez, 33 ans, diplômé de l'ESCE (Paris/La Défense) en 2003 a d'abord évolué plusieurs années chez BNPPARIBAS puis la Banque ROBECO en gestion privée avant de rejoindre SAXO BANQUE en 2009 en tant que Sales Trader. Son expérience des marchés financiers et plus particulièrement du marché des devises lui confère rapidement le rôle d’Analyste Marchés. Interlocuteur privilégié des médias français, il délivre quotidiennement des analyses sur les marchés financiers, tendances, risques macro-économiques et participe régulièrement à des conférences dédiées aux investisseurs. En novembre 2013, il rejoint le groupe IG, leader mondial des CFD, côté à Londres au FTSE 250, en tant que Chief Market Analyst.

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Atlantico : Que se passe-t-il actuellement sur le marché des matières premières ?

Alexandre Baradez : Avant la crise ukrainienne, le prix des matières premières et des métaux industriels était déjà en train de monter. Et l’évolution liée à l’écologie de la transition énergétique bousculait le marché. Ensuite, il y a eu une tension sur d’autres matières comme le pétrole. L’économie mondiale a très fortement repris après la crise sanitaire et les États-Unis étaient devenus indépendant avant la crise Covid en termes de production énergétique. Après la crise Covid, ils ont décidé de réouvrir leur capacité mais de manière plus limité qu’avant, ils n’ont pas retrouvé leur capacité pré-crise. Les pays de l’OPEP et hors OPEP, eux, ont retrouvé un taux de production relativement normal, mais comme certains pays n’ont toutefois pas retrouvé leur capacité de production pré-Covid, cela a créé des tensions face à la forte demande mondiale et la sous-alimentation du marché mondial en pétrole a tiré les prix à la hausse. 

Si l’on regarde la crise Ukrainienne sous le prisme des matières premières, cela fait intervenir la Russie. Pour le marché des matières premières, c‘est un pays riche en métaux (aluminium, nickel etc…), en ressource gazière et pétrolière et en ressource agricoles, c’est-à-dire trois importantes catégories de matière première. Au déclenchement de la crise, il y a alors eu une envolée des prix. Contrairement aux crises dans le Moyen-Orient, tous les marchés des matières premières se sont emballés car la Russie est un acteur majeur en terme d’approvisionnement de nombreuses matières premières et pas seulement l’énergie. 

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À l’image des marchés actions, si l’on a une mauvaise nouvelle avec des tensions et des bombardements, les matières se tendent très fortement. Si le lendemain, nous avons des déclarations d’officiels indiquant que des discussions entre l’Ukraine et la Russie se poursuives malgré les tensions, le marché des matières premières corrige à la baisse. En résumé, lors de l’escalade des tensions, le pétrole pouvait prendre 10 à 15 % par jour, et lorsque les discussions ont commencé, on a vu le pétrole corriger de plus de 20 dollars sur une seule journée, ce qui est gigantesque et traduit une forte volatilité. 

Quels problèmes cette volatilité pose-t-elle ?

Lorsque les marchés actions vont voient que les cours de l’énergie grimpent, cela se révèle défavorable pour tel ou tel secteur. Le problème se pose plutôt pour ceux qui doivent se couvrir. Des entreprises qui ont besoin d’une visibilité sur six ou douze mois vont devoir acheter et décider le moment pour acheter leur matière première dans l’année. Celui qui a besoin de prévoir son stockage d’énergie à l’horizon moyen terme ne pourra pas savoir à quel moment le faire. Cela pose un vrai problème de couverture, un risque de prix pour les acteurs de l’économie réelle et ceux qui traient les matières première. 

Les variations de cours rendent alors les prévisions et l’établissement de budgets difficiles, pour les intermédiaires cela implique des problèmes de gestion de trésorerie. 

Les entreprises qui avaient déjà facturé leurs clients doivent être certain d’avoir une marge sur ce qu’elles vont livrer. Si elles ne sont pas couvertes, elles paieront beaucoup plus cher et perdront de l’argent. Au Royaume-Uni, il y a eu des faillites avant la crise ukrainienne avec l’augmentation de l’électricité.

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L’European Federation of Energy Trader a publié une lettre ouverte dans laquelle elle appelle à ce que les banques centrales fournissent des liquidités pour soutenir les marchés des matières premières. Pourquoi demander un tel soutien ?

Le rôle du banquier central est d’assurer la stabilité des prix et l’emploi. Cette mission de stabilité des prix a été quelque peu fourre-tout durant la crise Covid car les prix avaient fortement chuté. La FED, la BCE et les principales banques centrales ont alors soutenu l’économie en achetant des actifs. L’axe choisi par l’EFET est celui-ci : comme on sait que les prix de l’énergie flambent (l’une des plus grosses composantes de l’inflation), il faut que les institutions garantissent une couverture pour que l’on assure le fonctionnement normal de ce marché. Les prix seront alors plus normaux et participeront moins au schéma inflationniste. Pour l’instant cela semble très peu réaliste car lorsque l’on écoute les différents membres de la BCE, on comprends qu’ilsne vont pas recourir au « quoi qu’il en coûte » de nouveau. Aujourd’hui, malgré la crise ukrainienne la BCE ne flanchera pas et ne fera pas marche arrière et elle va poursuivre la baisse des achats d’actifs enclenchée il y a quelques mois. Et pour la FED c’est la même chose. On ne veut pas relancer les achats d’actif, c’est même complètement l’inverse en raison des niveaux d’inflation. Fixer des règles sur ces marchés aurait un coût énorme et les États ne peuvent pas se substituer au marché de l’énergie si les matières premières ne sont pas là. Quelques mesures de soutien sont possible mais pas une substitution globale au marché de l’énergie par les institutions. 

À quel point cette situation peut-elle avoir des conséquences sur l’avenir ?

Le facteur de stress ou de détente futur ce sera la crise géopolitique. Tout repose là-dessus. S’il y a un cessez-le-feu demain, les prix du baril et du gaz tomberont. Les marchés vont anticiper et vont fonctionner de manière plus normale avec une détente instantanée des cours. C’est impossible de faire des prévisions fiables aujourd’hui, cela dépend exclusivement de la situation sur le terrain militaire.

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