Sampling littéraire : intertextualité, poil au nez !<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Sampling littéraire : 
intertextualité, poil au nez !
©

Zone franche

Comme auteur et comme journaliste, Joseph Macé-Scaron a certainement beaucoup de talent mais c’est quand même un sacré copieur.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

Voir la bio »

Le débat sur le plagiat n’est pas nouveau, et les arguments des « pros » comme des « antis » sont tellement usés qu’ils finissent par ressembler au recyclage littéraire qu’ils prétendent déconstruire…

Sacrée mise en abyme.

Mais c’est peut-être (et je présente préemptivement mes excuses à quiconque aurait déjà émis le jugement qui suit) que tout ça n’est qu’une affaire d’opinion et de point de vue.

La Fontaine qui adapte Esope avec talent dans le contexte de la France de Louis XIV, c’est du vol ? Bien sûr que non. Le pipole dont le collaborateur anonyme prélève de gros extraits de la biographie d’un écrivain majeur pour en torcher une nouvelle et insipide mouture, c’est un plagiaire ? Bien sûr que oui.

Voilà mon point de vue sur la question. Rien de bien fracassant ? Vous aviez déjà lu ça quelque part ? Vous l’aviez même pensé avant moi ? C’est possible mais je vous avais prévenu.

L’affaire « Ticket d’entrée », si elle n’est pas aussi extrême que mon pathétique second exemple (je n’ai pas lu le livre de Macé-Scaron mais j’entends dire que les « emprunts » sont rares et que le travail original vaut le coup d’œil), nous conduit manifestement du côté obscur de la farce. Et pour tout son baratin sur l’art subtil de « l’intertextualité », il semble qu’il franchisse aussi régulièrement qu'allègrement les frontières qui séparent l’hommage du (gra)pillage.

Le minuscule auteur que je suis passe d'ailleurs trop de temps à fignoler ses pesants paragraphes pour imaginer qu’il soit possible d’oublier, à la relecture, que des guillemets ou une note de bas de page se sont faits la malle ici ou là… Ça n’empêche pas la récupération involontaire et subconsciente d’un truc lu ici ou là ― ecce homo[1] ―, mais le coup de la citation noyée par inadvertance dans sa propre prose, « bullshit » ![2]

On objectera qu’à l’heure du « sampling » comme forme légitime d’expression musicale, l’échantillonnage littéraire pourrait bien se voir accorder le rang de « genre » ― et pourquoi pas ? On pourra même rappeler que l’alphabet n’ayant jamais que 26 lettres, lorsqu’elles auront été combinées entre elles à 403 291 461 126 605 635 584 000 000 reprises une première fois, il ne sera plus possible d’écrire quoi que soit de nouveau, mais je crois qu’on aura alors quitté le terrain de la littérature pour celui des probabilités.

Pour le terrain de l’opinion et des points de vue, quoi…



[1] Ponce Pilate, in La Bible

[2] Ici, emprunt transparent au philosophe américain Harry Frankfurt, auteur du magnifique « De l’art de dire des conneries » (« On Bullshit » en VO). Je ne vais pas me laisser coincer comme un bleu dans un papier sur le plagiat…

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !