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Rupture : 2020 devrait être l’année de la plus faible croissance démographique française depuis plusieurs décennies
©Valery HACHE / AFP

Population française

L'excédent naturel de la France métropolitaine est passé pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale sous les 100.000. La population française va-t-elle baisser ?

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Atlantico.fr : L’excédent naturel de la France métropolitaine est passé pour la première fois depuis la Seconde Guerre Mondiale sous les 100 000. À quoi est-ce dû ? 

Laurent Chalard : Il convient de rappeler que le solde naturel de la France métropolitaine, c’est-à-dire la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès, a toujours été positif depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, avec un excédent constamment supérieur à + 150 000 personnes par an, le maximum de + 357 771 personnes ayant été atteint en 1964. Cet excédent était alimenté par un fort volume de naissances grâce au baby-boom, dont les effets se sont prolongés sur la génération suivante, d’autant que la natalité a été ensuite stimulée par l’immigration. Cependant, depuis 2007, la tendance est à la baisse, l’excédent naturel n’étant plus que de + 114 900 personnes en 2019, du fait d’une réduction des naissances, corrélée à une baisse de la fécondité et à des générations en âge d’avoir des enfants un peu moins nombreuses, et d’une hausse des décès, le volume des générations arrivant en fin de vie étant plus important qu’auparavant. Or, selon les données provisoires de l’Insee, sur les quatre premiers mois de l’année 2020, cet excédent naturel a poursuivi sa chute, passant sous la barre des 100 000 personnes, en l’occurrence + 96 200 personnes sur les douze derniers mois connus (avril 2019-avril 2020). Contrairement à ce qui s’est constaté les années précédentes, cette évolution n’est nullement liée à la natalité, le volume des naissances étant à peu près stable en ce début d’année, mais exclusivement à une hausse conséquente des décès aux mois de mars (+ 9000) et d’avril (+ 16 900), consécutive de la crise du covid-19. Cette dernière, d’ordre conjoncturel, est donc venue accentuer la tendance structurelle à la progression du nombre de décès à l’œuvre depuis plusieurs années.

Quel va être l'impact des mouvements de population suite au Covid-19 sur l'excédent migratoire ? 

Concernant le second facteur faisant varier la population de la France métropolitaine d’une année sur l’autre, le solde migratoire (c’est-à-dire les entrées moins les sorties permanentes du territoire), la crise sanitaire du covid-19 a eu des impacts qui devraient se prolonger au moins sur l’ensemble de l’année 2020. Comme l’a montré une étude de l’Insee parue mi-avril et réalisée à partir des données de l’opérateur mobile Orange, il semblerait que les départs de résidents étrangers, même si la majorité d’entre eux étaient des touristes, furent sensiblement supérieurs aux retours d'expatriés, ce qui est corroboré par un constat de terrain, l’afflux de résidents étrangers vers les aéroports à l’annonce du confinement. Il s’ensuit qu’il est fort probable que la France ait connu, au moins temporairement, un déficit migratoire, d’autant que les flux d’immigration légaux, comme illégaux, ont été quasiment à l’arrêt du fait de la fermeture généralisée des frontières à l’échelle internationale. La situation devrait perdurer un certain temps, le virus étant loin d’avoir disparu sur l’ensemble de la planète, perturbant grandement les circuits de migration internationale, et donc réduisant drastiquement les flux d’arrivée, alors que la terrible crise économique qui s’annonce, va mécaniquement ralentir l'immigration, la France devenant temporairement beaucoup moins attractive. Il s’ensuit que la France métropolitaine devrait connaître en 2020 son plus faible excédent migratoire depuis des décennies, voire même un déficit, sauf si les français de l’étranger venaient à rentrer en masse dans l’hexagone dans un contexte où le virus viendrait à s’éterniser conduisant à une déstabilisation planétaire généralisée et à un repli des nationaux sur leur pays d’origine.

La population française va-t-elle baisser à l’arrivée ? 

Effectivement, étant donné les tendances démographiques de ce début d’année, il est légitime de s’interroger sur la perspective de voir la population de la France métropolitaine diminuer en 2020. Au premier abord, cela paraît peu probable, puisqu’il faudrait que le déficit migratoire, correspondant à une diminution des non nationaux largement plus importante que le surplus de nationaux, soit supérieur à l’excédent naturel, donc d’au moins 100 000 personnes. Cependant, depuis plusieurs années, l’Insee réalise annuellement un ajustement à la baisse de la population hexagonale, suite à un changement de questionnaire dans le recensement permettant de mieux prendre en compte la bi-résidentialité et donc de limiter les double-comptes, qui devrait être de – 35 000 personnes en 2020 à déduire de l’excédent naturel. En conséquence, il suffirait d’un déficit migratoire de l’ordre de 60 000 personnes pour que la population diminue officiellement, ce qui reste une éventualité, même si cela relèverait plus de l’artifice statistique que d’une réalité tangible. Rappelons que selon les données de l’Insee réajustées, la France gagne moins de 100 000 habitants par an depuis 2017, alors qu’elle voyait sa population croître de plus de 300 000 personnes par an entre 1999 et 2014. Quoi qu’il en soit, une seule certitude semble émerger, 2020 devrait être l’année de la plus faible croissance démographique française depuis plusieurs décennies.

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