RSA : Les demi-vérités de Martin Hirsch<!-- --> | Atlantico.fr
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Quand Martin Hirsch s’interroge sur le devenir du milliard d’euros…
Quand Martin Hirsch s’interroge sur le devenir du milliard d’euros…
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Excédent budgétaire

Martin Hirsch a parlé d'"entourloupe" en évoquant les 999 millions d'euros d'excédents pour le RSA en 2010. Selon Guillaume Allègre, c'est sans doute vrai, mais c'est aussi à cause de sa propre loi, mal conçue dès le départ.

Guillaume Allègre

Guillaume Allègre

Guillaume Allègre est économiste au département des études de l’OFCE depuis 2007. Ses travaux portent notamment sur la fiscalité et les transferts sociaux, les incitations au travail, les inégalités et la pauvreté.

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Atlantico : Martin Hirsch a fait ses comptes pour l’exercice 2010 du RSA : il y aurait 999 millions d’euros d’excédents. Il se demande où est passé cet argent et parle d’ "entourloupe". A-t-il raison ? A-t-il tort ?

Guillaume Allègre : Il a raison sur le fait qu’un certain nombre de dépenses prévues dans la loi n’ont pas été réalisées. Il a probablement raison sur le montant, quoique je n’aie pas fait le calcul. Cela semble crédible. Martin Hirsch oublie toutefois de dire que, si ces dépenses budgétées n’ont pas été réalisées, c’est parce que la loi sur le "RSA activité" a été mal conçue. La preuve : 2 ans après sa mise en place, seulement 40% des ménages censés en bénéficier y ont effectivement recours.

Pourquoi ?

Je pense qu‘un problème provient du fait que la loi mêle des publics très différents. Le RSA dit "socle" s’adresse aux anciens Rmistes et APistes – allocataires de minima sociaux, inactifs ou chômeurs, souvent  très éloignés du marché du travail. Le "RSA activité", lui, concerne les travailleurs pauvres. Or, le dispositif est "familialisé", c’est-à-dire qu’il tient compte de la composition familiale, et certains des membres d’un même ménage peuvent être individuellement bien insérés sur le marché du travail.

Pour être précis, les ménages qui ont le moins recours au "RSA activité" alors qu’ils y ont droit, ce sont les couples mono-actifs dans lesquels un conjoint, souvent l’homme, travaille, parfois à temps plein, au SMIC et en CDI. Ce couple peut prétendre au "RSA activité", notamment lorsqu’il a des enfants.
Ces personnes peuvent manquer d’informations, et ne pas savoir qu’elles ont droit à ce dispositif. Ils estiment certainement que la prestation est réservée aux travailleurs précaires, alors que ce n’est pas le cas. Ils peuvent aussi considérer que la prestation est stigmatisante parce que liée à l’assistance sociale.

Le problème fondamental est d’avoir voulu "familialiser" l’aide aux travailleurs de telle sorte que le montant du "RSA activité" dépend du nombre d’enfants à charge. Plus ceux-ci sont nombreux, plus la prestation sera élevée. Mais si demain votre usine ferme, vous perdez le "RSA activité", y compris la part liée au nombre d’enfants. Dans ce cas de figure, le dispositif est également injuste.

Que faire pour remédier à cette injustice ?

Il faudrait créer trois prestations à partir du RSA : un minima social qui regroupe RMI et API (il n’y avait pas besoin de changer cela), un complément qui dépende uniquement du statut dans l’emploi et du revenu, et un complément familial qui dépende seulement du nombre d’enfants et des ressources. Cela existe déjà et pourrait être étendu à toutes les familles avec enfants. Finalement, en voulant simplifier, on a créer la confusion !


On entend parler de compensation au RSA, par exemple faire travailler les allocataires 5 heures par semaine, payées ou non. Qu'en pensez-vous ?

L’équilibre de l’assistance sociale, tel que voté à l’unanimité en 1988, consistait à demander une conditionnalité en termes d’efforts d’insertion. Il faut bien comprendre que les minimas sociaux ont été fixés à des montants faibles (460 euros pour le "RSA socle") qui ne permettent pas de vivre correctement. Et si votre référent considère que vous ne remplissez par les efforts d’insertion requis, il peut suspendre ou supprimer l’allocation. Ce n’est pas un droit à l’oisiveté !

C’est d’ailleurs ce que font tous les pays européens : imposer une conditionnalité aux minima sociaux en termes de recherche active d’emploi. Aucun pays n’utilise une conditionnalité en termes de travail. Pourquoi ? Parce que le droit considère que la contrepartie d’un travail doit être un salaire, avec un contrat de travail et la protection sociale qui lui est associée. L’allocation n’est pas la contrepartie d’un travail. Elle répond à un principe de solidarité. Il s’agit d’un revenu minimum de dignité pour les personnes qui cherchent à s’insérer socialement ; un minimum en deçà duquel on ne peut pas vivre dignement.

Proposer de rémunérer 5 heures de travail hebdomadaires associées au RSA revient finalement à multiplier les contrats aidés. La question reste de savoir si des contrats aidés de 20 ou 25 heures ne seraient pas plus efficaces pour le public concerné. Rappelons que les allocataires du "RSA socle" présentent des profils très hétérogènes. Certains ont des problèmes de mobilité, notamment dans les départements ruraux, d’autres ont des soucis de santé… etc. Les aides doivent donc cibler l’obtention du permis de conduire, par exemple, mais parfois l’accès à des soins médicaux onéreux. Les contrats aidés s’adresseraient prioritairement aux chômeurs de longue durée les plus proches du marché du travail.

Cela dit, il faut bien comprendre que les deux tiers des bénéficiaires des minimas sociaux cherchent à travailler. Il faut donc d’abord leur proposer des contrats aidés, et je n’ai vu aucun rapport affirmant que ce public refusait ces contrats. Ce diagnostic n’existe pas. C’est pour cela que beaucoup concluent que la proposition relève plus de la stigmatisation que du diagnostic éclairé.


Et quand Martin Hirsch s’interroge sur le devenir du milliard d’euros…

Tout ce qui est budgété dans les projets de finances et qui n’est pas dépensé vient réduire le déficit public. De même, si les dépenses avaient été plus importantes que prévu, elles auraient creusé le déficit.

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