Robert Downey Jr, acteur le mieux payé du monde : comment se décident les rémunérations des stars de ciné ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Robert Downey Jr. est l'acteur le mieux payé au monde.
Robert Downey Jr. est l'acteur le mieux payé au monde.
©Reuters

Silence, on...paye

La polémique est née fin 2012 après la publication des revenus de l'acteur Dany Boon. Ont suivi les salaires de Gérard Depardieu, Catherine Frot ou Jean Dujardin. Des montants à sept chiffres mal vus en ce contexte de crise. Une rémunération jugée indécente face à la qualité parfois douteuse de certains longs métrages.

Atlantico : Dany Boon a gagné près de trois millions d’euros pour une comédie qui n’a pas du tout marché, de quoi relancer la polémique autour du salaire des acteurs : comment décide-t-on justement de leur rémunération ?

Lena Lutaud : Tout se décide en fonction du succès des films précédents, du rôle envisagé mais aussi du budget du film. Ce sont ces trois paramètres réunis qui comptent. Dany Boon a été autant payé pour son dernier film (Un plan parfait) car il sortait du triomphe de "Bienvenue chez les Ch’tis" et de "Rien à déclarer". Le succès d’un acteur ne se mesure pas qu’avec le nombre de tickets vendus mais aussi via le nombre de DVD vendus, l’audimat du film une fois passé à la télévision et les marchés étrangers.

Aurélien Ferenczi : Elle se décide sur ce qu’on appelle leur cote "bankable". Dany Boon notamment sort de deux gros succès, c’est donc assez logique qu’il bénéficie d’un gros cachet. Il est calculé par rapport à la popularité du moment. Ensuite, il y a un bras de fer entre l’agent et la production. Il peut y avoir des négociations mais tout dépend vraiment du succès du comédien.

Ce qu’il faut savoir c’est que les films français sont financés par la télévision en majorité. Donc outre le succès potentiel sur les écrans, il faut jauger le potentiel audimat de l’acteur le jour où son film passera à la télévision ou quand il sera reçu sur telle ou telle émission. Ça joue beaucoup sur le cachet.

En 2012, Dany Boon, Gérard Depardieu et Catherine Frot ont respectivement touché 3,6 millions, 2,4 millions et 2,23 millions d’euros : les acteurs sont-ils trop payés?

Lena Lutaud : Le public et les médias disent souvent cela quand un film ne marche pas mais en cas de succès, personne ne dit rien. La polémique cette année vient du fait que peu de films ont marché. Concrètement, ces salaires correspondent bien à la loi du marché cinématographique. Ce sont des montants justifiés par rapport à l’argent que ces acteurs rapportent. Prenez Dany Boon par exemple. Avec le film sur les Ch’tis, il a rapporté des millions à ses producteurs, aux distributeurs, aux exploitants de salle, aux télévisions,…

Aurélien Ferenczi : Il faut préciser que ces chiffres n’intègrent pas les recettes des films précédents qui continuent pour certaines de tomber (via notamment la vente de DVD). A cela s’ajoute les recettes de la télévision, les parts que certains acteurs peuvent avoir dans le film, etc…Le chiffre que vous évoquez et qu’on a retrouvé dans la presse est en fait une base derrière laquelle se cache pas mal de choses.  

Concernant leurs rémunérations, oui, ils sont bien payés dans l’absolu par rapport au gain moyen français qui est en dessous mais cela concerne un petit nombre car le cinéma compte son lot de galères et d’intermittents. Et puis, à quoi compare-t-on ces rémunérations ?  Une rentabilité est difficile à analyser notamment avec toutes les vies ultérieures que possède un film (et le nombre de personnes qu'il fait vivre).

C’est assez facile voire démago de stigmatiser les acteurs dits trop payés. Alors oui, on peut dire qu’il existe un différentiel trop important entre les petits et les gros salaires après tout, ce sont aussi les têtes d’affiche qui font gonfler le budget d’une production. Le cinéma est une économie de marché corrigée : il y a un équilibre qui se crée. L’argent du cinéma est redistribué au sein même du cinéma. Ce n’est pas un libre marché. Et s’ajoutent bien évidemment des aides de l’État et des subventions qui permettent de corriger les inégalités. Les salaires de certains acteurs peuvent paraitre énorme par rapport au marché mais l’idée qu’on s’en fait est souvent fausse : il est très large et en général, ses excès sont amendés.

Existe-t-il concrètement une grille de salaire qui explique ces rémunérations 

Aurélien Ferenczi : En général, les agents, les productions se basent sur le nombre d’entrées que pourra faire tel ou tel comédien. Le cachet, c’est en fonction de la notoriété. Et il augmente notamment si l’acteur a gagné ou non un César. Globalement cependant, la rémunération des acteurs reste très artisanale et au coup par coup. Il n’y a pas de règles fortes. Les acteurs connus sont des leviers de financement et les avoir sur un film, ça se paye.

La crise a-t-elle changé la donne ? Pourquoi ?

Lena Lutaud : Complètement et on le voit en ce début d’année. Les films malgré un casting alléchant se font rejeter par les chaînes de télévision qui sont les principaux financiers du 7e art. Du coup, énormément d’acteurs sont en semi-chômage et cela concerne même des grandes stars.  Pour que les films se fassent, ils doivent être moins chers. Les acteurs pour la plupart ont baissé leur revenu fixe et misent plus sur l’intéressement.

Aurélien Ferenczi : Le cachet des acteurs est fondé sur leurs parcours antérieurs. S’ils ont fait un, deux ou trois succès, ils vont être payés par rapport au potentiel qu’ils apportent au film prochain et encore au suivant. La correction du salaire vient en retard et c’est un problème car cela stigmatise en contexte de crise des acteurs genre Dany Boon. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’inquiétude dans le milieu du cinéma : tout baisse, budgets et salaires compris. On craint la fin du statut d’intermittent alors que c’est une vraie bouffée d’air frais pour l’industrie. La conséquence, c’est que désormais cela devient difficile de mobiliser certains moyens financiers. On se concentre sur des films qui feront des entrées avec certitude, les autres, on s’en méfie. Ce qui amène vers une uniformisation de la production. Dans ce contexte forcément, les salaires sont montrés du doigt.

Le spectateur français est-il vraiment choqué par ces salaires ou l’oublie-t-il au profit du film et du plaisir qui en ressort?

Lena Lutaud : Il est choqué par ces montants car il ne connait pas l’économie du cinéma français. Il oublie qu’un film se rémunère en salle mais aussi en télévision et DVD. Le cinéma français a très longtemps été replié sur lui-même et n’a jamais voulu parler d’argent. Ce qui explique la grogne du public. Il y a un vrai manque de pédagogie auquel certains essaient de remédier.

Aurélien Ferenczi : Si le plaisir provoqué par le film est fort, le public est moins choqué. Or cette année est moins bonne en termes de films. Peu se détache, du coup, les salaires font parler, ce qui peut paraître absurde car salaire et qualité ne sont pas liés. S’il y avait eu en 2012 ou en début d’année un film à 15 millions d’entrées, personne n’aurait discuté autant des salaires des acteurs. Il y a eu une étincelle autour de ce thème, le tout dans un contexte global assez spécial. L’argent n’est pas bien vu aujourd’hui et c’est assez indépendant de l’industrie du film.

Propos recueillis par Valérie Meret

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