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"Les risques liés à l’usage des écrans sont en fin de compte relativement limités"
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Cyberdépendance

Avec l’utilisation de plus en plus précoce des différentes formes d’écrans (consoles, écrans tactiles et téléphones..) la question se pose aujourd’hui en termes de risques santé et de prévention dès le plus jeune âge.

Nathalie Hutter-Lardeau

Nathalie Hutter-Lardeau

Nathalie Hutter-Lardeau est nutritionniste diplômée d'Etat, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. 

Parmi ses livres figurent notamment La True Food aux Editions du Moment,  dans lequel elle explique comment déguster ses produits préférés en toute lucidité, 101 restos, 0 kilo, coécrit avec Nathalie Helal et Catherine Roig (Hachette, mars 2013), Mince Alors ! (Odile Jacob, Juin 2011), Des mots sur les maux du cancer  (Mango, 2009) avec le Professeur David Khayat et Wendy Bouchard, et  Le vrai régime anti-cancer  (Odile Jacob, 2010) avec le Professeur David Khayat et France Carp.

Elle a fondé en 2000 l'agence conseil en nutrition Evidence Santé, qui travaille avec l'Agence nationale de sécurité alimentaire sur la sécurité alimentaire, et le plan national nutrition santé, ainsi qu'avec plusieurs entreprises du secteur agro-alimentaire.

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Atlantico : La sédentarité est considérée comme l’une des causes de l’obésité infantile qui touche environ un enfant sur six en France. La pratique de plus en plus précoce et de plus en plus prolongée d'activités sédentaires (consoles, internet, TV..) ne risque-t-elle pas d’accroître les risques d’obésité et d’autres maladies chez ces jeunes générations ?

 Patrick Tounian : Certaines études montrent en effet un lien statistique entre le temps passé devant un écran et la survenue d’une obésité chez l’enfant. Or, le raccourci simpliste qui consiste à dire que passer trop de temps devant un écran rend obèse est probablement erroné. En effet, d’abord toutes les études ne retrouvent pas ce lien, et d’autre part, la plupart des vrais addicts d’écrans sont au contraire maigres. Il est cependant possible que certains enfants obèses passent effectivement davantage de temps que ceux de poids normal sur des loisirs sédentaires, dont les écrans.

Mais la relation de cause à effet est à mettre dans l’autre sens. En effet, l’obésité est une maladie de l’hypothalamus (la tour de contrôle du poids située dans le cerveau) qui incite l’enfant à manger plus et bouger moins pour atteindre le poids pour lequel il est programmé. Le primum movens est donc la maladie hypothalamique, l’appétit augmenté et la tendance à la sédentarité ne sont que l’expression de cette maladie, et non sa cause.

Les adolescents  figurent parmi les plus gros utilisateurs d’écrans. L’ordinateur et internet sont d’ailleurs en passe de détrôner la télévision. Peut-on parler pour autant de cyberaddictions ? Quels signaux doivent alertes les parents, quelles conduites adopter ? La prévention ne commence-t-elle pas dès le plus jeune âge ?

Serge Tisseron : D’abord, évitons de dramatiser. L’adolescence est l’âge de tous les excès, mais la grande majorité des ados vont bien. Evitons aussi de parler d’addiction aux écrans ou de cyberdépendance. Ces mots font peur et laissent croire qu’il en existerait un diagnostic alors qu’il n’y en a pas. En revanche, tout le monde s’accorde sur le fait qu’il existe des usages pathologiques des nouvelles technologies, même s’ils sont très minoritaires. En effet, la plupart des ados ont des usages excessifs qui  relèvent de la passion enthousiaste et s’arrêtent de jouer en fin d’adolescence. S’il n’y a pas de conséquences négatives sur la vie de la personne, le comportement excessif n’est pas un comportement pathologique. En effet, la passion ajoute à la vie alors que la pathologie l’ampute.

En pratique, on peut distinguer trois types d’utilisateurs. D’abord, il y a ceux qui vont chercher sur Internet un monde complètement coupé de leur réalité psychique et sociale. C’est une façon de fuir le monde pour cultiver des rêveries de toute puissance et de maîtrise absolue. Internet ne crée pas cette pathologie, mais la révèle. D’autres utilisateurs mettent en scène dans les jeux vidéo leurs conflits intérieurs de façon solitaire. Ils ne sont pas forcément malades, mais fuient les relations, parfois de façon provisoire, parfois de façon durable. Enfin, la plupart jouent avec des amis qu’ils retrouvent régulièrement dans la vraie vie. Internet est alors utilisé comme créateur de liens plus variés.

Les parents ont un rôle essentiel à remplir pour éviter les mauvaises pratiques et encourager les bonnes. Ils doivent limiter le temps de jeu (notamment nocturne) et veiller aux résultats scolaires : toute déscolarisation est dramatique. Mais cadrer ne suffit pas. Il faut aussi s’intéresser aux contenus, inviter l’enfant à en parler, et s’informer du fait qu’il retrouve des personnes qu’il connaît dans ses jeux, Et n’oublions pas que les enfants qui regardent le plus la télévision sont ceux dont les parents regardent le plus la télévision ! Le rôle de l’exemple est capital. Enfin, la prévention des usages excessifs des écrans commence dès la maternelle. C’est  la règle « 3-6-9-12 ». 

Les risques liés à l’usage des écrans sont en fin de compte relativement limités. La période de l‘adolescence étant aussi souvent celle des excès, il appartient à nous, parents et enseignants, de maintenir la vigilance et de veiller à ce que les nouvelles technologies demeurent un outil de socialisation et non pas le contraire.

Interview réalisée par Nathalie Hutter-Lardeau

(Pour en savoir plus, voir aussi les recommandations du Professeur Tisseron sur le bon usage de l’écran reprises dans le communiqué de l’AFPA.)

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